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Teach for Belgium : quand le privé forme des profs pour lutter contre les inégalités scolaires

19/11/14
Teach for Belgium : quand le privé forme des profs pour lutter contre les inégalités scolaires

Mise sur pied en 2013 en Belgique, l’asbl Teach for Belgium forme des jeunes à enseigner dans les écoles « difficiles ». Si son objectif – la lutte contre les inégalités scolaires – est louable, son fonctionnement et son financement privé irritent une partie du monde éducatif.

« Que peut-on faire pour lutter contre les inégalités scolaires ? ». C’est pour répondre à cette question qu’est née en 2013 l’asbl Teach For Belgium, l’une des 35 antennes de Teach for All, une initiative créée aux USA au début des années 90 pour réduire les inégalités socioéconomiques dans l’enseignement.
La petite équipe qui compose cette ASBL propose des formations de cinq mois à une vingtaine de jeunes – qui ne s’orientaient pas spécialement vers une carrière d’enseignants - en vue de les préparer à professer dans des établissements à indice socioéconomique bas, qu’on appelle « à encadrement différencié », anciennement « à discrimination positive ».

Sens du leadership et motivation

Les profils recherchés ? « On cherche des personnes motivées, jeunes ou moins jeunes, porteurs d’un master en math, sciences ou néerlandais, car ces métiers sont en pénurie », explique Pierre Pirard, qui a mené pendant plus de 25 ans une carrière dans le secteur privé, avant de de changer radicalement de carrière en devenant enseignant dans une école de l’enseignement différencié à Molenbeek (en 2011, il partage cette expérience dans un livre au titre évocateur : « Vous n’êtes pas des élèves de merde »).
« Les critères de sélection comprennent aussi le travail en équipe, la persévérance, le leadership, etc », précise-t-il.

Une formation courte et condensée

Le programme de formation destiné à la vingtaine d’étudiants sélectionnés (sur 400 CV, pour cette première promotion) se déroule d’avril à septembre. Elle comprend des séances d’observation, de réflexion, et 150 heures de formation durant l’été, « dans une école qu’on recrée », explique Pierre Pirard. Et Teach for Belgium de préciser que cette formation, outre l’engagement social fort qu’elle représente, permet aux participants de se « développer personnellement et professionnellement ».

Les enseignants de Teach For Belgium – 14 pour cette première promotion- ont été répartis dans les écoles de Bruxelles et de Wallonie, tous réseaux confondus, avec qui l’asbl a établi des partenariats au préalable. Ils sont engagés et soumis aux mêmes obligations que les autres professeurs. «  Un tuteur continue à accompagner ces professeurs durant deux ans, pour leur offrir un soutien pédagogique et moral », souligne aussi Pierre Pirard.

Quelques mois après la rentrée scolaire, Pierre Pirard tire un premier bilan : « C’est dur mais ils restent très motivés, ils prennent leurs marques et sont très bien accueillis. Le retour des directions est positif. »

Craintes d’une mainmise du privé

Pour fonctionner, Teach For Belgium compte sur des financements privés (notamment la Fondation Roi Baudouin. La liste est publiée sur le site). Et c’est ce point précis qui semble en fâcher certains. Ainsi, des membres de l’Université catholique de Louvain n’y vont pas de main morte dans une carte blanche à La Libre le 5 décembre 2013. Ils craignent que «  l’agenda des promoteurs semble être celui du privé contre le public  » : « Le financement du projet est privé, l’organisation du recrutement et de la formation est privée et le modèle qui transpire de toutes parts est celui du management privé. Plutôt que de mettre leurs moyens financiers au service de la formation de tous les enseignants, ils préfèrent avoir la maitrise d’une formation sur mesure. Ils la croient meilleure », écrivent aussi les signataires. Même son de cloche du côté du SLFP enseignement qui dénonce « un leurre à l’américaine ».

Pierre Pirard répond « reconnaître que l’enseignement doit être public » : « On espère être reconnu dans quelques temps dans le secteur public », explique-t-il, « mais en attendant, il y une réelle urgence, il faut agir ». Et d’assurer que «  les partenaires privés ne s’immiscent pas dans le contenu de la formation et ne demandent rien en échange de leur financement ».

En savoir plus : http://teachforbelgium.org/

Manon Legrand



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