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Places en crèches : dépasser le problème du quantitatif !

27/01/16
Places en crèches: dépasser le problème du quantitatif!

Parmi les priorités 2016 de la Fédération Wallonie-Bruxelles, au niveau de l’accueil de la petite enfance, deux chantiers doivent aboutir d’ici la fin de l’année : le statut des accueillantes d’enfants et la réforme des milieux d’accueil. Interview d’Eddy Gilson, Directeur de l’Accueil Petite Enfance à l’ONE.

 Qui travaille dans les crèches ?
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Quel est le problème concernant le statut actuel des accueillantes d’enfants ?

Les accueillantes subventionnées ne possèdent en fait qu’un statut social partiel. Leurs revenus sont aussi tributaires de certains paramètres comme le nombre d’enfants présents.
Le but est de passer d’un statut social partiel à un statut à part entière. Cela concerne les accueillantes des trois communautés du pays.

Des changements devraient voir le jour d’ici le 1er juillet ?

Ce dont on parle pour juillet, c’est d’une étape intermédiaire. Car tant qu’il n’y a pas un accord complet au niveau Fédéral, concernant les modalités de sécurité sociale et de fiscalité, le gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles a souhaité débuter par une première étape, dont le but principal est de réduire la variabilité des revenus des accueillantes d’ici le mois de juillet. Le dossier est actuellement traité par le cabinet de la Ministre Milquet, en concertation avec le secteur. Grâce à des modifications techniques, on fera en sorte qu’il n’y ait pas de perte de revenus lorsqu’un enfant ne se présente pas à la crèche ou quand l’accueillante n’a pas encore tous les enfants inscrits chez elle. L’idée concrète est qu’une accueillante qui s’occupe de 4 enfants, et qui travaille à temps plein, puisse avoir la garantie que son revenu ne descendra jamais plus bas que l’équivalent de 3 enfants présents, ce qui équivaut à 75% de ses revenus fixes. Le but étant ensuite de poursuivre le travail sur le dossier de la sécurité sociale, qui fait pour l’instant l’objet d’un test pilote en Flandre, et dont les résultats sont attendus pour entamer les négociations avec le Fédéral. En résumé, pour juillet, seule la première partie sera traitée et non le statut social complet.

Pour que l’on comprenne bien : les accueillantes sont payées en fonction de la présence des enfants ?

Aujourd’hui, elles sont en effet payées à la présence des enfants. Si l’un d’entre eux ne vient pas pour une quelconque raison, il existe une couverture de la sécurité sociale, mais qui est inférieure au pro-mérite quand l’enfant vient. En fonction des présences des enfants ou des congés, les revenus de l’accueillante fluctuent ainsi d’un mois à l’autre. D’où cette volonté d’arriver à un seuil garanti de 75% de ses revenus, en-deçà duquel, l’on ne peut descendre. Ce système concerne les 2500 accueillantes subventionnées.

Pour la deuxième phase, combien de temps faudra-t-il pour aboutir à de nouveaux accords ?

Cela dépendra des négociations avec le Fédéral et des résultats de l’expérience-pilote menée en Flandre, attendus pour la fin 2016. Je crois que pour le début 2017, nous devrions avoir une vision de la suite.

Le problème devrait donc être réglé d’ici la fin de la législature ?

Ca je ne sais pas ! Cela dépendra de 4 gouvernements, donc c’est difficile de m’avancer sur ce point. Mais en tout état de cause, la volonté du cabinet Milquet est d’y arriver le plus vite possible.
Un deuxième point devrait concerner le secteur en 2016 : la réforme des milieux d’accueil.

L’ONE fait partie du groupe de travail sur ce dossier, où en est-on ?

L’ONE fait plus que partie du groupe de travail, puisque notre contrat de gestion prévoit que nous sommes chargés de formuler une proposition de réformes. Nous sommes donc à la manoeuvre quant à l’élaboration de ce projet, en partenariat avec d’autres bien entendu. Depuis le début de la législature, nous avons préalablement effectué une série d’études, d’examens, de consultations, de groupes de travail. Cette phase-là est terminée depuis fin 2015. Nous entamons à présent une nouvelle phase qui durera un an, afin d’élaborer une proposition de vision sur la réforme, à exécuter ensuite dans les textes, à partir de 2017.

Pourquoi cette réforme ?

L’actuelle réglementation date de 2003, mais elle ne faisait elle-même que reprendre des éléments plus anciens. On se rend compte que les familles ont aujourd’hui de nouveaux besoins, que le financement du secteur et le fonctionnement de la société font que le système est devenu un peu obsolète et inadapté aux enjeux actuels. Nous souhaitons donc effectuer des modifications pour les dix années à venir.

Pouvez-vous déjà nous parler de certaines pistes ?

Oui et non… Les pistes sont en train d’être élaborées pour l’instant. Mais il est clair que les chantiers vont tourner autour de l’accessibilité des milieux d’accueil, d’une meilleure préhension des besoins des familles, d’une simplification administrative des milieux d’accueil. L’un des gros chantiers concerne aussi l’hétérogénéité des milieux d’accueil et les différentes règles qui les régissent. Il faudrait donc réduire cette disparité afin d’obtenir une meilleure cohérence et maximiser les possibilités d’évolution du secteur. L’autre chantier à l’étude : celui des formations du personnel des milieux d’accueil que nous souhaitons améliorer pour poursuivre la professionalisation du secteur. On a également repris des compétences en matière d’accueil d’urgence, d’accueil flexible, venant du Fédéral et il va falloir intégrer ces compétences dans le cadre général.

Le groupe de travail se penche-t-il aussi sur le nombre de places disponibles dans les crèches, sujet problématique récurrent ?

Effectivement. Nous avons une approche systémique. Nous ne nous arrêtons pas à l’étude de la réglementation des places d’accueil, mais nous réfléchissons aussi au système d’accueil de la petite enfance dans son ensemble. Il est clair que dans ce système, l’offre de services et la suffisance de celui-ci, constituent un point clé. Il y a un lien avec cette réforme et l’avenir du Plan Cigogne.

Y a-t-il déjà des conclusions à tirer ?

Non, nous pas encore. Mais lorsque l’on tire le bilan du Plan Cigogne, dans les provinces du Hainaut et de Liège, on observe que l’on n’a pas fait le plein des demandes de places subventionnées.

Il y avait un problème de cadastre ?

Non, on connaît la capacité du parc d’accueil, mais quand on a lancé la programmation, on n’a pas eu assez de candidats pour occuper les places que l’on offrait. Alors que dans les quatre autres provinces, on a atteint l’objectif. Nous sommes en train d’analyser pour quelles raisons ces situations se sont produites. Aujourd’hui, les différents types de milieux d’accueil constituent aussi un frein à la création de places.

Qu’en est-il du financement ?

Les crèches sont financées au niveau de leur personnel pour des prestations de 7h36, mais une crèche ouvre en moyenne 10 à 11h. Cela signifie qu’il reste à charge de la commune ou de l’ASBL qui gère les milieux d’accueil, 30 à 40% de frais de fonctionnement. Les communes en difficultés financières ne sont donc plus en mesure d’accroitre leur capacité d’accueil. Une des questions qui se pose, c’est : "Est-ce que les normes d’encadrement et de financement actuelles tiennent encore la route » ? Il y a donc un lien direct entre la réforme du financement et ce problème là. Autre exemple : la province de Liège comporte un grand nombre de petites structures que l’on appelle des Maisons Communales d’Accueil de l’Enfance (MCAE), qui fonctionnent sur des normes différentes de celles des crèches. Le passage de l’une vers l’autre n’est pas toujours facilité dans les programmations parce que les coûts sont différents. L’hétérogénéité des modèles ne permet donc pas toujours l’accroissement à certains endroits. C’est un problème structurel qu’il va falloir changer si on veut continuer à progresser dans l’accroissement de l’offre de places.

D’autres points pourraient aussi être améliorés ?

Oui, l’on pourrait réduire la charge administrative, essayer de la simplifier, informatiser un certain nombre de choses qui permettraient aussi au personnel de dégager des ressources pour les missions de terrain. Un élément qui nous manque aussi et qui fait partie de la réforme, c’est une analyse centralisée des demandes d’inscriptions. Aujourd’hui, on travaille avec une pondération entre le nombre de places versus le nombre d’enfants, sur un territoire donné. Il nous manque une information centralisée et complète sur les besoins, ce qui nécessiterait d’automatiser les inscriptions sur les demandes vraisemblablement satisfaites. L’information est difficile à obtenir, car cela implique que les milieux d’accueil tiennent leur registre d’inscription en temps réel. C’est un point qui fait aussi partie du système de réforme et de centralisation. Il est clair que l’on est partis pour une réforme qui va prendre, au minimum, le temps de la législature.

C’est un énorme chantier ?!

Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une réflexion globale. Je crois que c’est important en partant qu’il faut certes suffisamment de places, mais il faut aussi répondre aux besoins spécifiques des familles. Je crois que c’est vraiment important, tout cela touche à des enjeux fondamentaux en termes d’emploi, de santé préventive, de lutte pour l’égalité sociale. Tout ce qui touche la petite enfance comporte un effet retour à long terme. Plusieurs études belges et internationales le démontrent. Lorsque l’on tend à avoir un niveau de qualité et de services dans la petite enfance, on a moins de difficultés à posteriori.

Il y a des répercussions sur tous les pans de la vie ?

Il y a un effet démultiplicateur. On se rend compte qu’on ne pourra plus continuer à progresser en quantité si l’on ne modifie pas les fondamentaux du système. C’est nécessaire pour continuer à progresser, sans régresser en qualité. Ce qui est la seule condition pour pouvoir engranger les bénéfices sociétaux auxquels on escompte, au niveau de lutte contre la pauvreté, de la socialisation des enfants et de l’égalité des chances.

Propos recueillis par Sandra Evrard

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Commentaires - 1 message
  • Bonjour,

    De ce que je vois et entends sur le terrain, c'est aussi, face à cette promesse c'est un raz de marée de conventionnées, mais le soucis c'est que parmi elles, toutes ne le sont pas pour les bonnes raisons à savoir la profession ! mais par je suis à la maison avec un revenu. Et avec ce raz de marée, la mise en danger des accueillantes autonomes, dans mon cas, je ne peux rejoindre la structure de mon secteur, la 1er expérience n'ayant pas étés concluante avec le service accordant trop d'absences aux parents, trop de liberté d'horaire (arrivée hors de la plage horaire définie par ma convention), le coté absence abusive ayant mis en danger mon revenu et le budget de la famille, j'ai donc opté pour l'"indépendance, ce qui encore à ce jour, me permets de vivre, sans gagner plus qu'une conventionnée.

    Je souhaiterai rejoindre un service respectueux de la convention établi, des contrats signés - que faire - hors de question de retourner sous la convention de la personne responsable actuelle de mon secteur ? 5 vont voir le jours sur 6 mois, alors qu'avant cette promesse s'est avec peine que le service à recruté 2 ou 3 accueillantes en 4ans ! Le gouvernement a t-il pris en compte des autonomes dans leur calcul de places disponibles ? A t-il pensé à limité des agréments selon un quota - car même des accueillantes conventionnées de la région prennent peur vu le flot 7 en place 5 arrivent cela ne serait pas fini ?! des rumeurs d'extension d'agrément cours.... Espérons que l'état ai prévu un quota, y aura t-il encore du travail pour toutes - même les conventionnées ? L'accueillante ayant dans sont quota son enfant, sera t-il déduit du revenu ? Où sera t-elle payé pour sa place ?

    nounou_campinoux jeudi 28 janvier 2016 16:08

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