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Prendre sa place, toute sa place, rien que sa place

16/10/17
Prendre sa place, toute sa place, rien que sa place

Dans de nombreuses équipes pluridisciplinaires il existe une hiérarchie des fonctions. Il n’est pas rare que certaines fonctions prennent plus de place que les autres au détriment de la dynamique d’équipe et surtout de la mission des institutions.

Que ce soit dans une SAAE (Service d’Accueil et d’Aide Educative), dans les équipes de prévention, les AMO ou dans les services s’appuyant sur des profils et des fonctions variées , Il existe souvent une hiérarchie implicite dans les équipes pluridisciplinaires, la parole des travailleurs n’a pas le même poids selon les fonctions. L’effet pervers, outres les jeux de pouvoirs malsains, c’est d’éloigner l’équipe de sa mission originelle. « La hiérarchie » ressemble souvent à ceci, en ce qui concerne les fonctions (du plus influant au moins écouté) : psychologue, assistant social, éducateur, animateur, équipe logistique). Alors que chacun est supposé être égal lors des réunions et dans l’organisation du travail, il est évident que des déséquilibres peuvent s’installer. Surtout lorsque certains travailleurs passent beaucoup de temps proches de la direction ou des coordinations.

Le monde à l’envers

Une tendance déplorable se dégage dès le début : plus le travailleur passe de temps avec le public, moins il a de poids dans les discussions. Combien d’animateurs sont-ils mésestimés alors que leur travail est le point de départ de toutes les actions ? Combien d’éducateurs posent des analyses qui ne sont pas prises en compte sous prétextes que ceux-ci sont avant tout considérés comme des exécutants ? Pourtant ceux-ci sont en première ligne face aux problématiques et aux revendications du public. Ils représentent l’association aux yeux des personnes. Ils sont considérés comme responsables des choix institutionnels. Alors que ceux qui passent le plus de temps sur le terrain devraient être ceux dont la parole pèse le plus, ce n’est malheureusement que rarement le cas dans la réalité.

Prises de pouvoir et sphères d’influence

Il n’est pas rare de voir des processus de prise de pouvoir au sein des équipes. Pour exemple : une personne en charge du suivi individuel peut prendre des rendez-vous (avec un juge par exemple) lors des congés de ses collègues de terrain lorsque ceux-ci sont en désaccords avec ses conclusions. Un travailleur en charge du développement pédagogique peut s’organiser des réunions de travail en duo avec la coordination pour ensuite revenir les imposer en équipe. Pour contrer cela, il n’existe pas mille solutions : rien ne doit se décider hors des espaces de décisions collectives et il faut appliquer strictement la maxime « ne rien faire que nous n’ayons dit. »

De vieilles habitudes

Fernand Oury (père de la pédagogie institutionnelle) disait : « ne rien dire que nous n’ayons fait ». Avec cette phrase, il entendait interpeller la tendance dogmatique à donner plus d’importance aux penseurs et théoriciens qu’aux praticiens et aux acteurs de terrain. C’est peut-être la même logique qui sous-tend l’inégalité entre les fonctions. Certaines d’entre-elles sont considérées comme mieux (in)formées et plus légitimes alors qu’il n’en est rien. Il faut sortir du schéma obsolète qui veut que le théoricien a forcément plus étudié et est donc plus compétent. Entre pratique et réflexion, l’équilibre doit être trouvé, l’une ne peut exister sans l’autre. Il en va de même des différentes fonctions.

Attention danger !

Si ces dysfonctionnements posent un problème en termes de qualité d’intervention, cela peut totalement dégénérer dès lors que les jalousies, les jeux de pouvoirs, la séduction, et les autres dynamiques concurrentielles et conflictuelles s’en mêlent. Dès lors que l’on dépasse le cadre d’un désaccord professionnel, il existe de réels les risques de conflits et de relations malsaines. Les relations duales ou exclusives apparaissent, des schémas tels que le triangle dramatique se multiplient et petit à petit, les interactions entre collègues ne sont presque plus qu’exclusivement violentes. Et dans de tels schémas, ce sont les moins considérés et les plus fragiles (humainement ou professionnellement) qui vont en faire les frais.

Perceval Carteron, éducateur

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