Le trauma : un trou dans la psyché

Au détour d’une thérapie, il n’est pas rare de tomber sur une véritable béance psychique nommée trauma. Comment dès lors continuer le travail psychologique sans malmener les défenses fragiles érigées par le patient ?
Une mauvaise rencontre initiale, une effraction du réel, un signal d’angoisse qui « déborde » littéralement le sujet, une expérience qui ne peut s’inscrire à même la psyché, et le trauma peut se mettre en place. Or, revivre à tout prix ces expériences en thérapie semble dangereux et peut entraîner des retours d’affects délétères. La réponse du clinicien devra donc s’articuler entre partage silencieux et prêt de sa propre capacité à élaborer et à ressentir.
Ce qui ne peut se dire
Le trauma est une zone morte, un pan du psychisme qui ne peut ni se représenter ni se symboliser. Le trauma ne se niche pas dans l’histoire du sujet mais justement dans ce qui résiste à cette historicisation, dans ce qui ne peut s’inscrire justement parce que le sujet, dans l’urgence de l’effraction, s’est retiré de cette expérience, de ce réel insupportable, ouvrant ainsi une béance psychique.
Une expérience non subjectivée
Le traumatisme s’impose donc au sujet et ce dernier ne dispose d’aucun savoir, d’aucune interprétation possible pour cette expérience. Le Moi est sidéré, la rencontre avec ce réel se solde par un non-sens radical, inassimilable, qui laisse ce trou béant au sein de la psyché. En clair, l’expérience n’a pas eu lieu. Elle ne peut donc s’inscrire dans un discours.
Le trauma et la thérapie
Le but de la thérapie n’est pas de réparer, de colmater le trou. Il s’agit plutôt d’entendre. Entendre la vérité essentielle du sujet, entendre dans sa parole ce qui la laisse émerger, mobiliser une éventuelle jouissance, procéder à une éventuelle inscription de l’expérience, au-delà de la souffrance qu’elle laisse comme trace. Pour ce faire, aucune injonction de l’ordre du « tout dire », mais une écoute juste qui respecte les réticences. Et une interprétation très prudente.
La levée du refoulement ?
Les risques de revisiter à toute force des expériences charriant des affects possiblement dévastateurs sont bien présents dans ce genre d’accompagnement. Par ailleurs, un immobilisme radical de la part du thérapeute fixerait la souffrance sans ouvrir la voie à de nouveaux registres d’interprétation. Il existe cependant une troisième alternative proposant au clinicien de prêter son propre appareil psychique à son patient pour tenter de penser ce qui se dépose en séance.
Prêter sa psyché
En prêtant sa capacité à ressentir, à éprouver, à revivre l’expérience, à occuper finalement cette place précisément désertée par le patient, le thérapeute peut ainsi proposer une sorte de « mise en commun » des ressources permettant une éventuelle mise en lien entre le dire et l’émotion qu’il suscite. Finalement, l’accompagnement se jouera dans une palette extrêmement nuancée, qui évitera de solliciter à tout crin les associations, qui se risquera prudemment dans l’interprétation, et qui se modulera tant dans les silences que dans le partage des affects.
DB, psychologue clinicienne
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