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Imams belges : sont-ils bien formés ?

15/09/15
Imams belges: sont-ils bien formés?

Les imams jouent un rôle primordial au sein des communautés musulmanes. Mais sont-ils bien formés ?

Début de cette année, le Ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt, avait annoncé le lancement de la création d’une commission visant un meilleur encadrement de la formation des imams belges. La création d’un diplôme en religion islamique ferait partie des pistes explorées. Nous avons donc voulu savoir si cela serait le cas pour cette rentrée académique ? La réponse est clairement : non !

Pour bientôt ?

Le rapport de la commission était annoncé pour la fin juin, afin de permettre au Ministre de formuler des propositions au Gouvernement à l’automne. Contacté par nos soins, le co-président de la commission et professeur de sociologie à l’ULB, Andrea Rea, affirme que le rapport sera finalement remis au Ministre le 17 novembre, mais que rien ne peut filtrer d’ici-là. Du côté du cabinet Marcourt, c’est également le silence complet sur la question « afin d’assurer la quiétude et l’indépendance du travail effectué par la commission ». Rendez-vous donc dans deux mois !

Pour un islam local ?

L’intérêt du rapport étayé, que l’on attend de cette commission, est crucial à différents niveaux. Pour les communautés musulmanes, en premier lieu. Certains croyants souhaiteraient en effet pouvoir se référer à des figures représentatives d’un « islam moderne » et qui prend en compte les spécificités des populations vivant dans des pays où l’islam ne constitue pas la religion dominante. Une bonne partie des musulmans belges ne se retrouve en effet pas dans les pratiques de certains imams, formés dans des écoles coraniques, situées en dehors de l’Europe. Les défenseurs d’un « islam belge moderne » se basent sur l’envie de travailler sur un socle de valeurs communes, adaptées au contexte laïc dans lequel évoluent les musulmans de Belgique. Par ailleurs, les travaux de cette commission pourraient aussi aboutir sur un traitement égalitaire entre le culte musulman et les autres.

Remettre la mosquée au milieu du village !

L’enjeu est donc important à l’heure où l’on questionne encore plus qu’auparavant, le sens du vivre-ensemble, au cœur de nos sociétés. Mais aussi pour faire face aux dérives d’un islam dans lequel de nombreux musulmans ne se reconnaissent pas. Lequel propage par ailleurs des clichés erronés sur la religion musulmane, afin d’attirer des jeunes dans les filets de mouvances extrémistes, aux dessins criminels. Le travail effectué par la commission sera donc certainement aussi utile aux imams, qu’aux professeurs de religion, aux éducateurs et aux conseillers moraux.

Un islam multiforme

Mais la tâche de cette commission est ardue. En premier lieu parce que la fonction d’imam diffère selon les courants de l’islam, chiites et sunnites, pour ne citer que les deux principaux. C’est ce dernier courant qui est majoritairement pratiqué par les musulmans belges. Outre cette différence fondamentale, on note surtout une telle diversité dans les formations et provenances des imams pratiquant leur métier en Belgique, qu’il est difficile d’établir un référentiel auquel se rattacher.

Diversité des filières de recrutement

Pour recruter un imam, les comités de gestion des mosquées peuvent en effet suivre trois voies :
 Effectuer un choix autonome, en faisant par exemple appel à un membre de la communauté locale ou faire venir un imam de l’étranger par ses propres moyens.
 Se tourner vers un gouvernement étranger afin que celui-ci finance l’envoi et le salaire de l’imam. C’est une pratique courante au sein des mosquées turques.
 Faire appel à des imams d’instituts, de mouvements privés ou appartenant à de grandes organisations islamiques.

Hors contexte national

Il est évident que les différences de formations et de provenance de ces imams jouent un rôle sur les courants, le style et les valeurs proférées au cœur des mosquées belges. Les imams issus des filières privées, représentent aussi bien des courants prônant un islam rigoriste, que plus contemporain. Certains sont issus de milieux ruraux, fort différents des enjeux liés à la modernité urbaine. Sans parler de la méconnaissance des langues nationales.

Diplôme universitaire extra-européen

D’autres possèdent en revanche un diplôme de théologie délivré par des universités turques, égyptiennes ou tunisiennes. Mais comme le souligne le spécialiste de l’islam, Felice Dasseto, « le problème de ces formations extra-européennes est que, qu’elles soient traditionnelles (locales) ou renommées (facultés islamiques reconnues), ces dernières ne proposent toujours qu’une répétition mnémonique et un enseignement dogmatique ».* Citons encore la formation en études islamiques proposée par le Centre islamique et culturel de Belgique, financé par la Ligue islamique mondiale, elle-même soutenue par l’Arabie Saoudite. Cette formation n’est pas reconnue par les autorités belges.
Au vu de cette complexité, l’on comprend mieux l’importance de se pencher sur la formation des imams belges et les enjeux que cela sous-tend, tant pour la politique intérieure, qu’extérieure !

Sandra Evrard

 Propos publiés dans l’article Former « à la belge » les imams, une démarche nécessaire pour vivre ensemble.

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