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Le travail thérapeutique avec un interprète, un véritable défi

22/05/17
Le travail thérapeutique avec un interprète, un véritable défi

Rencontrer en consultation thérapeutique un enfant, une famille de primo-arrivants nécessite souvent le recours à un interprète. Cette présence supplémentaire modifie le cadre de la rencontre et amène à repenser notre clinique.

Face à l’importante crise migratoire de ces dernières années, nous sommes de plus en plus souvent amenés à rencontrer en consultation des familles primo-arrivantes. Ces enfants, ces familles, après un parcours migratoire souvent périlleux, s’installent dans un pays où la langue leur est étrangère. Face à leur souffrance, leur offrir un lieu de consultation où ils peuvent s’exprimer dans leur langue maternelle est le minimum. Malheureusement, peu de structures bénéficient de la présence de thérapeutes parlant des langues étrangères, c’est donc par défaut que nous recourrons à la présence d’un interprète.

L’interprète fait partie du réseau de la famille

Dans certaines situations, la famille fait appel à un membre de la famille élargie pour traduire. Cette configuration, si elle peut, dans un premier temps, sembler confortable, induit souvent des biais dans la traduction. Ce membre de la famille élargie interprète les dires, y ajoute sa vision et ne nous transmet donc pas une traduction stricto-sensu des propos qui nous sont destinés. Il est donc nécessaire de tenir compte de cette présence supplémentaire, d’inclure ce membre dans le système avec lequel nous travaillons et de prendre le temps de discerner ce qui appartient à chacun.

Le recours aux professionnels

Recourir à des professionnels de la traduction permet, en théorie, une plus grande neutralité. L’interprète est tenu à la confidentialité et doit se contenter de traduire. Malheureusement, cette lecture de la fonction d’interprète est très théorique. Dans notre pratique, nous sommes trop souvent confrontés à une autre réalité. Touché par la situation de la famille, l’interprète ne parvient pas à garder cette neutralité. Il colore les propos de nos patients de son propre vécu, il donne son avis, suggère des solutions à la famille de son propre chef. Evidemment, il ne faut pas mettre tous les interprètes dans le même panier, mais trop souvent nous sommes obligés de rappeler que nous souhaitons une simple traduction des dires de la famille, sans aucune interprétation de ceux-ci.

Les aménagements du cadre

La traduction prend du temps, ce paramètre ne doit pas être négligé. Afin de permettre à nos patients de se déployer, il est nécessaire d’allonger le temps de la consultation. Il nous apparaît également essentiel de rappeler à nos patients que le traducteur est tenu au secret, la famille doit se sentir en confiance. Malgré ce rappel de la confidentialité, il est parfois difficile pour nos patients de recourir à un traducteur qui fait partie de leur communauté. Il est donc essentiel d’explorer avec eux les craintes inhérentes à la présence de ce tiers traducteur. Une fois, ces aménagements mis en place, offrir une continuité dans la traduction est essentielle. Un lien se tisse entre la famille et le thérapeute mais il en est de même entre la famille et l’interprète.

Quand l’interprète enrichit la rencontre

Malgré quelques expériences négatives, il est important de souligner que certains interprètes sont de véritables perles. Ils restent au plus près des propos de nos patients. Sans l’énoncer, une empathie non verbale se dégage de leur traduction. Avec l’accord des patients, ils proposent d’apporter un éclairage sur la situation, ils partagent avec nous leurs connaissances de la culture d’origine de la famille. Ils nous éclairent sur les us et coutumes présents dans le pays d’origine et nous apportent ainsi une meilleure compréhension de la famille rencontrée. Dans de telles circonstances, travailler avec un interprète reste complexe, mais l’interprète devient un outil en soi pour notre travail.

V.B psychologue clinicienne

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