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Le médecin doit-il informer le procureur du Roi ?

24/09/15
Le médecin doit-il informer le procureur du Roi ?

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le médecin doit informer le procureur du Roi des faits dont son patient est victime dès lors que selon la jurisprudence, le secret médical ne s’étend pas aux faits dont le patient aurait été la victime.

Dans le cadre de notre dossier sur le secret médical, il nous a semblé intéressant de publier un avis promulgué récemment sur une question spécifique, liée à cette thématique. En sa séance du 4 juillet 2015, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la question de savoir si le médecin doit informer le procureur du Roi des faits dont son patient est victime dès lors que selon la jurisprudence, le secret médical ne s’étend pas aux faits dont le patient aurait été victime.

Le secret médical : piqûre de rappel

1° Le secret médical a pour finalité de protéger la relation de confiance entre le patient et le médecin.

Il s’impose aux praticiens consultés par un patient ou amenés à lui donner des soins ou des avis, dans quelque circonstance que ce soit. Le secret professionnel du médecin s’étend à tout ce que le médecin a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa profession. Les éléments du dossier médical, quelle que soit la situation, sont toujours couverts par le secret médical.

Le secret professionnel auquel le médecin est tenu est d’ordre public, car il vise à préserver la confiance du citoyen dans le système de santé, favorisant, de ce fait, l’accès de tous aux soins. Il poursuit également un but d’intérêt privé, à savoir l’intérêt du patient qu’il s’agit de protéger contre les atteintes à sa vie privée.

Le secret médical n’est pas absolu. Outre les exceptions légales et le témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire, d’autres valeurs peuvent entrer en concurrence avec lui.
Enfin, le secret médical n’est opposable qu’aux tiers ; il ne peut être question de l’opposer au patient, ce qui serait d’ailleurs contraire au droit d’information du patient (article 7 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

Lever le secret : quand et pourquoi ?

2° Le patient victime d’une infraction a, comme tout patient, droit à une relation de confiance avec son médecin. Le secret professionnel s’étend à toutes les confidences faites par la victime en ce compris celles relatives à des faits pénaux dont elle a été victime.
Si la situation de victime abolissait en soi toute obligation de secret, cela risquerait d’entraîner que certains patients (victimes) renoncent aux soins de peur que les faits soient dénoncés.

3° Il y a lieu de distinguer la question du champ d’application du secret médical, rappelé au point 2°, de celle des conditions dans lesquelles le secret qui protège les confidences d’une victime peut être levé en justice.
3.1. Dans l’hypothèse où le patient est mineur ou se trouve dans une situation de vulnérabilité en raison de son âge, d’un état de grossesse, de la violence entre partenaires, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale, le Conseil national renvoie à l’article 61 du Code de déontologie médicale et à son avis du 14 septembre 2013, dans lequel figure le commentaire explicatif de la modification de l’article 61 précité suite à la modification de l’article 458bis du Code pénal.
3.2. Dans l’hypothèse où le patient (victime) est capable de discernement et de défendre ses intérêts, le médecin examine avec lui les possibilités d’action de telle sorte que le patient soit à même d’entreprendre les démarches nécessaires s’il le souhaite.

Préserver l’autonomie

L’autonomie de sa volonté, que la loi relative aux droits du patient met en valeur, doit être respectée. Le médecin apporte à son patient son soutien sur le plan médical, tant physique que psychique ; le cas échéant il l’oriente vers une structure pluridisciplinaire spécifiquement établie pour gérer sa problématique.

Ce n’est que si le médecin s’estime face à la nécessité de porter secours à une personne exposée à un péril grave (article 422bis du Code pénal), que cette personne en danger soit le patient ou un tiers, qu’il peut estimer devoir informer lui-même le procureur du Roi des faits constitutifs d’une infraction pénale dont son patient a été victime, sur la base de la notion d’état de nécessité. Il revient au médecin lui-même de faire la balance entre le secret professionnel et l’obligation légale d’assistance.

Le Code pénal ne contient pas d’obligation de dénonciation au procureur du Roi. La dénonciation intervient à défaut pour le médecin d’être en mesure, seul ou avec l’aide de tiers, de protéger l’intégrité du patient (principe de subsidiarité).

A chaque situation sa réponse

En conclusion, le Conseil national rappelle que le secret médical s’applique à l’égard de tous les patients, sans distinction. En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles il peut être fait exception à ce secret, le Conseil national estime qu’il n’existe pas d’obligation ou même de droit à informer systématiquement le procureur du Roi lorsque le dépositaire du secret apprend que la personne qui s’est confiée à lui a été victime d’une infraction pénale.

Chaque situation doit être appréciée par le dépositaire du secret au vu des exceptions légales, en particulier l’article 458bis du Code pénal et de l’état de nécessité.

Les nécessités de la répression n’ont pas prééminence absolue sur le secret médical. Face à une situation difficile à apprécier, le médecin peut toujours solliciter l’avis du conseil provincial de l’Ordre des médecins dont il relève.



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