UBO : une nouvelle épine dans le pied des asbl
La mise en place du Registre UBO suscite bien des inquiétudes dans les entreprises à profit social et dans les asbl en général. Face à ce dispositif problématique, l’Unisoc, qui représente l’ensemble des entreprises à profit social au niveau fédéral, est entrée en action.
– [A lire] : Moins de 20% d’ASBL inscrites au registre UBO !
Cadre légal
La loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces (en abrégé « Loi de 2017 ») prévoit, entre autres, la mise en place d’un registre des bénéficiaires effectifs (dont l’acronyme anglais est UBO pour Ultimate Beneficial Owner, en abrégé « Registre UBO »).
Cette loi transpose la Directive européenne 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme qui oblige les États membres à prendre les mesures législatives et réglementaires afin que :
– les sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire aient l’obligation d’obtenir et de conserver des informations adéquates, exactes et actuelles sur leurs bénéficiaires effectifs ;
– un registre centralisé reprenant les informations sur les bénéficiaires effectifs de ces entités soit mis en place afin de faciliter l’accès à ces informations.
Qu’est-ce qu’un bénéficiaire effectif (UBO) ?
La Loi de 2017 identifie différentes catégories de bénéficiaires effectifs selon l’entité juridique à laquelle ils se rapportent. Elle distingue ainsi trois types d’entités juridiques à savoir :
– les sociétés ;
– les a(i)sbl et fondations ;
– les trusts et autres entités juridiques similaires aux trusts.
Pour ce qui est des a(i)sbl et des fondations, les catégories de bénéficiaires effectifs sont au nombre de six et elles se déclinent comme suit :
– les personnes qui sont membres du conseil d’administration ;
– les personnes qui sont habilitées à les représenter ;
– les personnes chargées de leur gestion journalière ;
– les fondateurs (pour les fondations) ;
– les personnes physiques ou, lorsque ces personnes n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes physiques dans l’intérêt principal desquelles elles ont été constituées ou opèrent ;
– toute autre personne physique exerçant par d’autres moyens le contrôle sur elles.
Un dispositif problématique : intervention de l’Unisoc
La mise en place du Registre UBO suscite bien des inquiétudes dans les entreprises à profit social (à savoir les asbl qui occupent du personnel) et dans les asbl en général. De toute évidence, ce dispositif a été conçu d’abord pour les sociétés commerciales et il n’est pas adapté à la réalité des associations.
C’est pourquoi l’Unisoc, qui représente l’ensemble des entreprises à profit social au niveau fédéral , a pris l’initiative d’entrer en dialogue avec l’AG Trésorerie du SPF Finances (ci-après « AG Trésorerie ») pour trouver des réponses aux questions soulevées et des solutions aux problèmes posés par un dispositif qui, dans sa version initiale, allait immanquablement plonger de nombreuses asbl dans d’importantes difficultés. C’est ainsi qu’entre janvier et juillet 2019, plusieurs réunions de travail ont permis d’obtenir diverses clarifications et simplifications ainsi que des engagements pour des progrès à venir.
Quelles améliorations ?
Ces avancées sont reprises en détail dans deux notes publiées par l’Unisoc et validées par l’AG Trésorerie ainsi que dans la FAQ de l’AG Trésorerie. Voici quelques exemples.
Les informations relatives aux catégories 1 à 4 sont pré-enregistrées par l’AG Trésorerie et apparaissent sur la base des informations contenues dans la BCE (ce qui suppose de tenir ces informations à jour et donc de bien remplir et déposer vos formulaires de modifications statutaires). Le développement du pré-enregistrement est opérationnel aussi bien pour les asbl composées de personnes physiques que pour les asbl composées d’autres personnes morales.
La catégorie 5 peut porter sur des publics-cibles généraux tels qu’identifiés dans les statuts (exemples : les élèves d’une école, les patients d’un hôpital). En outre, dans certains cas, une asbl ne renseignera aucun bénéficiaire effectif au titre de la catégorie 5. Il peut s’agir par exemple :
– d’asbl de défense de l’environnement, du patrimoine, etc. ;
– d’asbl dont l’action est dirigée en faveur d’un ensemble de personnes morales (notamment les asbl « d’asbl » exerçant une action fédérative et les secrétariats sociaux).
Concernant la catégorie 6, catégorie résiduaire, il est à présent acquis qu’elle :
– ne concerne pas chaque membre de l’assemblée général de l’asbl, mais peut concerner des membres agissant structurellement de concert afin d’emporter de manière régulière et répétée une majorité ;
– ne porte pas sur des autorités ou institutions publiques. Exemple : une fédération active dans le secteur de l’aide à domicile qui serait sous l’autorité de tutelle de l’AVIQ en Wallonie ne doit pas renseigner l’AVIQ ou ses représentants dans le Registre UBO au titre de catégorie 6.
Concernant la fonctionnalité « Groupe » du Registre UBO, ne doivent pas être enregistrés les administrateurs qui prennent conjointement des décisions en vertu des statuts.
Signalons encore le report de l’échéance précédemment prévue le 31 mars 2019 au 30 septembre 2019, la mise à disposition par l’AG Trésorerie d’un manuel d’utilisation spécifique aux asbl – initialement il n’y avait qu’un manuel pour les sociétés commerciales – ou encore, dans les jours qui viennent, des vidéos pédagogiques pour accompagner les asbl dans le remplissage du Registre UBO.
Le cœur du problème demeure
Si nous saluons l’ouverture et la disponibilité de l’AG Trésorerie du SPF Finances, sur le plan politique, l’Unisoc continue à considérer que l’existence même du Registre UBO pose question, tant en termes de charge administrative qu’en termes de message envoyé aux associations.
Entendons-nous bien : le secteur à profit social n’a aucun problème avec le principe de transparence et considère que cela contribue au maintien de rapports sereins avec les autorités publiques. Mais les asbl communiquent les mêmes informations plusieurs fois aux autorités publiques. Cette situation est énergivore et chronophage. En outre, elle alimente une méfiance à l’égard des associations. Cela va sans doute asphyxier les structures les plus petites, mais aussi handicaper les plus grandes asbl, sans réelle plus-value par rapport à la panoplie de dispositifs de contrôle qui existaient déjà.
Comme dans d’autres dossiers, nous faisons le constat que beaucoup de temps et d’énergie auraient pu être économisés si notre secteur et le monde associatif de façon générale avaient été consultés et inclus dans la réflexion en amont de l’élaboration de la législation et de la réglementation. Que ce soit clair : aucun dispositif ne peut produire de résultats efficaces s’il est élaboré sur-mesure uniquement pour les sociétés commerciales. Les responsables politiques doivent réaliser que les entreprises à profit social sont une composante cruciale de notre société et de notre économie et qu’elles doivent se trouver au centre et non à la marge des préoccupations. L’Unisoc continuera à œuvrer en ce sens.
Mehmet Saygin, conseiller juridique de l’Unisoc
Michaël De Gols, directeur de l’Unisoc
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