L’inceste comme patient désigné de la communauté maghrébine : La femme victime, entre suprématie du
tabou et différenciation personnelle.
« Quand on cherche à détruire un enfant, c’est la nature entière qui est blessée ; quand une lignée s’acharne sur l’enfance, elle fait violence au monde entier, elle s’en prend à l’équilibre du cosmos. » Bernard Lempert, Désamour.
Les tentatives de compréhension de la communauté maghrébine dans le contexte européen ont été nombreuses, des prémices de sa présence jusqu’à nos jours. Une tentative de plus s’ajoute à la longue liste au travers de ce Travail de Fin d’Études.
J’ai souvent eu l’impression de choisir les sujets qui captaient mon attention. Pour ceux dont il sera question dans les prochaines pages, ça n’a pourtant pas été le cas.
C’est en 2012 que je découvrais le monde de l’ethnopsychiatrie en tant que stagiaire et assistante dans un cadre très différent de celui expérimenté et apprivoisé en classe. La réalité de l’inceste s’est imposée à moi au cours des mes deux années de stage dans le service ethnopsychiatrique du CHU Brugmann, à Bruxelles.
Après la découverte, vint le questionnement. Et très vite, le lourd poids du tabou sur les épaules des consultantes concernées.
Il y avait, d’une part, le tabou de l’inceste et, d’autre part, le tabou de la sexualité. Les deux semblaient résonner à l’unisson pour assujettir les consultantes au silence. Dès lors, un lien s’établi dans mon esprit : Le tabou offrirait-il un possible terrain de prédisposition à l’étendue effarante de cas d’incestes ?
Aborder la question des tabous pluriels dans la communauté maghrébine est une expérience particulière pour toute personne qui s’y intéresse. Elle l’est encore plus quand on est issu de cette même communauté. Au cours des mois qui ont construit le présent Travail de Fin d’Etudes, les découvertes ont été légion. Ce n’était pas une boîte de Pandore que j’entrouvrais mais des dizaines, encastrées les unes dans les autres, à la manière de poupées russes. Gérer ces découvertes en cascade et les réflexions qu’elles faisaient naître fut un geyser de maturité personnelle et professionnelle.
Ce que je prétends offrir au sein de ce Travail de Fin d’Etudes, c’est une première exploration que le lecteur sera en charge de poursuivre ou non. Elle sera par conséquent non exhaustive.
D’une part, car il n’existe aucun chiffre concernant le domaine du tabou dans la communauté maghrébine et encore moins concernant l’inceste. D’autre part, car l’incestuel, s’il se laisse décortiquer, n’est pas un objet d’étude dévoilant ses secrets à la première rencontre. Il est une affaire de silence et de secret (Yves Hiram Haesevoelts, 2003, p. 29). C’est un champ tellement complexe et étendu qu’il serait illusoire de penser en faire le tour dans une démarche qui a, avant toute chose, une portée méthodologique. Néanmoins, la frustration aurait été grande si je n’avais pas creusé autant que faire se peut ce phénomène humain particulier (op. cit.).
De par les séismes pluriels que l’inceste provoque, on ne peut résoudre son analyse à une poignée de paradigmes. C’est littéralement toutes les fondations de l’Homme qu’il faut passer au crible pour effleurer une compréhension globale et globalisante.
Ainsi, ce Travail de Fin d’Etudes vise à comprendre le phénomène complexe de l’inceste dans la communauté maghrébine. Au fil des chapitres, les différents acteurs ainsi que les moyens utilisés dans les mécanismes qui nous intéressent. La femme victime sera au cœur du questionnement et les différentes vignettes cliniques ou anecdotes nous accompagneront jusqu’au point final.
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