La délocalisation des maisons de retraite
En Allemagne, on observe un phénomène quelque peu étonnant : la délocalisation des seniors vers des maisons de retraite situées à l’étranger. Un mouvement qui pourrait s’étendre ?
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La privatisation des maisons de retraite fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Rachetées par de grands groupes financiers, leur gestion est calquée sur celle des grosses multinationales, c’est-à-dire principalement axée sur la rentabilité et l’actionnariat. Un objectif parfois incompatible avec l’attention humaine nécessaire au bien-être des personnes âgées. Les conséquences au niveau de la qualité, pour les pensionnaires, comme pour le personnel employé, se font ressentir lorsque le temps et les objectifs à atteindre, priment sur l’humain.
Et ci ce n’était que le début ?
De 1950 à 2025, la population mondiale de personnes âgées (plus de 60 ans) passera de 200 millions à 1,2 milliard et de 13 à 137 millions, pour les plus de 80 ans. L’enjeu de la prise en charge des personnes âgées est donc colossal. De quoi susciter l’appétit des multinationales, actionnaires des senioreries. D’autant plus que beaucoup d’états nationaux se sont désinvestis ou n’ont jamais assez investi dans ce secteur. Du coup, en Allemagne, on observe un phénomène de délocalisation des maisons de retraite, à l’instar de celles des entreprises classiques.
Retraité… en Thaïlande
Principale raison de ce phénomène : chez nos voisins allemands, un nombre croissant de personnes âgées et leurs familles, éprouvent des difficultés à payer leur maison de retraite. Les senioreries d’Europe de l’Est, Pologne, Slovaquie et République Tchèque en tête, étant moins chères (jusqu’à trois fois moins qu’en Allemagne), elles constituent une alternative pour de nombreuses familles. L’Espagne s’est également spécialisée dans ce type d’accueil, rejointe depuis peu par la Thaïlande. Lorsque l’on sait que beaucoup de seniors belges touchent une pension inférieure à 1000 euros, l’on peut craindre que d’aucuns soient aussi tentés par ces perspectives.
Ils ne remarquent rien…
Mais n’est-ce pas étrange d’envoyer un parent à des milliers de kilomètres, le coupant d’un coup de sa sphère sociale et familiale de référence ? A cela, les propriétaires de ces maisons de retraite du bout du monde, prétendent que les personnes âgées atteintes de démence ou autres pathologies touchant leurs facultés mentales, ne se rendent pas compte de leur délocalisation. Une appréciation qui reste à prouver ! Parmi les autres arguments invoqués : ces maisons de retraite offriraient un meilleur encadrement que celles du pays d’origine. Le coût du personnel y est moindre, plusieurs personnes peuvent donc s’occuper du retraité à temps plein. Selon d’autres arguments, ces pays mettent en avant la chaleur humaine de leurs praticiens et de la population en général, envers les personnes âgées, que l’Occident aurait quelque peu perdu.
Un gros enjeu financier
Pour les grands groupes d’exploitants de maisons de retraite, cette délocalisation constitue un enjeu financier de taille. D’autant plus qu’ils étendent déjà leurs projets auprès des populations locales. Accueillir des étrangers sera bientôt d’autant plus aisé. Le groupe français leader du marché des maisons de retraite, Orpea, détient déjà 25% de ses 40 000 lits, hors de France. Principalement en Belgique, en Suisse, en Espagne et en Italie. Il vise désormais la Chine, où la population de plus de 60 ans passera de 13% à 30% d’ici 2030. La mondialisation de la gestion de fin de vie est-elle en marche ?
Sandra Evrard
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