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Vers une fusion des API et SAMIO ?

20/12/17
Vers une fusion des API et SAMIO?

Le bruit court depuis de nombreux mois dans les couloirs des IPPJ : dans le cadre du projet « d’harmonisation des pratiques » imaginé par le ministre de l’Aide à la Jeunesse, les équipe SAMIO et API pourraient, à moyen terme, fusionner. Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Depuis janvier 2017, les équipes d’Accompagnement Post-Institutionnel et d’Accompagnement, de Mobilisations Intensifs et d’Observation ont désormais la même direction : celle des IPPJ. (Auparavant, le SAMIO de Bruxelles était par exemple directement assujetti à l’autorité du Service de Protection Judiciaire). Ce changement faisait craindre un amalgame possible entre les missions des uns, et celles des autres. Il s’agissait alors d’un risque clairement nommé par les intervenants de terrain, premiers concernés par le sujet… C’était sans savoir que quelques mois plus tard, ce risque deviendrait une réalité à part entière.

Contexte et missions

Si l’accompagnement post-institutionnel apparaît comme une offre de réinsertion pour des jeunes qui sortent d’IPPJ, les SAMIO, quant à eux, proposent une alternative au placement en IPPJ lorsque l’adolescent semble aux prémisses d’un parcours à risque délictueux. Si les outils de travail sont, dans leur globalité, assez similaires d’un service à l’autre, ils n’en sont pas moins employés dans des contextes et des temporalités différentes. Mine de rien, cette différence est essentielle pour tenir compte adéquatement de situations spécifiques : l’accompagnement ne peut être organisé de la même manière selon qu’il se fait de manière préventive (SAMIO) ou dans une logique de réintégration sociale (API).

Des rumeurs à l’officialisation

Igor (nom d’emprunt) est éducateur spécialisé. Il travaille depuis un certain temps en API et observe d’un œil inquiet les changements envisagés dans son secteur. Il explique que depuis de nombreux mois, la rumeur d’une fusion enfle sans que personne n’y coupe court. C’est dire que celle-ci n’en est pas tant une puisqu’à la fin du mois de novembre, la direction de l’API en question a annoncé officiellement que les services SAMIO, API et même le projet-pilote « Tandem » (une équipe d’accompagnement post-institutionnel davantage spécialisée dans la clinique systémique et la thérapie familiale et s’associant parfois au travail des API) allaient devenir une seule et unique entité appelée « Pôle accompagnement » à la fin de l’année 2018. Celle-ci s’attèlerait à organiser l’accompagnement ambulatoire de jeunes primo-délinquants et d’adolescents qui sortent d’un placement en IPPJ.

Fusion et symbolique : un conflit presqu’éthique

Pour Igor, un tel projet soulève des enjeux qui n’ont, à sa connaissance, pas été considérés :

1) Le contexte de l’intervention, sa temporalité, ont une influence claire sur la manière dont le jeune et sa famille vont appréhender le suivi : « D’une certaine manière, pour un parent, ce n’est pas la même chose d’avoir un enfant qui a déjà dérapé qu’un enfant qui est à deux doigts de le faire »… Explique Igor.

2) Les trois services concernés (dont deux sont encore aujourd’hui à l’état de projet-pilotes) fonctionnent depuis plusieurs années avec des projets pédagogiques et des pratiques éducatives différents : « Comment instaurer une cohérence dans nos pratiques ? » questionne l’éducateur. Et d’ajouter : « Même d’une API à l’autre, nous n’avons pas forcément le même fonctionnement… Il s’agirait de prévoir un accompagnement qui soit cohérent d’un intervenant à l’autre ! ». A ce sujet, Igor n’a pas connaissance de l’existence d’un éventuel projet pédagogique relatif à ce projet de « Pôle Accompagnement ». Ce serait pourtant une base importante pour appréhender ce nouveau dispositif.

3) A l’heure actuelle, les membres du personnel non syndiqués ne savent pas encore sous quel régime tombera leur contrat lorsque la fusion sera effective. A ce sujet, une lettre officielle promet la mise en place d’une « Task Force », destinée à analyser les demandes spécifiques de chacun, mais sans avancer davantage de précisions. C’est une donnée qui vaut d’être connue puisqu’à l’heure actuelle, les intervenants de la SAMIO ne bénéficient pas des mêmes avantages que les éducateurs d’API. Par exemple, les éducateurs travaillant en API bénéficient d’une prime de risque d’une centaine d’euros par mois, ainsi que d’une facilité d’accès financier pour organiser des activités diverses avec les jeunes pour lesquels il travaillent, ce qui n’est pas forcément le cas des éducateurs en SAMIO.

Sauver sa peau ?

En regard de ce programme qui promet de réels bouleversements, il semble que certains représentants syndicaux s’attèlent à négocier certaines sécurités pour les employés et… surtout pour eux-mêmes. Igor parle, par exemple, de rumeurs annexes qui évoquent des négociations en cours qui auraient pour but de garantir aux plus anciens de garder, quoi qu’il arrive, leurs avantages. De tels bruits de couloirs, outre les questions qu’ils posent pour les « moins anciens » du service, ont sans doute valeur de semer plus d’insécurité. Pour Igor, « L’effet que ça a jusqu’à présent, c’est que chacun se retrouve à penser ses intérêts personnels en priorité, reléguant l’intérêt du jeune et de sa famille en dernier plan . »

Quid de l’IPPJ bruxelloise ?

S’il est une nouvelle qui, quant à elle, est parfaitement officialisée, c’est la création, en 2018 d’une IPPJ à Bruxelles. La chronologie des évènements pourrait en partie répondre aux interrogations d’Igor et ses collègues. Selon lui, « Si le pôle Accompagnement est créé à Bruxelles avant l’ouverture de l’IPPJ, ça veut dire qu’il sera plus que probablement rattaché à l’Administration Générale (plutôt qu’au service financier de l’IPPJ en elle même) – ce qui applique un risque de restriction d’accès au budget d’activités - et que le statut des éducateurs se rapprocherait donc davantage de celui des intervenants des SAMIO ». Un cas de figure qui fait courir le risque de plus d’un remous dans le secteur…

Constat du terrain

Si Igor a été plus ou moins informé clairement de ce projet par sa direction, il déplore que « La manière dont ce projet a été envisagé est floue : les travailleurs ont l’impression de ne pas avoir l’information tout de suite, ou en tout cas pas dans son entièreté, ce qui sème une forme d’insécurité dans le chef des travailleurs. Ça donne à certains l’impression que les mieux placés tirent d’abord leurs bénéfices personnels avant de s’en remettre à l’équipe et au reste des travailleurs ». Il semble en effet que, si l’information a bel et bien été transmise, celle-ci l’a été de manière succincte, sans préciser concrètement comment le plan s’établira.

Cela dit, en termes d’insécurité, il semble que celle-ci se situe moins au niveau de la sécurité d’emploi en tant que telle puisqu’il n’est pas question de supprimer des postes. Le plus compliqué à appréhender, selon Igor, c’est davantage le fait que « la question du changement nécessite que chacun l’accepte et s’y fonde (et remette donc en question un fonctionnement propre depuis plusieurs années), ce qui n’est pas si simple… Et puis il y a le risque financier aussi. »

Implications annexes

L’organisation quotidienne et pratique des travailleurs risque, elle aussi, de devoir s’adapter ! En effet, à l’heure actuelle, on ne sait pas encore à quel service le « Pôle Accompagnement » devra se référer : s’il est affilié directement aux IPPJ, alors cela permet aux intervenants de continuer à bénéficier du pot budgétaire que de telles institutions ont déjà à disposition. Par contre, s’il est affilié directement à l’Administration Générale (sans intermédiaire), il y a le risque que les éducateurs se voient soit chargés d’un labeur administratif plus conséquent et lent (mettant à mal la mise en place d’activités pour les jeunes), soit contraints de s’en remettre au Service de Protection Judiciaire, lui imposant à lui cette charge supplémentaire. Il s’agirait d’un effet boule de neige peu aidant pour le secteur.

Et du positif dans tout ça ?

L’aspect positif d’un tel projet semble surtout géographique. Selon Igor, la mise en route d’un « Pôle Accompagnement » pourrait permettre aux intervenants de se spécialiser davantage dans une zone géographique particulière.

« On harmonise, on fusionne » : on détruit ?

L’harmonisation des pratiques implique un changement de paradigme important puisque d’une lutte pour spécifier le travail en fonction du profil délinquant, on passe à la mise en œuvre de mesures plus généralistes. Passer du tout au tout annihile des années de luttes pour la personnalisation des suivis psycho-éducatifs. Cela dit, Igor l’affirme : « Peu importe la forme que ça prendra, le travail restera le même : comme on est seul avec le jeune, ça reste le fait de la sensibilité du travailleur… »

Un professionnel de l’Aide à la Jeunesse



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