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Chronique d'un psy : "La vidéo-consultation en thérapie"

19/03/20
Chronique d'un psy:

Exceptionnellement, T. Persons ressuscite les chroniques d’un psy. Aujourd’hui, il vous parle de son expérience de vidéo-consultation dans ce contexte de crise du coronavirus.

[DOSSIER]
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Cette semaine, alors que le bon sens et la pénurie de matériel d’hygiène m’ont poussé à fermer la porte de mon cabinet, j’ai pris la résolution de continuer à voir mes patients, mais par écrans interposés.

À première vue, on pourrait se dire que se contraindre à expérimenter la thérapie par vidéo-consultation, c’est un peu comme passer du livre papier à la liseuse. Il y aura toujours des réfractaires, des gens qui vous diront que sans les sensations, sans le bruit du frottement de votre jeans sur le fauteuil en cuir et sans toutes les odeurs, ce n’est pas la même chose. Pour ma part, j’arrive à en faire le deuil. Oui, le confort douillet de mon cabinet me manque, mais pour le reste, je dois bien vous l’avouer, je n’y vois pas trop de différences…

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je préfèrerais mille fois voir les gens face à moi et avoir la certitude que les mimiques de mes patients sont uniquement liées à mes pertinentes interventions, et non à une mauvaise manœuvre dans leur partie de Candy Crush. Certes, il est vrai que pour le moment, tout va bien, je n’ai pas eu de crise d’angoisse ou de larmes à gérer depuis un ordinateur… Je n’ai donc pas pleinement ressenti les limites de mon nouveau cadre. Cela étant dit, les plus lucides me renverront que balancer une boîte de tissus en papier à 1,5 mètres de distance, tout en coupant mon patient pour lui ordonner de jeter directement son mouchoir dans la poubelle et de se laver les mains, le tout sur un ton qui frise la panique, au niveau thérapeutique, ce n’est pas forcément mieux…

"Les patients annulent, ils ne sont pas entièrement à l’aise avec la démarche"

Pour être sincère, le plus compliqué, lorsque l’on est psychologue clinicien et confiné dans son appartement avec sa famille, c’est de se construire un bureau virtuel… Autant, certains ont la chance de posséder une pièce excédentaire que l’on peut aisément transformer afin de la rendre la plus agréable possible, autant, quand on vit dans un 80 m2 à Bruxelles, il faut être créatif…. La priorité absolue, c’était l’isolement… Il m’était nécessaire de trouver une pièce où la confidentialité était de mise. Ensuite, vint la question de ce que l’on montre à l’écran… L’idéal c’était, soit de trouver un mur blanc, soit d’avoir un décor que l’on accepte de livrer en pâture à ses patients. Pour ma part, étonnement, le seul endroit qui permettait de filmer une mise en scène sobre, digne d’un film français à bas budget, c’était le mur du fond de ma chambre à coucher. Qu’on se le dise, je n’ai jamais osé imaginer qu’un jour mon travail m’amènerait à poser une caméra à côté de mon lit.

Et finalement, après tous les efforts consentis, vient la désillusion. Les patients annulent, ils ne sont pas entièrement à l’aise avec la démarche. Ils préfèreraient quand même venir vous consulter en cabinet et compter vos cheveux blancs plutôt que vos pixels. Alors on prend un bonne respiration, on explique les raisons. La majeure partie des patients comprend mais elle estime qu’un entretien n’est plus nécessaire. Ils vous promettent de revenir, quand tout se sera tassé… Quand on pourra se resserrer la main…

En attendant, vous êtes coincé avec vos trois patients qui acceptent une vidéo-consultation, dont le gars qui a des TOC de propreté et qui vous regarde avec un petit sourire vicieux, vous défiant de venir questionner ses règles d’hygiène dans un contexte de crise sanitaire où toute communication va venir renforcer son trouble… Pour ma part, je suis convaincu d’avoir pris la bonne décision, mais d’un point de vue psycho-social, je me dis que des tas de personnes se privent d’un suivi psychologique et ça me fend le cœur en deux.

En conclusion, restons positif… La vidéo-consultation, tant décriée par le passé, apparaît aujourd’hui comme une alternative solide pour ses prochaines semaines. En attendant, courage à ceux qui vivent dans un loft, tout en se disant qu’en cas de manque d’espace privatif pour les consultations vidéo, il vous restera toujours les toilettes qui, quand on y réfléchit, sont un autre genre de cabinet…

T. Persons



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