Reconversion professionnelle : "En devenant psychomotricienne, j’ai retrouvé ma passion pour l’humain"
Diana est une psychomotricienne passionnée qui multiplie les activités pour vivre pleinement son métier. Elle combine les soins psychomoteurs, l’éducation, la prévention et l’enseignement académique. Dans le cadre de la campagne #j’aimemonmétier, elle nous raconte comment ce métier a changé sa vie.
– Découvrez la campagne : "J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé
Diana a grandi en Colombie et a toujours souhaité travailler avec les enfants. Mais à son arrivée en Belgique, elle commence un métier dans le milieu administratif. Plus tard, la naissance de son fils suscite en elle beaucoup de remises en question, la poussant vers une reconversion professionnelle. "En me faisant ressentir le côté éphémère de la vie, sa naissance est venue questionner l’essentiel : pourquoi exercer ce métier et y consacrer autant d’énergie ?" Grâce au bouche à oreille, elle prend connaissance d’une formation de psychomotricienne et découvre ce métier.
"Quand j’ai vu la liste des cours, ça a été une révélation"
Si son intérêt initial pour la psychomotricité permettait à Diana de mieux comprendre son fils, elle se passionne rapidement pour cette profession et veut la découvrir davantage. "La formation m’a permis de nommer les ressentis que j’éprouvais vis-à-vis du développement de mon fils, mais elle a surtout déclenché en moi cette passion pour l’humain et m’a permis de me reconnecter à qui je suis profondément."
Au début de sa nouvelle vie professionnelle, les offres de travail sont assez rares, alors malgré les craintes, Diana se lance en tant que psychomotricienne indépendante et trouve un poste de remplacement à mi-temps dans une crèche.
Aujourd’hui, elle multiplie les activités, à son compte ou dans le secteur public. Ses bénéficiaires sont âgées de 0 à 13 ans et ont principalement des retards de développement, des troubles du comportement ou autistiques et parfois une Infirmité Motrice Cérébrale (IMC). Ces accompagnements ont lieu par exemple en institution avec l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE), ou dans un planning familial, grâce au financement de Viva For Life. Enfin, Diana accompagne aussi des adultes en post-formation de psychomotricien et enseigne ses connaissances aux élèves du Bachelier en psychomotricité du CESA.
Au fil de toutes ses activités, Diana est guidée par un émerveillement pour ses bénéficiaires et essaie d’accepter pleinement leur attitude, malgré les moments difficiles sur le terrain : "Je sais à quel point cela peut être constructeur et réparateur et je m’en sers comme un outil de travail à part entière."
"J’éclaire les compétences de mon bénéficiaire pour qu’il s’ajuste d’une façon plus harmonieuse"
Pour Diana, l’engagement du psychomotricien est d’une part physique et organique à travers son propre corps, mais aussi psychique et affectif, ce qui lui demande beaucoup d’énergie. A travers un dialogue tonico-émotionnel, elle se laisse imprégner par l’expression corporelle du bénéficiaire et essaie d’y répondre de façon ajustée. "J’écoute mon ressenti vis-à-vis du bénéficiaire et le lui transmet pour qu’il puisse trouver des pistes de solution et d’action. Le but est de mettre en lumière ce qui entrave la circulation de ses compétences et de son potentiel."
Son outil essentiel : le jeu spontané. "C’est un terrain dans lequel tout est possible car il n’y a pas de consigne ou de demande spécifique, la personne s’engage alors de façon naturelle, ce qui me permet d’analyser ses indices corporels. Ces indices m’aident ensuite à comprendre les raisons derrière son fonctionnement corporel."
La danse est un autre outil que Diana utilise dans ses activités d’éducation et de prévention. Elle organise des ateliers d’éveil au mouvement dansé pour les enfants âgés de 2 à 4 ans pour développer la pleine connaissance de leur corps et leur pouvoir d’action. Les séances se basent sur leur envie de jouer : les enfants peuvent manipuler divers objets et sont invités à écouter la musique et à se mouvoir comme ils le souhaitent. Des séances sont aussi prévues avec les parents : toujours à travers les jeux spontanés, ceux-ci comprennent un peu mieux le comportement de leur enfant. "Ils comprennent que l’impulsion de l’enfant a un sens dans son développement et qu’ils peuvent la vivre de façon sécurisée. Sinon, à force de la réprimer, cette impulsion refera surface."
"Chaque personne de l’entourage du bénéficiaire doit devenir actrice du soin"
Le quotidien de Diana lui demande beaucoup d’énergie et un engagement complet. Cette qualité d’être peut devenir une contrainte pour le psychomotricien, l’obligeant à réduire ses heures de travail pour être entièrement disponible pour ses bénéficiaires et par conséquent à diminuer sa rémunération : "Pour moi, c’est utopique de faire du soin du lundi au vendredi, cela demande une telle énergie psychique d’accompagner tous ces enfants. Mais alors, comment jongler entre mes propres besoins pour avoir une qualité d’être suffisante et en même temps être financièrement solvable ?"
Une autre difficulté professionnelle du psychomotricien dépend du cadre dans lequel il exerce, car celui-ci peut mettre à mal les soins du bénéficiaire. "Ma place de psychomotricienne indépendante m’a toujours permis d’avoir un certain recul vis-à-vis du fonctionnement institutionnel. Je constate parfois que les travailleurs ont tendance à se plier à ce cadre en faisant abstraction d’aspects essentiels de la profession."
La difficulté inverse pour le psychomotricien est de faire preuve d’humilité envers les autres professionnels de la santé : "Le psychomotricien doit incarner sa profession sans brusquer les autres en respectant les limites de chacun, et non pas revendiquer son approche ou corriger les autres professionnels."
Cette humilité est essentielle au psychomotricien s’il veut arriver à une alliance thérapeutique avec l’équipe de professionnels qui l’accompagne dans ses suivis. Cette alliance est d’autant plus nécessaire pour les suivis en institution. Diana a notamment travaillé avec des enfants victimes de maltraitances et a eu particulièrement besoin de coordonner ses soins avec ceux de l’équipe accompagnante. Face à des bénéficiaires avec peu de repères de stabilité, la continuité du suivi a été d’autant plus importante et l’alliance thérapeutique cruciale. "Dans le milieu institutionnel où il y a beaucoup de remplacements du personnel accompagnant et où les enfants sont confrontés à des formes d’abandon, j’ai vraiment besoin de l’équipe pour faire résonner nos différents suivis."
Si le psychomotricien doit respecter le rythme du reste de l’équipe accompagnante, il en va de même pour l’entourage du bénéficiaire. "Parfois, les changements se limitent au cadre de la séance parce que celui-ci permet à l’enfant d’être suffisamment en confiance, mais les climats familiaux ou scolaires font que le bénéficiaire ne progresse pas réellement d’une séance à l’autre."
"Devenir psychomotricienne m’a appris à habiter pleinement mon corps"
Pour Diana, cette reconversion professionnelle a été aussi une prise de conscience personnelle. Sa formation lui a fait prendre conscience de la manière dont son enfance a modelé sa structure d’être humain. "La formation m’a permis de confronter mes croyances limitantes pour devenir actrice de ma vie. Oser regarder et aimer nos parts d’ombre nous permet d’accéder à de nouvelles facettes de nous-mêmes, et cet aspect fait entièrement partie de ma formation de psychomotricienne."
En amorçant ce changement vis-à-vis de soi-même, le psychomotricien doit ensuite incarner cette nouvelle force de présence en laissant la place à son bénéficiaire d’exister pleinement durant les séances. "En ayant nous-mêmes un ancrage et des appuis solides, nous permettons au bénéficiaire d’exprimer son propre mode de fonctionnement."
"Les psychomotriciens en institution sont très demandés, mais on est plus créatif en tant qu’indépendant"
Si le métier de psychomotricien n’est pas officiellement reconnu au niveau fédéral, Diana constate cependant que de plus en plus de pédiatres et de psychologues recommandent à leurs patients un suivi en psychomotricité. Diana remarque que la reconnaissance de la profession évolue parmi les professionnels, mais aussi parmi les parents de ses bénéficiaires. "Les parents qui s’intéressent à mes suivis ont aujourd’hui des demandes beaucoup plus précises par rapport à mes débuts professionnels il y a 10 ans. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que le métier soit protégé, mais je pense que sa reconnaissance est en réelle progression sur le terrain."
La psychomotricité : naître à soi, être au monde
La passion et la méthode de Diana en tant que psychomotricienne sont inspirées par son vécu auprès de son fils. Elle a voulu lui transmettre le plus grand libre arbitre possible quant à ses choix de santé et souhaite apporter cette même liberté d’action à ses bénéficiaires. "Laisser l’enfant être entièrement acteur de sa vie en respectant son évolution, c’est ce que j’ai envie de transmettre dans toutes mes activités."
Pour Diana, la psychomotricité a été une façon de se redécouvrir et d’être d’autant plus présente pour ses bénéficiaires. "J’aime faire naître en mes bénéficiaires cette part d’eux-mêmes recouverte ou endormie pour des raisons familiales, sociétales, scolaires, et accompagner cette renaissance de tous les jours."
Luisa Gambaro
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