Soins de santé : de plus en plus de services aux mains de consortiums privés
Quand les budgets publics sont à sec, l’opportunité est grande pour le privé de proposer ses services à la collectivité. Une pratique qui se constate de plus en plus dans la gestion de soins.
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– Les internés psychiatriques aux mains du privé
Si de telles initiatives ont le mérite de pallier les manquements de l’État, elles inquiètent néanmoins : comment garantir qu’un groupe privé ne privilégie le profit au détriment des patients ?
Le privé investit dans les services publics
Avec la seniorisation de la société et le manque de place en maisons de repos, l’incursion du privé dans le public a fait son entrée en Belgique. Et avec les coupes budgétaires qui se multiplient un peu partout dans le pays, la peur est grande de voir le programme de privatisation générale des services publics se poursuivre encore davantage. Crèches, enseignements, prisons, hôpitaux,… Voilà une niche de besoins dans laquelle le secteur marchand n’hésite pas à investir...
Pour le meilleur ou pour le pire ?
S’il est vrai que dans le contexte de rigueur actuel, l’incursion du privé dans le public peut être une bouée de sauvetage pour des services qui sans cela ne pourraient tout simplement plus fonctionner, il n’empêche qu’une telle pratique interpelle. Colette Leclercq, coordinatrice de l’asbl Observatoire, pointe le risque de dérives « Que penser d’un centre de prévention à l’assuétude subventionné par des cigarettiers ou encore d’un centre psychiatrique aux mains de groupes pharmaceutiques ? Dans telles situations, difficile de croire que les soins seront donnés de façon éthique... »
Par ailleurs, l’accès aux soins pour tous risque ici aussi d’être particulièrement compromis : « dans un contexte de privatisation des soins, le risque est grand qu’une certaine frange de la population ne puisse pas en assumer la facture ? Cela met alors clairement en danger la mixité sociale dans les services de soins », ajoute encore Colette Leclercq.
Un partenariat public-privé comme compromis ?
S’il est naïf de croire que les entreprises privées investissent à fonds perdus dans des projets sociaux, il convient néanmoins de rester ouvert à de telles initiatives. « Le monde évolue vers une société qui se veut plus éthique, plus locale, plus durable et beaucoup d’entreprises saisissent l’opportunité de tels investissements dans l’optique d’un retour d’image », observe Colette Leclercq.
A cet égard, un financement partagé pourrait garantir une certaine éthique. Autorités publiques et secteur privé deviendraient ici partenaires. Tel schéma de co-concertation serait alors un moyen efficace de fournir des services au public tout en instaurant des garde-fous.
En effet, dans un contexte de co-organisation public-privé, on se situe à mi-chemin entre une dynamique du marché chère au modèle néo-libéral et une dynamique du contrat social, incarné par la sécurité sociale et ses mécanismes de droits sociaux.
Articulation public-privé : place à de nouvelles frontières
Quoi qu’il en soit, au jour d’aujourd’hui, la frontière entre privé et public est plus que mouvante. Et face à l’incursion du privé dans les services à la population, le secteur public se sent clairement menacé - ce qu’il ne manque pas de rappeler lors des grèves tournantes qui prennent place un peu partout dans le pays. Lundi dernier à Namur (1er décembre), les syndicats de la fonction publique s’étaient rassemblés sur la place Saint-Aubain pour défendre la sauvegarde des services publics.
A cet égard, Xavier Laurent, secrétaire permanent à la CSC déclarait au micro de la RTBF : « on parle de réduction de dotations de près de 20%, on parle de suppression de services publics transversaux mais à côté de ça, il n’y a aucune alternative proposée pour comment rendre un meilleur service aux citoyens. »
Un service aux citoyens qui, avec les épures budgétaires, doit désormais faire plus avec moins. Et si jusqu’ici, l’offre publique est réputée de meilleure qualité et plus juste ; elle pourrait être rapidement dépassée par un secteur privé qui intervient - certes non sans un certain coût - avec des solutions sur-mesure pour la société...
Delphine Hotua
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