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Postes de garde : une question en sursis

25/11/15
Postes de garde : une question en sursis

Dans le cadre de notre série sur les mémorandums, nous avons interviewé le Dr. Pierre Drielsma, Permanent politique à la Fédération des maisons médicales. Le mémorandum sera publié demain, mais le représentant de ce secteur est aussi revenu sur un problème actuel : la décision de la Ministre de la Santé, de moins financer les postes de garde.

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Concernant les acteurs de première ligne, quelles sont vos craintes avec la réforme de l’état ?

Ce qui est d’actualité : c’est-à-dire le blocage des postes de garde par Maggie de Block. C’est une véritable catastrophe ! Le poste de garde est un outil fondamental pour revaloriser et maintenir la garde de première ligne. Ceci, afin de maintenir une force de travail en médecine générale et en même temps, théoriquement, pour récupérer 50% des patients qui se rendent aux gardes hospitalières. Une étude récente du service d’études, d’évaluation et de contrôle médical de l’INAMI, démontre que à peu près la moitié des personnes qui arrivent à la garde hospitalière n’ont rien à y faire. Ils viennent pour des problèmes bénins qui pourraient être gérés en première ligne et éviter des examens surnuméraires. C’est là que l’on pourrait réaliser des économies !

Est qu’il y a une projection chiffrée qui démontrerait que la suppression des postes de garde est intéressante financièrement ?

Si l’on prend le critère du manque d’évaluation des postes de garde pour les éliminer, pourquoi ne supprime-t-on pas non plus les gardes hospitalières qui n’ont, elles non plus, pas été évaluées ? De plus, certaines font de la fraude et sont à côté de la plaque. L’argumentation du manque d’évaluation ne vaut rien. Il y a plein de choses que l’on pourrait supprimer en Belgique parce qu’on ne les a pas évaluées. Les postes de garde ont le mérite de faire l’unanimité au sein de la profession. C’est déjà une bonne chose ! Maggie de Block réalise une économie de 10 millions d’euros en empêchant le processus de voir le jour. Pour passer du système actuel, qui a certes un coût élevé, à un système moins cher, il faut donner de l’énergie d’activation. Il faut chauffer les tubes et ça coûte un surplus d’argent très transitoire. Dans ce cas, la ministre diminue l’énergie d’activation, elle s’empêche de gagner de l’argent.

D’autant plus qu’il est aussi demandé aux hôpitaux de réaliser de gros efforts financiers, donc finalement c’est un peu déplacer le problème ?

Du côté de l’hôpital, il y a des gains à faire, mais pas en première ligne. Il y a des marges énormes d’économie, car l’on pourrait fermer énormément de lits.

Quel est votre point de vue sur le virage ambulatoire. Il a déjà commencé ?

Oui, il se fait de la façon suivante : on ferme des lits, mais les économies restent à l’hôpital et une partie de son personnel s’occupe des soins à domicile. Ça ne correspond pas du tout à notre démarche. De notre point de vue, il faudrait que l’économie réalisée aille en partie à l’hôpital pour combler les déficits, puisque les hôpitaux sont dans le rouge, mais aussi qu’une autre partie soit transférée vers la première ligne, pour le renforcement des équipes. Nous préférerions que le personnel de première ligne vienne, non pas avec la « casquette hôpital », mais avec la « casquette maison médicale » ou « CSD/ASD ». Mais cela n’a pas été conçu comme cela. L’hôpital conserve en quelque sorte la tutelle. Quand on regarde le système 107 concernant la déshospitalisation psychiatrique, elle est totalement sous contrôle des hôpitaux psychiatriques et pas du tout transférée à la première ligne. C’est un virage ambulatoire aux mains de l’hôpital. Ce qui n’a aucun sens parce que la logique hospitalière est morcelée par type de problèmes, alors que la logique de la première ligne est intégrative.

Si je comprends bien vous demandez plus de moyens pour les autres acteurs qui auraient pu s’insérer dans cette politique ambulatoire ?

C’est-à-dire que je pense que l’argent aurait dû aller à la première ligne. On aurait alors embauché du personnel, puisque je comprends bien qu’ils ne veulent pas licencier ! On avait fait cela lorsqu’il y a eu la première faillite de Cavell. Les syndicats avaient formé les infirmières pour les soins à domicile, d’où la naissance de la CSD. On devrait faire la même chose actuellement : fermer des lits et que le personnel se retrouve en première ligne, dans les CSD, les maisons médicales ou dans des groupes pluridisciplinaires quelconques.

Il faudrait aussi renforcer l’attractivité des métiers de première ligne : est-ce que ça ne fait pas partie de la même problématique ?

Cela n’avance pas non plus en effet. Actuellement, la médecine généraliste est en crise dans tous les pays, à l’exception de certains cas comme la Grande-Bretagne, où les généralistes y sont correctement payés. Ils ont des niveaux de revenus comparables à ceux des spécialistes. En Belgique, il y a un problème encore plus grave que celui du revenu : c’est le problème du statut. A l’université, les chaires de médecine générale ne sont pas assez nombreuses, pas assez financées et la recherche est insuffisante. Du coup, le prestige de la médecine générale est inférieur à celui de la spécialisée. Tant qu’on n’aura pas rééquilibré les prestiges académiques, je ne pense pas que cela marchera.

Propos recueillis par Sandra Evrard



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