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La psychiatrisation de la pauvreté

13/04/18
La psychiatrisation de la pauvreté

Chaque jour, des personnes mentalement instables viennent frapper au CPAS. Face à cette population, le travailleur social peut se retrouver désarçonné et isolé. Le travail social demandé visant l’autonomie de l’individu est alors fort compromis. Son rôle est pourtant ici aussi un accompagnement vers un mieux-être.

Force est de constater que les travailleurs sociaux interpellent de plus en plus le monde de la santé mentale pour intervenir dans des situations dans lesquelles la souffrance est diffuse, peu identifiée comme telle par le « patient » sans « demande ». De plus, la psychiatrisation de la pauvreté entraîne une séparation entre les « bons » et les « mauvais » pauvres. En effet, le bénéficiaire souffrant de problèmes mentaux sévères et persistants ne pourra jamais travailler, mais sera toujours considéré comme un « bon » pauvre. Ce type de travail social nécessite chez l’assistant social une véritable connaissance de la maladie mentale ainsi qu’une étroite collaboration, pas toujours présente, avec le monde médical.

Le vécu de la folie

Des situations « farfelues » sont régulièrement vécues par les travailleurs sociaux. Pour exemples : deux mois encore après le terme prétendu, une dame d’un âge certain et donc plus que vraisemblablement ménopausée affirme mordicus qu’elle est enceinte et demande que les choses soient mises en place pour la venue de son bébé. Un autre encore répète de façon obsessionnelle qu’il veut ouvrir un dossier juridique pour récupérer sa femme… Ces problèmes de santé mentale provoquent chez l’assistant social un malaise. Ils suscitent également un questionnement sur comment accueillir, comment comprendre … mais aussi plus fondamentalement interrogent le métier même de travailleur social.

La pratique sociale de la folie

Classiquement, on conçoit le travail social comme la mise en œuvre des moyens adéquats pour trouver une réponse concrète à une demande concrète. Or, ce schéma est floué dès que la demande d’une personne s’exprime sans objet ou lorsqu’elle s’avère totalement hors sujet. Une autre dimension du travail social est alors concernée. Mais attention, l’institution sociale ne peut être perçue comme une annexe psychiatrique Si le travailleur social peut aider à contenir la souffrance mentale, il ne peut en aucun cas la traiter. En ce sens, la collaboration avec le secteur de la santé mentale se doit d’être encouragée. Mais trop souvent encore, le monde médical refuse le travail de coordination proposée par les travailleurs sociaux.

La difficulté de travailler avec le monde médical

Pour diminuer la souffrance psycho sociale, la collaboration entre le monde médical et les assistants sociaux est impératif mais pas toujours présent. Certains psychiatres manifestent en effet peu d’intérêt pour ce type de travail de coordination et restent centrés sur la personne en se souciant peu de l’environnement du bénéficiaire. Et puis, il y a une défense jalouse de son territoire, de son institution, de son savoir, de son pouvoir, d’autant plus précieux qu’il est limité. Sans parler du sacro-saint secret professionnel, a fortiori médical.

Que dit la loi ?

Face à certaines situations complexes, il est important de pouvoir prendre du recul et de redéfinir son cadre d’intervention. Ainsi, d’après la loi organique de 1976 sur l’organisation d’un CPAS, toute personne a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. La mission du travailleur social est donc d’aider les personnes à surmonter ou à améliorer les situations critiques dans lesquelles elles se trouvent. Cette aide peut être palliative ou curative, mais aussi préventive. Cette dernière peut être matérielle, sociale, médicale, médicosociale ou psychologique. Le CPAS remplit sa mission en suivant les méthodes de travail les plus adaptées et dans le respect des convictions idéologiques, philosophiques ou religieuses des intéressés.

Quelles sont les autres mesures légales à disposition des CPAS ?

Le nouveau système d’administration provisoire permet au juge de paix de façonner une protection sur mesure qui permet de porter une attention particulière tant aux soins de la personne qu’à la gestion de ses biens. Le CPAS peut y avoir recours pour autant qu’il y ait la collaboration du médecin. Dans ce cadre, la personne protégée est impliquée dans le processus décisionnel. Le juge de paix et l’administrateur doivent l’informer, l’écouter et tenir compte de sa volonté. Dans les cas les plus graves et sous certaines conditions strictes, une admission forcée pourra également être sollicitée par le CPAS auprès du juge de paix ou en urgence. Le certificat médical détaillé reste le document de référence permettant d’attester de la maladie mentale

Quid de la formation continuée ?

Les assistants sociaux sont peu outillés pour aborder la maladie mentale et en ont souvent une représentation erronée. Il est parfois difficile pour le professionnel d’accompagner des personnes dépressives, délirantes ou de savoir comment réagir face à des propos incohérents ou agressifs. Des formations théoriques pour repérer la maladie mentale, la distinguer d’autres troubles du comportement, savoir comment réagir, vers qui les orienter…sont importantes en CPAS mais peu proposées ou valorisées. Elles permettraient pourtant aux travailleurs sociaux de se sentir plus à l’aise dans leur travail.

Un cadre institutionnel structurant et rassurant

Pour éviter une certaine homéostasie, ce type de pratique des travailleurs sociaux doit nécessairement être soutenu par un cadre structurant. C’est ici que la dimension institutionnelle des services sociaux est concernée afin de garantir des conditions de travail qui assurent la sécurité et le bien être des travailleurs.

I.I, assistante sociale

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