Dune ASBL : pour une approche inclusive des usages de drogues
Dune ASBL n’est pas qu’un service pour la toxicomanie. Leur philosophie ? Réduire les risques dans une approche holistique de l’individu. Si la santé des personnes précarisées consommatrices est importante dans les actions menées, l’émancipation et l’estime de soi sont tout aussi centrales. Le Guide Social est allé à la rencontre de cette association. Reportage.
Depuis 1998, Dune ASBL est active à Bruxelles. Que ce soit sur le terrain grâce aux dispositifs mobiles de réduction des risques, ou au centre pour accueillir et accompagner, l’équipe pluridisciplinaire crée au quotidien un lien avec les usagers. Pour Stéphanie Ars (coordinatrice de l’équipe psycho-médicosociale), comme pour Sophie Godenne (infirmière), leurs missions constituent une opportunité précieuse de militer pour une santé accessible à tous et toutes. “J’aime beaucoup être infirmière mais également travailleuse sociale, parce que pour moi ça se complète très bien avec ma vision de la santé. C’est une grande richesse de pouvoir travailler avec une équipe pluridisciplinaire et apprendre au quotidien plein de choses différentes”, confie l’infirmière de la structure.
Des actions liées et interdépendantes : “C’est comme une sorte de petit engrenage”
Permanence sociale, dispensaire, accompagnement médical, préparation des formations, ou organisation d’ateliers participatifs : tous les jours, le centre d’accueil fourmille pour gérer les différentes activités. Mais au quotidien, le travail se fait aussi sur le terrain : entre la rue, le Médibus, et les autres rendez-vous mobiles, l’équipe multiplie les actions pour toucher le maximum de bénéficiaires possibles.
Si l’association compte aussi bien une médecin, des infirmier.e.s, des éducat.eur.rice.s, ou des assistantes sociales, tous les rôles sont interconnectés.
“Toutes nos actions sont intrinsèquement liées comme une sorte de petit engrenage”, explique Stéphanie Ars. Si le travail sur le terrain est primordial, la question de la participation l’est tout autant : radio, atelier arts, focus groupe ou travail alternatif défrayé, l’ASBL construit ses actions avec les principaux concernés. Par exemple, les usagers peuvent aider au ramassage des seringues usagées : “Ils ont des compétences, des savoirs, ils nous font confiance, il n’y a donc pas de raison qu’ils ne soient pas rémunérés pour ça”, précise Sophie Godenne.
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Accompagner en respectant la temporalité des usagers
Dune ASBL tente d’accompagner au mieux les personnes consommatrices, en travaillant en partenariat avec d’autres structures plus spécialisées dans la réinsertion. Si Dune ASBL ne fait aucune prescription, c’est pour conserver ce lien de confiance avec les usagers. Un tel positionnement permet de lutter contre la sur-stigmatisation des personnes toxicomanes, malheureusement renforcée avec la crise sanitaire.
L’objectif est d’accompagner les bénéficiaires dans leurs différentes démarches, mais à leur rythme. C’est un travail de long terme : “On a ouvert une AMU, alors que ça faisait 15 ans qu’on n’avait jamais réussi à rien faire ensemble”, explique l’infirmière de la structure à propos d’un usager. Même maintenant, la situation est encore fragile : “C’est toujours sur le fil, on l’accompagne à tous ses rendez-vous". Les victoires sont ponctuelles, mais valent le coup : “Aujourd’hui, c’est la première fois qu’il va aller seul à son rendez-vous. Et ça pour moi, c’est une super chouette victoire ! ”.
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“L’individuel est collectif” : l’atelier femmes pour une approche transversale du genre
En 2019, l’association a également ouvert un atelier femmes, pour prendre en compte leur situation marquée par la précarité. Sur près de 800 bénéficiaires par an, seul 10 à 15% sont des femmes. Pourtant, ces dernières consomment tout autant que les hommes. “Les femmes toxicomanes sont perçues comme des femmes défaillantes”, se désole Sophie Godenne. Elles font alors face à une violence inouïe dans la rue : 70% subissent des violences sexuelles, mais le pourcentage est tout aussi haut s’agissant des violences physiques et morales. Cette insécurité amène une double dépendance au produit et au conjoint, avec la nécessité d’être entourée à l’extérieur.
Les accrocher pour mieux les aider, c’est l’objectif de l’initiative. Tous les lundis soir, un accueil spécifique est assuré pour un accompagnement personnalisé. Mais l’atelier reste libre : des projets peuvent se mettre en place selon leurs envies. À la demande d’une usagère, Dune ASBL ajoute maintenant à sa liste d’activités un atelier coiffure. “C’est une porte pour découvrir la personne d’une manière totalement différente”, témoigne Sophie Godenne.
Si l’atelier fournit un suivi individuel, il a aussi vocation à être collectif, pour que les femmes précarisées puissent trouver un espace non mixte pour parler de leurs problématiques. Pour Stéphanie, cet atelier ne marque que le début d’un processus, qui passe aussi par la sensibilisation des hommes et la formation de l’équipe. L’infirmière de Dune ASBL en est consciente, une déconstruction est nécessaire pour accompagner encore mieux les usagers. “C’est un travail de long terme, mais en tout cas, on est motivé !”, conclut Stéphanie Ars, coordinatrice de l’équipe psycho-médicosociale.
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