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Réflexion sur la généralisation de l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle

11/02/14
Réflexion sur la généralisation de l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle

Mara Bevilacqua est psychologue-psychothérapeute et sexologue dans la Région de Mons. Suite à notre Dossier à la Une concernant l’EVRAS (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle), elle a tenu à nous partager sa réflexion.

Relire notre Dossier à la Une Réforme de la vie relationnelle, affective et sexuelle : comment parler d’amour à l’école ?

Actuellement, je travaille au sein d’un SAAE (Service d’Accueil et d’Aide Educative) en qualité de psychologue. Dans le cadre de ma formation en Sexologie Clinique, j’ai développé le rôle de personne « ressource » concernant la vie relationnelle, affective et sexuelle des enfants et jeunes qui nous sont confiés.

Une réflexion a donc émergé : comment aborder la thématique de l’intimité sexuelle avec des enfants et jeunes placés en institution ? Comment remettre la « norme » par rapport à la sexualité quand ces enfants et ces jeunes ont été confrontés à la sexualité débridée de leurs parents ? Comment déconstruire une représentation déformée de la sexualité ? Nous ne pouvons minimiser l’impact éventuel que cela pourrait engendrer sur leur sexualité à l’âge adulte.

Dans un contexte institutionnel tel que le notre, il est nécessaire d’organiser des animations ainsi que des réunions de jeunes abordant diverses thématiques dans le domaine de la sexualité et de sensibiliser les équipes éducatives. Cela amènerait des réflexions en termes de stratégie d’intervention à adopter auprès des jeunes.

Il me paraît également essentiel d’intégrer davantage à la formation des éducateurs et toute autre profession relevant du secteur de la petite enfance et de l’adolescence, un module spécifique sur l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle ainsi que sur le développement de la sexualité et les troubles associés.

La maturité psychosexuelle des enfants et des adolescent(e)s doit être perçue comme un cheminement non linéaire, acquise par diverses expérimentations qui les guideront vers une sexualité adulte. Etant donné la promiscuité engendrée par le placement, certains jeunes sont confrontés à des situations qui éveillent leur intérêt de la sexualité.

De ce fait, il est indispensable d’appréhender la sexualité en toute liberté afin de ne pas banaliser les comportements sexuels et l’orientation sexuelle des enfants et des jeunes. Les intervenant(e)s devraient être capables de distinguer les attitudes liées au développement psychosexuel « normal » et les comportements sexuels inappropriés inhérents au vécu de ces enfants et jeunes placés en institution.

Le rôle des équipes éducatives devrait être d’éduquer les enfants à la sexualité lorsque ces derniers sont en demande d’information ou d’explication sur leur développement psychosexuel. Pallier à cette fonction éducative pourrait avoir un effet bénéfique sur la construction de l’identité sexuelle des jeunes. En effet, certains éducateurs symbolisent les figures parentales sur lesquelles ces jeunes peuvent s’étayer. Pour ce faire, ces intervenants éducatifs doivent être suffisamment à l’aise tant avec leur propre sexualité qu’avec celle des enfants et jeunes qui leur sont confiés.

Il apparaît clairement que la sexualité des adolescentes, issues d’un milieu socio-économique « précarisé », sont plus susceptibles que les autres jeunes d’avoir des relations sexuelles précoces. Elles ont également tendance à s’exposer à davantage de risques en n’utilisant pas de moyens de contraception.

Les conduites à risque du groupe des adolescentes, au niveau de leur sexualité et leur propension à vivre des expériences homosexuelles, m’ont particulièrement interpellée. Il en est découlé une réflexion plus spécifique : l’orientation sexuelle de ces jeunes filles aurait tendance à basculer vers l’homosexualité en raison de la promiscuité induite par le contexte de l’hébergement dans une unité spécifique pour adolescentes et/ou les remaniements psychiques caractéristiques à l’adolescence amèneraient ces adolescentes à expérimenter tant les relations avec les filles qu’avec les garçons avant de se fixer sur un « objet d’amour » déterminé.

Grandir séparé de ses parents peut être traumatisant pour ces jeunes. Pour certains, la résilience leur aura permis de surmonter un évènement négatif et de se reconstruire, d’autres développeront davantage des troubles psychotraumatiques, dont des troubles sexuels.

Le paysage de la sexualité s’est transformé ces dernières années. Les premières expériences sexuelles se vivent de plus en plus précocement. L’accès aux nouveaux modes de communication tels que les réseaux sociaux, les blogs, les sites spécifiques… favorisent la diffusion d’un flux d’information déversé par ces médias, parfois, sans aucune censure.

De plus, l’adolescent actuel est sexuellement « mâture » plus tôt, toutefois, il reste plus longtemps dépendant de la société. Les caractéristiques sociales dans lesquelles s’inscrit l’adolescent(e) aujourd’hui sont intimement liées à notre époque et à nos sociétés occidentales.

La société est davantage orientée vers la consommation, d’où l’émergence d’une vision consumériste de la sexualité, notamment via les messages véhiculés dans les médias.

La généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle prend donc tout son sens et ce, dans le domaine de l’enseignement, du conseil, de la Santé ou de la lutte contre la discrimination.

Relire notre Dossier à la Une Réforme de la vie relationnelle, affective et sexuelle : comment parler d’amour à l’école ?

Si vous aussi, vous désirez partager votre réflexion, rendez vous sur notre Forum pour animer le débat.



Commentaires - 2 messages
  • Je suis éducatrice dans un centre d'hébergement et je suis chargée de l'EVRAS avec une collègue. Sauf que nous n'avons aucune formation par rapport à cela. Où puis-je en trouver ? Il vaut mieux que je me forme moi ou toute l'équipe ?

    Mousse jeudi 13 février 2014 09:09
  • Bonjour mousse,
    Vous pouvez vous former vous même ou faire appel à un planning familial qui viendra vous former ainsi que votre équipe.
    Renseignez-vous auprès du réseau de votre région, peut être y a-t-il un planning qui offre cette possibilité.
    Personnellement, je suis sexologue et je travaille en planning à Tournai. Notre équipe forme des équipes éducatives en centre d'hébergement à l'EVRAS.

    Aby217 jeudi 13 février 2014 13:44

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