La thérapie du développement... à qui s'adresse-t-elle ?
Bien trop souvent face à une demande de suivi pour un jeune enfant, la réponse donnée par les professionnels est une indication de thérapie du développement. Or, cette vision est bien trop simpliste. Elle limiterait l’indication d’une thérapie du développement à une tranche d’Í¢ge d’enfants alors qu’elle vient avant tout répondre aux besoins spécifiques de certains enfants. Rencontre avec Anne de Pierpont, psychologue, thérapeute du développement et formatrice pendant de nombreuses années à la thérapie du développement à l’I.F.I.S.A.M. Elle nous éclaire sur sa pratique et les spécificités de son métier.
Traiter les difficultés psychologiques des enfants en bas âge doit être une priorité. Offrir les soins les plus adaptés à chaque enfant constitue un des pilliers de notre travail de psychologue. Il s’agit avant tout de cerner les angoisses, les fantasmes, le type de relation et les mécanismes de défense mis en place par nos jeunes patients, mais aussi leurs ressources individuelles et familiales. Et à partir de ces observations poser l’indication la plus adéquate. Recommander une thérapie du développement demande donc de bien cerner la problématique dans laquelle l’enfant se trouve pris.
A qui s’adresse la thérapie du développement ?
A. de Pierpont explique que « la thérapie du développement s’adresse à des enfants avec des personnalités peu ou mal structurées. Il y a donc parmi ses patients : des enfants autistes, psychotiques, présentant une dysharmonie évolutive avec ou sans troubles psychomoteurs. Souvent, ceux-ci ont moins de 10 ans au début du travail psychothérapeutique pour qu’il ne soient pas pris dans des problématiques pubertaires ». A. de Pierpont précise le fait « qu’un enfant aux prises avec des excitations sexuelles serait mis en difficulté par les activités et contacts corporels. Dans ce cas précis, la thérapie du développement est donc une contre-indication ».
Et dans le concret…
A. de Pierpont nous explique que « dans ce travail psychothérapeutique spécifique, on aide l’enfant à lier ses perceptions et motricité (qui nous servent à interagir avec le monde environnant), ses émotions et sentiments pour que son psychisme puisse progressivement contenir et métaboliser ce qu’il vit avec son corps et sa pulsionnalité ». Les propositions actives du thérapeute sont des interventions signifiantes qui donnent forme à l’informe, à ce que l’enfant n’a pas encore pu s’approprier. Car, plus jeunes, ces enfants ont vécu des choses sans disposer d’un appareil psychique suffisant pour mettre en forme ce qu’ils ont vécu à ce moment-là de leur histoire, pour l’élaborer en pensées. Pour A. de Pierpont, « le but en thérapie du développement est d’amener l’enfant vers plus de mentalisation. C’est l’aider à « étoffer la trame de son appareil psychique » afin de lui permettre de vivre en tant que sujet et de pouvoir élaborer une pensée plus riche et liée à ses vécus. Progressivement, une expression plus symbolique des conflits psychiques pourra être travaillée ». Pour réaliser ce travail, le cadre thérapeutique propose des matériaux informels spécifiques, mais aussi du matériel formel pour aider à l’élaboration des scénarios fantasmatiques qui émergent.
Spécificité de la formation
La formation à la thérapie du développement n’existe qu’à l’IFISAM et s’adresse à des professionnels de la santé mentale (pédopsychiatres, psychologues, assistants en psychologie, logopèdes, ergothérapeutes…). A. de Pierpont souligne la richesse de la formation qui s’étale sur 4 années et nous explique qu’ « elle comporte des dimensions théorico-cliniques (psychopathologie, développement et observation du jeune enfant,…), corporelles (ateliers d’eutonie et d’expression corporelle) et des supervisions ». Etre thérapeute du développement demande de pouvoir être soi-même bien en contact avec son mode d’être corporel. A. de Pierpont rappelle que « que le contre-tranfert est également corporel et que le corps est un des outils du thérapeute du développement Nous travaillons beaucoup le contre-transfert corporel alors qu’il passe souvent au second plan dans les autres formes de psychothérapie ».
Les places sont chères !
Trouver une place pour un enfant en thérapie du développement n’est pas aisé. En centre de guidance comme en privé, le nombre de thérapeutes du développement est insuffisant. A. de Pierpont insiste pour « que les professionnels de la santé mentale intéressés par la thérapie du développement s’y forment et qu’une politique globale du soin soit mieux pensée pour répondre aux besoins des usagers. La question de l’indication doit également être bien réfléchie par les professionnels, afin qu’un enfant qui pourrait bénéficier d’une psychothérapie « classique » ne vienne pas occuper une place en thérapie du développement ».
V.B, psychologue clinicienne
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