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Virginie, ergothérapeute : 30 ans de pratique et toujours le même émerveillement...

Virginie, ergothérapeute : 30 ans de pratique et toujours le même émerveillement...

Depuis 1990, Virginie Gossuin travaille comme ergothérapeute auprès d’enfants ayant des troubles moteurs et cognitifs. Trente ans plus tard, elle s’émerveille toujours de ce public qu’elle accompagne et reste convaincue que son métier est essentiel.

 Découvrez la campagne : "J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé"

«  J’aime bien mon métier du coup je suis bavarde  », s’interrompt Virginie Gossuin alors qu’elle nous explique en quoi consiste son métier d’ergothérapeute. Si on devait le résumer en quelques mots  : «  C’est un professionnel de la santé qui accompagne les personnes dans la recherche d’indépendance et de plus d’autonomie dans leurs occupations de la vie de tous les jours, au travail, dans la scolarité...  », explique-t-elle.

Aujourd’hui âgée de 54 ans, Virginie Gossuin est entrée au CBIMC (Centre Belge d’Education Thérapeutique pour Infirmes Moteurs Cérébraux), à Bruxelles, en 1990 et n’en est plus jamais sortie. Le CBIMC est «  un centre de réadaptation fonctionnelle pour les enfants porteurs de lésions cérébrales qui donnent des troubles moteurs et cognitifs  », précise-t-elle. Depuis 2016, elle enseigne également à la Haute-Ecole de Vinci, Parnasse.

Ensemble, nous retraçons ses trente années de carrière, la richesse et les difficultés de ce métier essentiel.

"Il n’y a pas de faire semblant, c’est de cœur à cœur"

Le Guide Social : Pourquoi est-ce que vous aimez ce métier  ?

Virginie Gossuin : Ce qui me plait c’est de travailler dans le monde de l’enfance. Même s’il peut y avoir des inconforts ou des douleurs physiques, il y a toujours cette spontanéité, cette insouciance de l’enfant qui est merveilleuse et contagieuse.

Ensuite, il y a une particularité avec ces enfants qui sont atteints dans leur corps. On échange sur de vraies choses, il n’y a pas de faire semblant, c’est de cœur à cœur. Je reçois beaucoup de ces enfants et je relativise  : si un jour j’ai mal au pied, ce n’est pas grave.

Ce que j’aime aussi c’est le fait d’avoir un accompagnement sur du long terme, sur plusieurs années, avec l’enfant et la famille. J’aime aussi beaucoup le travail en équipe, les échanges, l’énergie collective.

Enfin, au niveau intellectuel, j’aime ce métier pour tout ce qui analyse des situations, des difficultés. Il faut réfléchir à des moyens d’action vraiment ciblés.

Le Guide Social : A quoi est-ce que l’ergothérapeute s’intéresse plus précisément  ?

Virginie Gossuin : Les enfants du centre ont des pathologies complexes, il y a un mélange de troubles. Nous allons donc essayer de repérer ce qui pourrait poser problème dans la façon dont l’enfant réalise les activités. A partir du moment où l’enfant s’exprime et qu’il comprend, on le fait participer à l’analyse car c’est lui qui ressent le mieux.

Une fois qu’on a pu analyser l’origine des difficultés dans ses occupations, on peut avoir plusieurs axes de travail.

Le premier axe est la rééducation. C’est-à-dire qu’on va chercher à améliorer la fonction déficitaire. Par exemple, s’il y a un souci au niveau de l’organisation du regard on va faire un travail plus ou moins intensif sur cet aspect.

Un deuxième axe sera d’entrainer l’enfant dans l’activité même où il rencontre des difficultés. Par exemple, si l’enfant doit être plus autonome dans la prise de repas on va l’entrainer à ce moment-là. On va pouvoir lui donner des consignes, lui faire sentir les mouvements.

Ensuite, nous pouvons aussi proposer des adaptations  : une barre à côté du WC pour se relever, proposer des couverts avec le manche grossi pour mieux les tenir, des conseils à l’enseignant sur la présentation des devoirs ...

Enfin, nous pouvons donner des conseils sur la façon optimale d’accompagner l’enfant. Par exemple, on peut montrer comment l’enfant doit être installé pour mettre sa veste, ou encore quel type de veste est le plus adapté pour lui.

Quand c’est une pathologie qui a un tableau clinique complexe, il faut chercher ce qui pose souci et parfois ça peut être des détails.

Locaux d’ergothérapie, classes ou encore visites à domicile

Le Guide Social : Quels sont vos moyens d’action ?

Virginie Gossuin : Les ergothérapeutes peuvent intervenir à plusieurs niveaux.

Dans les locaux d’ergothérapie, où il y a des aménagements particuliers, nous allons pouvoir mettre les enfants en situation fonctionnelle : situations de jeux  ; des activités de soins personnels (habillage, toilette, repas, préparation de repas), etc.

Aussi, nous pouvons intervenir directement dans les classes. On peut proposer des ateliers avec l’enseignant.e et différent.es intervenant.es (éducateur-trice, logopède, kinésithérapeute, etc.) pendant lesquels on accompagne un groupe d’enfants autour d’un projet ou d’une activité.

Ensuite, nous pouvons faire des visites à domicile. Pour nous c’est intéressant d’aller sur place pour comprendre dans quel environnement l’enfant vit et réalise ses occupations, que ce soit d’un point de vue matériel mais aussi social. Par exemple, l’enfant ne va pas réaliser l’occupation de la même manière si les parents veulent faire beaucoup à sa place ou au contraire s’ils le laissent se débrouiller.

Dans ce cadre-là, il y a une première phase d’observation et dans une deuxième phase on peut conseiller les parents pour améliorer une situation en changeant l’organisation, l’aménagement...

Enfin, le dernier contexte où on intervient c’est le monde extérieur en général, souvent avec les enfants plus grands. On va dans les magasins, on va prendre les transports en commun, etc.

Le Guide Social : Comment se met en place votre travail  ?

Virginie Gossuin : Le centre est associé à une école spécialisée pour les enfants qui présentent des troubles moteurs.

Dans un premier temps, le médecin présente l’enfant, ses antécédents et les motifs de la mission à l’équipe. Puis, il y a une phase d’observation de l’enfant dans la classe et dans différentes situations  : quand il joue, il mange, il s’habille...

Ensuite, à travers un entretien ou un questionnaire, nous allons nous intéresser aux occupations de l’enfant et au contexte dans lequel il les fait. Nous allons voir ce que les parents et l’enfant attendent et ce qui est réalisable.

Enfin, nous allons définir un projet avec les différents intervenant.es pour voir comment chacun.e peut contribuer avec sa discipline, sa mission. Nous allons fixer des objectifs et des moyens d’action.

"Le gros défi, c’est de ne pas morceler l’enfant et d’avoir un objectif commun"

Le Guide Social : C’est donc un travail pluridisciplinaire...

Virginie Gossuin : Oui. Il y a un.e kinésithérapeute, un.e logopède, un.e éducateur-trice, un.e neuropsychologue, un.e assistant.e social.e, un.e ergothérapeute et l’équipe éducative autour de l’enfant. C’est une équipe chapeautée par son médecin référent.

Le Guide Social : Quels sont les avantages et les difficultés de travailler ainsi  ?

Virginie Gossuin : Le gros défi, c’est de ne pas morceler l’enfant et d’avoir un objectif commun. Ce n’est pas toujours évident d’avoir une vision commune, de définir des priorités et se mettre d’accord dessus.

L’avantage, en revanche, c’est d’avoir différentes visions au service de l’enfant. Les éclairages des un.es et des autres font qu’on le cerne mieux. Il y aussi des échanges de bonnes pratiques.

En tant qu’ergothérapeute, comme on s’intéresse aux occupations de l’enfant, on sait qu’il y a des compétences nécessaires à la réalisation de l’activité qui intéressent l’un.e ou l’autre intervenant.e. Par exemple, si la priorité est de prendre sa douche, on a besoin de savoir comment il peut se déplacer et monter dans la douche et on a besoin de l’avis et de l’évaluation du ou de la kinésithérapeute.

Le Guide Social : Vous travaillez aussi avec d’autres ergothérapeutes  ?

Virginie Gossuin : Généralement, nous sommes deux pour un enfant. Ça enrichit le travail non seulement dans l’évaluation de l’enfant mais aussi dans l’intervention même car peut avoir des spécialités ou des affinités. Puis ça permet de trianguler car on est parfois dans des situations un peu délicates avec les parents et c’est plus facile quand on est à deux.

Le Guide Social : C’est-à-dire  ?

Virginie Gossuin : Par exemple, nous avons eu une famille avec un enfant qui avait un handicap important et dont les parents étaient en demande de beaucoup d’aides techniques, d’aménagement à la maison et donc de pouvoir bénéficier d’une intervention financière.

A un moment donné, c’est devenu difficile parce que je n’étais pas favorable à demander autant de matériel car j’estimais que ce n’était pas nécessaire, qu’il y avait d’autres solutions moins chères et plus écologiques... A un moment, ma collègue a donc pris le relais et ça a été utile.

Aussi, comme nous avons chacun.e des sensibilités et des affinités différentes, on peut se partager le travail  : l’un.e aura de bons conseils pour l’aménagement de la maison, alors que l’autre donnera un petit cahier de devoirs de chose à faire au jour le jour, par exemple.

On essaie d’améliorer ensemble notre travail avec de nouveaux outils d’évaluation ou encore pour la rééducation. On est une équipe qui avance ensemble.

"Quand je travaille avec les enfants je leur partage le souci que j’ai des autres et les invite à faire la même chose, à se préoccuper de la nature, du monde extérieur..."

Le Guide Social : Est-ce que vous arrivez à ne pas trop vous attacher aux enfants  ?

Virginie Gossuin : Il y a évidemment une relation qui s’installe avec eux même si on essaie de rester professionnel.les avec un certain détachement car à un moment donné ils quittent le centre, ou bien ils traversent des souffrances, il y a aussi des décès... Si on n’est pas professionnel.le et un peu détaché.e, on ne peut pas faire ce travail.

Ça a été plus difficile quand j’ai eu moi-même des enfants car j’ai un peu mieux réalisé ce que c’était d’avoir un enfant différent. Mais je suis arrivée à me trouver une place en tant que professionnelle et ça ne m’encombre pas.

Je me dis que je suis utile, que je participe à améliorer la vie de ces personnes et ça me suffit pour me motiver. Si j’étais seulement observatrice ce serait plus compliqué.

Le Guide Social : Pourquoi pensez-vous que votre métier est utile  ? Voire essentiel  ?

Virginie Gossuin : Parce que c’est essentiel de prendre soin des enfants de notre société. Dans mon travail il y a l’aspect technique, où je vais essayer de remplir ma mission au mieux, mais en plus, pour moi, il y a un partage de valeurs. Quand je travaille avec les enfants je leur partage le souci que j’ai des autres et les invite à faire la même chose, à se préoccuper de la nature, du monde extérieur...

Ensuite, je pense que c’est essentiel de prendre aussi en compte les personnes qui sont, à un moment donné ou toute leur vie, moins bien loties.

Enfin, c’est essentiel d’essayer que tout le monde soit le plus autonome possible, qu’il soit en meilleur santé possible et ça concerne toute la société d’un point de vue économique.

Le Guide Social : Est-ce qu’il y a une reconnaissance du métier  ?

Virginie Gossuin : Dans l’équipe où je travaille oui. Beaucoup plus qu’avant  ! La profession évolue et se définie mieux.

Ce qui est parfois difficile c’est de faire comprendre aux parents ce qu’on fait et l’intérêt. Souvent les parents veulent avant tout que l’enfant marche, parle et aille à l’école. Tout ce qui est indépendance dans le jeu, dans le repas... ça passe souvent au second plan. C’est dur de faire comprendre que ce sont de petites graines qu’on sème car si on soutient l’enfant tout petit à choisir ses jeux, à exprimer ses difficultés, à chercher des solutions... c’est pour qu’il puisse s’en servir toute sa vie. Ça les parents ne le saisissent pas toujours car c’est trop lointain, ce n’est pas dans leur priorité, ce n’est pas visible tout de suite...

Aussi, il y a souvent une confusion avec les kinésithérapeutes, les éducateur-trices, les logopèdes, parfois même avec les enseignant.es et les neuropsychologies. C’est une profession qui s’intéresse au quotidien de la personne donc nous avons une vision holistique et si nous-mêmes ne sommes pas au clair avec ça il peut y avoir des confusions.

"On ne fait pas ce métier pour soi-même, pour être reconnu ou pour gagner de l’argent"

Le Guide Social : Pourquoi avoir choisi ce métier  ?

Virginie Gossuin : Dans ma famille il y a beaucoup d’enseignant.es et le monde de l’enfant est valorisé.

Quand j’avais 15 ou 16 ans, j’ai été bénévole dans une maison d’accueil pour personnes handicapées adultes, à Gedinne. Ça m’a beaucoup marqué et à ce moment-là j’ai pris conscience que je ne pouvais pas ignorer cette partie de la société.

Puis arrivée en rhéto on m’a parlé de la profession d’ergothérapeute. J’ai donc passé deux ou trois jours dans un centre similaire à celui où je travaille aujourd’hui et j’ai compris que je voulais faire ce métier avec des enfants.

Le Guide Social : Comment s’est passé la première confrontation avec le métier  ?

Virginie Gossuin : J’étais en 1er année et j’ai fait un stage d’observation à Brugmann dans un service qui propose de la revalidation pour des personnes qui ont des pathologies importantes. C’était intéressant mais ça ne correspondait pas à ce que je voulais faire. Le cadre de l’hôpital ne me disait rien.

En 2e année, j’ai fait mon stage dans une maison de repos et de soins et j’ai beaucoup aimé le contact avec les personnes âgées mais le contexte ne me plaisait pas beaucoup. J’avais l’impression que c’était un peu coupé de la vie.

Enfin, en 3e année j’ai fait quatre stages dans des domaines différents. Le premier, je l’ai fait dans une école spécialisée qui utilise la pédagogie conductive. J’ai adoré ce stage. D’ailleurs, ce que j’ai vécu là-bas m’inspire encore toujours, j’essaie encore d’appliquer cette façon de travailler.

Ensuite, j’ai fait d’autres stages notamment dans la santé mentale mais je n’ai pas aimé car je me sentais trop immature. Je me souviens aussi lorsque j’avais fait un stage au Centre Neurologique William Lennox, on m’avait demandé d’aller dans la chambre d’une femme qui sortait du coma pour avoir un premier contact avec elle. Quand je suis entrée dans sa chambre, je suis tombée dans les pommes d’émotion... Je n’étais pas tout à fait prête à cette réalité.

Ensuite, après avoir été diplômée en 1989, j’ai travaillé un an dans la maison d’accueil où j’avais été bénévole. Puis je suis venue travailler à Bruxelles dans le centre où je suis encore. C’était mon rêve et j’y travaille depuis.

Le Guide Social : Vous n’avez jamais eu envie de changer  ?

Virginie Gossuin : Non, j’aime travailler avec ce public et je ne voyais pas l’intérêt de changer. D’autant plus que je me voyais progresser dans mon institution, je n’ai jamais arrêté d’apprendre.

Le Guide Social : Qu’est-ce que vous diriez aujourd’hui à une personne qui s’intéresse à votre métier  ?

Virginie Gossuin : Je dirais d’aimer l’humain. On ne fait pas ce métier pour soi-même, pour être reconnu ou pour gagner de l’argent. On n’est pas mis en avant donc si c’est ce qu’on cherche, il vaut mieux ne pas le faire.

Et pour aller plus loin :

[Ecoutez]

 La totalité du podcast de Mathilde, ergothérapeute en neurologie

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