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Vers toujours plus de contrôle ?

08/11/17
Vers toujours plus de contrôle ?

Certaines mesures décidées par le gouvernement récemment posent immanquablement la question du contrôle que les politiques souhaitent exercer sur la population. Petit tour d’horizon de certaines mesures et leur réception.

Levée du secret professionnel, limite de l’exercice de la psychothérapie, lois pot-pourri, lutte contre le radicalisme… Plusieurs mesures récemment adoptées par notre gouvernement tendent à une « clarification » et une meilleure organisation communicationnelle entre les acteurs de terrain. En théorie… Loin de faire l’unanimité, ces mesures sont-elles réellement un premier pas vers une société plus égalitaire et ouverte ? Ou, au contraire, un moyen utilisé par les politiques pour exercer un contrôle de plus en plus systématique sur la population ? Réflexion.

Plusieurs domaines concernés

Il a été clairement démontré qu’en cas de crise, les sociétés ont tendance à régresser et prendre des mesures qui desservent l’intérêt général. Retour des lois contre l’avortement, privation de libertés, etc. Souvent sous couvert de réduction des coûts, les politiques prennent de plus en plus de mesures qui vont à contre-courant des efforts d’ouverture et de tolérance fournis par le passé. Si la Belgique n’est pas parmi les pays les plus « totalitaires » en Europe, plusieurs secteurs ont néanmoins récemment été frappés par une vague de politiques en désaccord avec les principes fondamentaux des professions concernées. Ainsi, en santé mentale par exemple, c’est tout l’exercice d’une pratique qui est remis en question, avec comme justification de fournir un trajet de soins plus adapté au patient. Le secteur social, lui, doit désormais faire sans son secret professionnel, la lutte contre le terrorisme devenant une priorité. Quant à la justice, son accès pour tous se voit grandement précarisé et la marge de manœuvre des avocats grandement réduite.

La santé mentale

En mai 2016, Maggie De Block, ministre fédérale de la santé, dépose le projet de loi qui limite désormais l’exercice de la psychothérapie aux seuls médecins, psychologues cliniciens et orthopédagogues cliniciens. Elle prévoit désormais une procédure plus stricte d’accès aux soins, avec obligation de résultats. Les professionnels sont priés d’adopter l’evidence-based practice comme moteur principal. Pour des « symptômes » donnés, un trajet de soins, la prescription d’un certain nombre de séances et des contrôles d’ « efficacité » de ces séances sont prévus. La ministre entend guérir tous les patients et vite.

Du côté du terrain, c’est la consternation. Les recours s’enchainent et aboutissent parfois à un dénouement positif pour le secteur.

Le secret professionnel

Pilier fondamental dans la relation du travailleur social avec les personnes dont il a la charge, le secret professionnel a tiré sa révérence en avril, la proposition de loi qui soutenait sa levée dans des cas liés au terrorisme ayant été approuvée. Désormais, les travailleurs sociaux qui soupçonnent un fait de terrorisme se verront obligés de dénoncer la personne.

C’est évidemment l’incompréhension du côté des professionnels, qui voient désormais leur profession comme des agents de contrôle, plutôt que comme un réel levier vers des conditions meilleures. Du côté de la justice, dans le 5ème volet de la réforme loi « pot-pourri », il est désormais prévu que certaines informations soient partagées par plusieurs acteurs et que ces derniers se détachent du secret professionnel dans les « concertations de cas », sans tenir compte de l’intérêt de la personne concernée.

Lois pot-pourri

Mesure phare de la politique du ministre de la Justice, Koen Geens, le projet de lois « pot-pourri », qui compte plusieurs volets, vise à réformer en profondeur le système judiciaire belge, dans une volonté de rendre plus efficace et rapide la procédure judiciaire, tout en assurant qu’elle restera de qualité pour la personne jugée. Ainsi, entre autres mesures, la médiation prendra une place prépondérante afin d’éviter de passer par la case « justice ». Pour Koen Geens, le recours à la médiation « permet au justiciable de faire partie de la solution et non du problème ». Pour ses détracteurs, cette mesure sert surtout à éviter des coûts jugés inutiles.

Egalement au centre de la réforme, l’accès à l’aide judiciaire aux démunis. Selon la plateforme « Justice pour tous », le nombre de procédures pro-deo a lourdement chuté cette année, dû principalement à la réforme du système. Pour le ministre, cette chute s’explique plutôt par le fait que les avocats ont bouclé la plupart de leurs dossiers sous l’ancien régime, mais promet néanmoins une évaluation pour début 2018.

Autre caractéristique principale et fortement critiquée : l’ « accusé » pourra choisir de plaider coupable et verra ainsi sa peine diminuée. Cette dernière fait grincer des dents. Comment, en effet, dans ces conditions, s’assurer le droit à un procès équitable ? En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur la question, mais n’a pas jugé qu’elle interférait avec ce droit.

Lutte contre le radicalisme

Tant le secret professionnel que les lois « pot-pourri » établissent des mesures qui, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, semblent donner feu vert à des pratiques de contrôle, de dénonciation, de suspicion, etc. Récemment, afin de lutter contre le radicalisme, le ministre fédéral de l’intérieur Jan Jambon accordait un subside à une We Love Bxl, asbl de Molenbeek. SI certaines interrogations subsistent quant à l’investissement accordé, qui a fait l’objet d’une décision unilatérale, c’est surtout au niveau éthique que l’objectif de l’asbl passe mal. Ainsi, sans faire appel au tissu associatif local, l’association entend établir des listes de jeunes radicalisés ou susceptibles de l’être et les transmettre aux autorités.

Plusieurs de ces mesures sont liées à un contexte particulier, sur fond de crise financière et de terrorisme. La question demeure, dès lors, de savoir les objectifs réels poursuivis par les gouvernements en charge. Avance-t-on vraiment vers un mieux ou fait-on indéniablement marche arrière ? A méditer…

La rédaction



Commentaires - 1 message
  • Le secret professionnel est le fondement indispensable de notre société !

    Ghislou samedi 11 novembre 2017 14:45

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