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Auditions des mineurs victimes ou témoins d'infractions

04/01/18
Auditions des mineurs victimes ou témoins d'infractions

Quand on travaille dans un service comme SOS Enfants ou dans l’aide à la jeunesse, on est souvent confronté à des enfants qui sont entendus par la police en audition vidéo-filmée. C’est un moment difficile pour un enfant même si la police fait tout pour les rassurer.

Lors d’une formation organisée par l’ONE, j’ai rencontré Michel Carmans, chef de division adjoint des Sciences du Comportement de la Police fédérale et coordinateur national pour le projet audition audiovisuelle des mineurs victimes ou témoins. Il nous a éclairé sur la manière dont ce type d’audition se passe et comment ces fonctionnaires de police sont formés à cette technique. Comme Monsieur Carmans l’a expliqué « Le but de la formation n’est pas de travailler la relation entre le policier et l’enfant, mais de connaître le protocole par cœur. »

Quatre semaines pour être prêt

Afin de comprendre le protocole des auditions de mineurs, Monsieur Carmans a souhaité nous expliquer la manière dont les apprenants sont formés. Ils ont quatre semaines de formation dont deux théoriques et deux basées sur des jeux de rôle. Durant ces 4 semaines, ils doivent apprendre le protocole d’audition par cœur. A la fin de ces quatre semaines, un examen certificatif a lieu où le policier doit se mettre en condition d’audition et démontrer qu’il possède bien les compétences nécessaires pour auditionner des mineurs. Il sera donc face à un acteur et il devra démontrer qu’il maîtrise le protocole en recueillant sa parole et ses silences comme s’il avait un enfant en face de lui. Pour Monsieur Carmans « Déontologiquement et éthiquement, on ne peut pas demander à un enfant de raconter 35 fois une agression sexuelle ». Un acteur joue donc le rôle d’un enfant. Il n’y a que « l’expérience et son savoir-faire ou être qui permettra au policier d’avoir des comportements ou des attitudes adaptés quand celui-ci recueille la parole d’un enfant. »

L’introduction d’une audition

Le protocole pour une audition vidéo-filmée « se décompose en cinq phases et onze étapes dont l’introduction ». C’est un moment clé car il s’agit du premier contact avec l’enfant. Le policier lui demande de se présenter (nom, prénom, âge, adresse et date de naissance). Ensuite, il présente le matériel (micros et caméras) et les personnes présentent dans le local dont lui-même, l’expert psychologue ... Il explique que l’audition est filmée et enregistrée. Il informe le mineur du « droit à la personne de confiance. Celle-ci sera installée derrière l’enfant et il ne peut y avoir aucune interaction entre les deux ». La personne de confiance est une personne majeure désignée par l’enfant. Il peut s’agir d’un de ses parents, mais aussi de toutes autres personnes en qui il a confiance. « Seul le procureur du Roi ou le juge d’instruction pourrait écarter la personne de confiance par décision motivée ». Le mineur peut également être accompagné de son conseil. « L’ « auditionneur » établira des conventions avec l’enfant ; il pourra se tromper, ne pas comprendre une question, ne pas savoir ou ne pas dire quelque chose ». Enfin, l’enquêteur expliquera le déroulement de l’audition. Toutes ces informations sont adaptées à l’âge de l’enfant.

Le contenu de l’audition

Pour mieux comprendre le protocole, nous avons visionné l’examen d’une apprenante. L’entretien démarre toujours par des questions très larges sur la famille, les hobbies, les amis ... Pour ensuite, passer à des questions plus précises sur une personne. L’enquêteur ne va pas directement cibler l’auteur des faits afin de ne pas influencer l’enfant dans son récit. Ensuite, « L’enquêteur pose des questions d’invitation qui font appel à la mémoire de rappel et à la mémoire épisodique ». Des questions de segmentation de temps ou d’indices qui vont porter sur des moments précis de l’abus afin de déterminer avec précision l’infraction. Il va également demander à l’enfant une description de la personne. Durant l’audition, le vocabulaire et le ton de la voix doivent être adaptés à l’âge de l’enfant. L’objectif est de toujours poser des questions les plus ouvertes possibles afin d’avoir un discours totalement libre. A aucun moment, le policier ne doit induire des réponses.

La clôture de l’audition

Avant de clôturer l’entretien, l’enquêteur quitte le local pour s’entretenir avec son collègue qui se trouve en régie et s’assure qu’il n’y a plus de questions à poser. Il reviendra vers l’enfant en lui demandant s’il souhaite poser des questions ou ajouter quelque chose. Si tout est en ordre, il remercie l’enfant et ils quittent le local.

Et après ...

Deux copies DVD de l’audition sont faites, avec soit une retranscription complète, soit un résumé de l’entretien. Le tout sera transmis au Procureur du Roi. L’audition n’est qu’un élément de l’enquête. Il est important de savoir que pour ces policiers, « Il n’y a pas une obligation de résultats, mais bien une obligation de moyens. Il faut mettre tout en œuvre pour recueillir la parole de l’enfant, mais c’est également son droit de ne rien dire ; c’est le principe même de l’audition respectueuse et non suggestive » , explique Monsieur Carmans. Le policier est là pour recueillir des faits, mais pas pour donner ses impressions ou son interprétation.

Trois conseils

Monsieur Carmans a terminé sa formation en nous donnant trois conseils quand on est face à un enfant qui va devoir être entendu en séance vidéo-filmée. Le premier est qu’ « Il ne faut plus parler des faits à l’enfant, sauf si celui-ci en parle spontanément ». L’objectif est de ne pas « influencer le récit ». Pour le même objectif, le deuxième est de « ne pas poser de questions et le troisième est de répondre aux questions si l’enfant en pose ». Je trouve que ces conseils ne sont pas faciles à suivre car quand un enfant consulte une équipe SOS Enfants, c’est pour parler de ce qu’il a subi afin qu’il aille mieux. La personne civilement responsable du mineur doit faire une déclaration, dès que possible, auprès d’un service de police de son choix. Sans appui du procureur du Roi, l’audition audiovisuelle du mineur ne pourra se faire sous peine de nullité. Il est donc très important que la police puisse faire ces auditions le plus rapidement possibles. Tout d’abord, parce qu’ « un enfant peut vite oublier et subir de la suggestion directe ou indirecte », et ensuite pour permettre aux professionnels qui gravitent autour de l’enfant d’avancer dans leur travail.

CD, assistante sociale

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