Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Droits des adultes handicapés : les associations gagnent leur procès contre l'Etat belge

14/08/13
Droits des adultes handicapés : les associations gagnent leur procès contre l'Etat belge

Le Comité européen des droits sociaux a condamné l’État belge pour le manque de places d’accueil à disposition des personnes handicapées de grande dépendance. Cette condamnation – fruit d’un travail de longue haleine mené par les associations et les familles – devrait amorcer un tournant dans la politique et les moyens accordés au handicap de grande dépendance.

« Pas assez de place d’accueil pour les personnes lourdement handicapées ! », le message est scandé depuis longtemps par les associations et les familles, sans trouver grand écho auprès de l’Etat belge. Il aura désormais l’obligation de l’écouter. Et surtout d’y répondre.
Le Comité européen des droits sociaux, sorte de branche judiciaire de l’Europe, vient de condamner l’Etat Belge et les trois Régions pour le manque de solutions d’accueil des personnes handicapées de grande dépendance, comprenant les personnes polyhandicapées, les personnes souffrant d’autisme, de lésion cérébrale acquise ou atteintes d’une infirmité cérébrale, estimées au nombre de 73 000 (1) en Belgique, une estimation, manque de statistiques fiables.

L’action de la dernière chance

Cela faisait près de vingt ans que les associations, le GAMP (Groupe d’action qui dénonce le manque de places pour les handicapés de grande dépendance) en tête, interpellaient le monde politique, dénonçant cette situation intenable pour les personnes handicapées de grande dépendance et leur famille. C’est ainsi qu’une réclamation collective est introduite le 13 décembre 2011 par la Fédération internationale des Ligues de droits de l’homme (FIDH) au nom d’une vingtaine d’associations représentatives du secteur du handicap en Belgique. « Les associations ont organisé une cinquantaine de sit-in devant le siège des Ministères entre 2005 et 2013 et ont à plusieurs reprises tenté d’instaurer un dialogue constructif avec l’Exécutif. Face à l’inertie de l’Etat belge, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure et d’entamer un processus judiciaire », explique Véronique van der Plancke. L’objectif : prouver que la Belgique viole la Charte sociale européenne, qu’elle a pourtant ratifiée. En cours de procédure, la Belgique a remis un dossier lourd de 112 pages évoquant tour à tour la crise économique ou l’augmentation moyenne de vie des personnes handicapées pour se défendre. Le Comité des droits sociaux a balayé ces arguments et s’est rangé du côté des plaignants, livrant une condamnation sans appel, rendue publique le 29 juillet : « Aucune justification, avancée par le Gouvernement de la Belgique relative à sa carence d’assurer un nombre de places (suffisant) dans des centres d’accueil et d’hébergement pour les personnes handicapées adultes de grande dépendance, de sorte que ces personnes ne soient pas exclues d’accès à ce mode de service social, n’est susceptible d’être retenue. » Et d’affirmer : « Les autorités publiques n’ont pas marqué d’avancées dans un aménagement de ressources budgétaires disponibles pourtant indispensables. Le droit de ces personnes à un accès effectif de prise en charge n’est dès lors pas consacré en pratique en Belgique. »

Vers des actions en justice

Cette condamnation est « infamante et grave pour les responsables politiques. Plus qu’une condamnation morale, il s’agit d’une condamnation juridique et effective », a réagi Emmanuelle Delplace, Présidente de la Ligue des Droits de l’homme.
Ce qui veut dire que la Belgique est appelée à prendre des mesures concrètes. Le Comité exige en effet qu’une place soit offerte à chacun – tant en en Wallonie, qu’en Flandre et dans la Région de Bruxelles-Capitale, insistant sur les centres d’accueil de jour et d’hébergement de nuit, seules garanties d’une prise en charge complète. Mais outre l’aspect quantitatif, l’accent est aussi mis sur l’importance d’une diversité de solutions « de sorte que la liberté de choix des personnes concernées et de leur famille puisse s’organiser et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier et imposé ».

Le Comité constate également la responsabilité de l’Etat belge dans la détresse des proches qui, faute de pouvoir trouver un lieu de répit, sont parfois contraints de quitter leur travail et plongent dans une précarité sociale et économique. « J’ai rencontré un grand nombre de femme seules qui, quand leur enfant avait atteint l’âge de 21 ans (ndlr : l’âge limite de l’école pour les personnes handicapées de grande dépendance) se demandaient si elles allaient pouvoir trouver une place d’accueil pour leur enfant ou être contraintes de quitter leur emploi », explique l’avocate, qui se réjouit que le Comité ait reconnu cette situation : « Le Comité affirme que l’Etat est responsable d’une grande souffrance auprès de nombreuses familles, alors qu’il a le devoir de protéger ses citoyens contre l’exclusion et la pauvreté ».

De plus, il révèle que les personnes handicapées de grande dépendance ne bénéficient pas d’un accès prioritaire dans les lieux d’hébergement. Le comité rappelle qu’en cas de refus d’accès à cause de la lourdeur du handicap, les personnes concernées « pourraient faire appel à la législation belge antidiscriminatoire afin de faire valoir leurs droits ».

Cette condamnation va donc entraîner une révision en profondeur de la politique et des moyens accordés jusqu’à présent à l’handicap de grande dépendance. Elle pourrait aussi ouvrir la voie dans chacune des trois principales régions du pays à des actions individuelles en justice de personnes handicapées et/ou de leurs familles éventuellement accompagnées de demandes d’astreintes financières. Le juge saisi de l’affaire aura alors dans son dossier le rapport du Comité, justifiant noir sur blanc la faute de la Belgique.

Manon Legrand

Savoir plus :

(1) Il n’existe pas de chiffre précis disponible. On estime le nombre de personnes handicapées de grande dépendance Í¢gées de 21 à 61 ans à 73 000, soit 1 % de la population adulte. La ministre wallonne de la Santé, de l’Action sociale et de l’Egalité des chances, Eliane Tillieux, a au lendemain de l’annonce officielle chargé l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (Awiph) de mener une enquête sur les besoins de prise en charge institutionnelle. Une liste d’attente unique pour la Wallonie devrait voir le jour en 2014.




Commentaires - 1 message
  • Bonjour,

    Je lis plein d'articles comme le vôtre, mais rien avance. Mon fils doit quitter fin juin 2014. Nous avons eu déjà 2 ans de prolongation. Mais maintenant c'est tout. Nous travaillons tout les deux. On parle de la crise, chômage.... Si nous ne trouvons pas une place pour notre fils, la Belgique va avoir un chômeur en plus (pas parce que je ne trouve pas de boulot, mais parce que je devrais m'occuper de mon fils) C'est fou non ?
    Nous ne voulons plus de paroles, mais d'action.

    Maman stressée vendredi 29 novembre 2013 14:24

Ajouter un commentaire à l'article





« Retour