Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Le contrat PIIS pour tous ? Evaluation...

21/12/17
Le contrat PIIS pour tous ? Evaluation...

Depuis quelques mois, en CPAS, le contrat PIIS est d’application pour l’ensemble des bénéficiaires du RI. Entre inégalités d’application dans les centres ou abus de concept du travail volontaire, les assistants sociaux subissent une réelle surcharge de travail. Dans ce cadre, l’accompagnement social prévu n’est plus toujours la priorité du travailleur. Et pourtant, à entendre notre ministre de l’intégration sociale, de nouvelles réformes pourraient encore être proposées.

Depuis le 1er septembre 2016, tout nouveau bénéficiaire du RIS, sans limite d’âge, est tenu de signer un PIIS avec son CPAS. Auparavant, l’obligation ne s’appliquait qu’aux jeunes de moins de 25 ans. En cas de non-respect des éléments repris dans le PIIS, une suspension de RIS d’un mois maximum et de trois mois maximum en cas de récidive est d’application. De plus, un service communautaire sur base volontaire a été mis en place et peut faire partie du contrat que le bénéficiaire signe avec le CPAS. Appliqués au quotidien par les CPAS, les assistants sociaux demeurent mitigés quant aux réels résultats.

Disparité d’application entre les différents CPAS

Au départ, la généralisation d’un contrat d’intégration à tous peut sembler amener une meilleure égalité de traitement entre les usagers. Pourtant, ce contrat d’activation sociale est contraignant pour les usagers du CPAS. En effet, si certains centres font du PIIS un outil d’accompagnement social, d’autres l’utilisent comme un moyen de pression sur l’usager pour tester sa « disposition au travail ». Ce constat avait d’ailleurs déjà été avancé avant la réforme lors d‘une étude réalisée par A. Franssen portant sur les pratiques en matière de PIIS. En effet, son contenu n’étant pas défini par la loi, elle ouvre une brèche à l’appréciation locale et subjective du droit au RI par les travailleurs sociaux.

Un contrat sous contrainte

Le PIIS ne peut être considéré comme un vrai contrat dans la mesure où l’octroi du RIS est conditionné à sa signature. L’usager est en position d’infériorité car, qui dit signer un contrat, dit la possibilité de ne pas le signer ou à tout le moins d’en négocier les termes. Or, la personne qui frappe à la porte du CPAS en dépend pour sa survie. Enfin, l’obligation semble poser question à certains travailleurs de CPAS qui estiment qu’utiliser la contrainte n’est pas très efficace dans l’accompagnement des bénéficiaires.

Un risque plus grand d’exclusion

Dans la pratique, force est de constater que la contractualisation a peu de sens avec les publics très fragilisés par une situation d’urgence vitale. Le PIIS n’est pas adapté au public très précarisé et vulnérable (analphabétisme, pas de culture de l’administratif…), pour qui il faut un accompagnement « non menaçant », au risque de créer plus d’exclusion.
Dans ce dispositif tel que proposé, les assistants sociaux ont bien des difficultés à s’assurer que les bénéficiaires peu lettrés comprennent l’ensemble des termes du contrat.
Faire intégrer la teneur d’un PIIS à une personne lettrée est déjà complexe au vu de la longueur du document et des divers termes et jargons juridiques employés. Dès lors, pour une personne analphabète, c’est de l’ordre de l’impossible.

Le workfare

Le concept de service communautaire ouvre une brèche dangereuse, vers ce que les Anglais appellent le « workfare », soit la mise au travail (même non rémunéré) pour « mériter » ses allocations. Dans ce service communautaire, on aurait pu ranger des activités sociales (faire du théâtre, participer à un potager collectif), qui sont productrices de liens sociaux, mais en les intégrant dans le PIIS, l’esprit est totalement dévoyé.

Une mesure injuste pour les travailleurs sociaux

Le RI n’est pas un revenu inconditionnel, il est soumis à certaines conditions, telles qu’une adresse en Belgique, avoir atteint l’âge de 18 ans, ne pas avoir d’autres revenus et la disposition à être mis au travail. La nouvelle loi conditionne cette allocation encore davantage. Pourtant, les assistants sociaux faisaient déjà tout leur possible pour accompagner les personnes vers l’autonomie du mieux qu’elles peuvent, avec les moyens qui sont les leurs. Cette réforme caricature la réalité et laisse à penser que les personnes bénéficiant du RI ne font pas ce qu’elles devraient pour s’en sortir et que les travailleurs sociaux qui les accompagnent ne font pas correctement leur travail

Et Demain ?

Il y a quelques jours, le ministre W. Borsus annonçait qu’il souhaitait demander une enquête, suite à l’augmentation importante des demandeurs de RI chez les jeunes. Dans la foulée, une réforme du PIIS axée sur la priorité à l’emploi serait réfléchie. Dans ce cadre, les CPAS de demain pourraient bien devenir de véritables CPAE - Centre Public d’Aide à L’Emploi. Si l’idée est que l’accompagnement social ne peut se faire que dans un processus de remise à l’emploi sous contrainte, l’objectif serait alors parfaitement atteint. Cependant, chaque assistant social est tout à fait conscient que ce concept est bien trop réducteur face à un public précarisé.

D’autres incitants

Une autre voie est pourtant possible : proposer aux personnes une formation ou un apprentissage par un incitant financier. Si vous suivez des cours particulièrement adaptés à votre situation, vous recevez un supplément. Cette démarche, respectueuse des plus pauvres, permettrait alors une approche du travail social des assistants sociaux totalement différente.

i.i., assistante sociale.

[A Lire]

 Quand même le logement fait défaut
 La psychiatrisation de la pauvreté
 Levée du secret professionnel, quel avenir pour les assistants sociaux ?
 Le CPAS : généraliste ou spécialiste ?
 Regard systémique sur un CPAS
 Quand le CPAS s’appauvrit…
 Que faire face au surendettement répété ?
 Etat des lieux sur le titre non protégé de la profession d’éducateur spécialisé
 Levée du secret professionnel... Le temps est compté !



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour