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Actes délégués aux aides-soignants : "Revalorisons leur salaire !"

28/11/19
Actes délégués aux aides-soignants:

Depuis le 1er septembre, les aides-soignants peuvent poser cinq actes supplémentaires au bénéfice des patients. Une mesure de Maggie De Block qui ne fait pas l’unanimité… « Cette réforme risque d’avoir des effets contreproductifs », a dénoncé le député Hervé Rigot. Selon lui, la formation obligatoire de 150 heures est largement insuffisante. Autre critique formulée par le socialiste : « Les aides-soignants n’étaient pas demandeurs de cette réforme qui augmente leurs charges et leurs responsabilités sans revalorisation de salaire. » De son côté, la ministre de la Santé persiste et signe !

[DOSSIER]
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Cette rentrée 2019 a été placée sous le signe de la nouveauté pour les 128.000 aides-soignants de Belgique. Depuis le premier septembre, ces professionnels de la santé ont désormais la possibilité de prodiguer davantage de soins aux patients. Ils peuvent concrètement poser cinq actes supplémentaires, comme administrer des gouttes oculaires ou mesurer le taux de glycémie ou la tension. Initiée par la ministre de la Santé Maggie De Block, cette réforme n’est pas vue d’un bon œil par une partie du terrain. Infirmiers et aides-soignants ont en effet exprimé une série de réserves. Pour eux, ces actes ne sont pas anodins. Ils nécessitent donc des formations suffisantes.

Le terrain a-t-il été assez entendu ?

« Les 150 heures préconisées sont largement insuffisantes au regard de toutes et tous, considérant que la sécurité des patients est en jeu et que la délégation des actes ne soulage pas les infirmiers étant donné qu’ils demeurent responsables de la surveillance des actes posés », s’est insurgé Hervé Rigot en commission Santé de la Chambre. « Par ailleurs, les aides-soignants n’étaient pas demandeurs de cette réforme qui augmente leurs charges et leur responsabilité sans revalorisation de salaire. »

Pour le député, la réforme risque d’engendrer des effets contreproductifs qui vont faire du tort aux Blouses Blanches. Certes, les infirmiers vont pouvoir déléguer davantage de soins mais ils ne seront pas déchargés de leurs responsabilités. Pourquoi ? Car, via cette réforme, les infirmiers vont être touchés par une augmentation de leurs charges de contrôle et administratives. « Les aides-soignants posent des actes qui, selon eux, alourdissent leurs charges pendant que les hôpitaux estiment qu’il y a là un risque potentiel dans l’état actuel de la situation », a-t-il rajouté. « L’Union Générale des Infirmiers de Belgique a d’ailleurs déposé un recours en annulation auprès du Conseil d’État. »

Face à ces constats alarmants, le mandataire socialiste a interpellé la principale concernée dans ce dossier : la ministre de la Santé Maggie De Block. Il lui a notamment reproché de ne pas avoir pris en considération les nombreuses remarques exprimées par les professionnels du secteur, eux qui ne sont majoritairement pas favorables à la réforme telle qu’elle est proposée actuellement. « Si elle n’est pas, comme ils le prétendent, bénéfique à leur profession, à qui profite-t-elle ? », lui-a-t-il demandé, avant de pointer : « N’estimez-vous pas que l’entrée en vigueur de cette réforme aurait dû être postposée pour que chacun et chacune reçoive la formation nécessaire ? »

Pour De Block, c’est le patient qui prime

Comme souvent, Maggie De Block a en préambule rappelé qu’elle prenait les décisions dans l’intérêt des patients… Ensuite, elle est entrée dans le vif du sujet, en certifiant que la fameuse réforme avait été réclamée par les employeurs et les associations représentatives des infirmiers et des aides-soignants. « En 2017, j’ai reçu divers avis à ce sujet », a-t-elle poursuivi. « J’ai ensuite demandé à la Commission Technique de l’Art infirmier de me proposer de nouveaux actes infirmiers délégables aux aides-soignants. J’ai envoyé cette proposition de nouveaux actes aux ministres des Communautés en charge de l’Enseignement afin de savoir quel volume de formation supplémentaire était utile pour former adéquatement les aides-soignants à l’exécution de ces actes. »

Au sujet de la fameuse formation complémentaire, l’élue Open VLD a noté qu’elle avait récolté divers avis émanant de différentes parties concernées. « On y parle de 8 heures à 1 080 heures de formation. Vous pouvez constater que la fourchette est assez large. J’ai donc dû trouver un compromis entre la liste d’actes proposée par le Conseil fédéral de l’art infirmier et la capacité des Communautés à organiser l’enseignement en lien avec les compétences attribuées aux aides-soignants. »

Maggie De Block a tenu également à rappeler dans son intervention qu’aucun infirmier n’était obligé « de déléguer ses actes et qu’il ne peut le faire qu’après avoir exercé l’essence même de son métier, qui est l’évaluation des problèmes et besoins du patient et de l’utilité de faire appel à un aide-soignant pour réaliser certains actes. » Et de conclure : « Si le patient a absolument besoin d’un infirmier pour la réalisation de certains actes, il revient à l’infirmier de ne pas les déléguer mais de les exécuter lui-même ou de solliciter un collègue infirmier pour le faire ou de signaler à la direction de son institution que plus d’infirmiers sont nécessaires. J’ajoute aussi que grâce à cette délégation à des aides-soignants formés correctement, les infirmiers pourront se consacrer à des tâches qui correspondent à leurs compétences. Cette réforme sera bénéfique à la qualité des soins et donc au patient. »

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Valoriser les nouvelles responsabilités

La réponse émise par Maggie De Block n’a pas convaincu le député socialiste Hervé Rigot. Il a notamment pointé qu’il n’était pas acceptable d’augmenter les responsabilités endossées par les aides-soignants sans revaloriser leur salaire et sans leur donner une formation qui réponde à leurs attentes. « Je vous entends dire que vous avez dû faire un compromis difficile avec les Communautés au niveau de l’organisation des formations ; mais vous dites aussi que votre intérêt, c’est le patient. Il me semble que l’on ne peut pas faire de compromis sur la formation, avec quelque partie que ce soit, lorsqu’on parle de l’intérêt supérieur du patient », a-t-il rétorqué à la ministre fédérale.

Il est également monté au créneau pour défendre la cause du personnel, rappelant à Maggie De Block qu’il était primordial de le défendre. « Vous dites que les infirmiers peuvent faire le choix de ne pas déléguer et de dire à leur direction qu’il n’y a pas assez d’infirmiers. Vous savez comme moi que nous avons voté la semaine dernière des budgets supplémentaires pour les "blouses blanches", justement parce qu’il n’y avait pas encore assez de moyens, dans le milieu hospitalier notamment. »

Augmenter le bien-être des professionnels de la santé, c’est augmenter le bien-être des patients. Une simple équation que Maggie De Block semble malheureusement peu encline à comprendre…

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E.V.



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