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Centre d’accueil Espoir : « Ici, les femmes reprennent souffle »

20/10/25
Centre d'accueil Espoir : « Ici, les femmes reprennent souffle »

Le centre d’accueil Espoir à Cuesmes offre un refuge aux femmes seules ou accompagnées de leurs enfants, victimes de violences ou en précarité. Au-delà d’un toit sécurisé, l’équipe pluridisciplinaire accompagne chaque résidente dans la reconstruction de sa vie, la parentalité et la reprise de ses droits fondamentaux. Entre vie collective, ateliers de soutien et projets pour retrouver autonomie et confiance, Espoir est un lieu où les femmes reprennent pied. Le Guide Social s’est rendu sur place.

Dans une petite rue tranquille de Cuesmes, près de Mons, les maisons s’alignent, toutes semblables. Rien ne laisse deviner qu’ici se cache le centre Espoir. Derrière une façade ordinaire se trouve pourtant un point d’ancrage essentiel pour des dizaines de femmes et d’enfants. À l’intérieur, le bureau de la travailleuse sociale accueille les premiers appels – souvent le début d’un nouveau parcours pour celles qui cherchent un refuge. Mais le véritable cœur du dispositif se trouve à quelques pas de là : la maison d’accueil.

Une grande bâtisse, légèrement en retrait, ouvre sur une petite cour avec un espace prévu pour les poussettes et un local en bois destiné aux ateliers collectifs. Derrière une porte sécurisée, la vie s’organise : une crèche débordante de jouets, une salle à manger, un salon avec télévision, une cuisine où les mamans se relaient aux tâches quotidiennes. Plus loin, un jardin et ses toboggans, offerts par des dons, apportent un peu de légèreté aux après-midis. Les chambres, enfin, offrent à chacune un espace de répit.

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Derrière la façade, une maison d’histoire

Le centre d’accueil Espoir a vu le jour en 1982, sous le nom de « maison maternelle », créé par les Femmes Prévoyantes Socialistes. À l’époque, l’institution accueillait principalement des mères avec leurs enfants.
« En 2002, l’agrément de maison maternelle a cessé d’exister. Nous sommes devenus une maison d’accueil sous la coupole de la Région wallonne », raconte le directeur, Henri. Depuis, le centre s’est vu confier plusieurs missions spécifiques : l’accueil des enfants, y compris les tout-petits de moins de deux ans et demi, ainsi que la prise en charge des victimes de violences conjugales et intra-familiales.

Ce choix d’intégrer l’accueil des enfants s’inscrit aussi dans une logique pragmatique : obtenir des dons pour le centre reste un enjeu majeur. Le directeur évoque une « pyramide des dons » : certains bénéficiaires attirent davantage la générosité et les enfants en font partie, contrairement aux hommes seuls.

Premiers pas vers la sécurité

Tout commence par un coup de téléphone, adressé à Laika, assistante sociale spécialisée dans les violences conjugales. C’est elle qui reçoit les premiers appels et tente de trouver une solution de secours avec les femmes concernées. « On peut être amenés à gérer des situations d’urgence, à rediriger les personnes potentiellement en danger ou à mettre en place des stratégies de sécurité avec la police », explique Henri. Le centre dispose également de lits d’urgence au cas où les services extérieurs sont saturés.

Quand il y a de la place, un entretien d’admission est proposé pour expliquer le fonctionnement du centre. Les dames marquent alors leur accord, même si ce n’est pas toujours le choix qu’elles auraient souhaité. « On leur laisse un temps de réflexion, car accepter de vivre dans une maison collective avec d’autres familles bouleverse le quotidien », ajoute le directeur.

Des parcours cabossés

Les femmes qui arrivent ici partagent toutes un point commun : l’absence de logement. Mais derrière cette même réalité, les histoires divergent. Certaines sortent de prison, d’un hôpital psychiatrique ou ont épuisé tout leur réseau familial. D’autres ont été exclues de leur loyer ou ont dû fuir un conjoint violent.
« Dans ce cas, la femme se retrouve souvent sans rien. Pas de logement à son nom. Et c’est ici qu’elle atterrit », décrit le directeur.

Le centre peut accueillir jusqu’à 14 adultes et 31 enfants donc un total de 45 personnes, enfants compris. Deux chambres pour dames seules sont accessibles ainsi que 12 autres chambres qui permettent d’accueillir une dame et sa famille.

Une vie collective à réapprivoiser

La maison vit au rythme des femmes et des enfants qui l’habitent. Chaque résidente participe aux tâches quotidiennes : cuisine, vaisselle, poubelles. « Ce sont elles qui font tourner la maison, nous on est là pour accompagner », résume l’éducatrice, Sylvie.

Apprendre à vivre ensemble n’est pas toujours évident. Hérité des années 80, une époque où l’on misait sur le maximum de personnes dans le minimum d’espace, le bâtiment repose sur un modèle collectif, avec des espaces partagés et une vie commune à organiser. Or, dans une société où l’individualisme s’impose, cette formule n’est pas forcément celle recherchée. « La nécessité de s’impliquer dans une collectivité ramène beaucoup de tensions. Pourtant, le collectif apporte beaucoup », souligne Henri.

À ce défi s’ajoute une difficulté d’image. Dans l’imaginaire collectif, ces structures restent parfois associées aux anciennes « maisons maternelles » avec leur lot de clichés. Certaines femmes redoutent encore que leur passage entraîne des placements d’enfants, même si cela n’a jamais été la mission du centre. De l’extérieur, ces lieux sont souvent réduits à des institutions pour « femmes dans le besoin », renvoyant à une forme de misère. « Il persiste une vision péjorative, presque misérabiliste de nos institutions. Déconstruire ces représentations est un travail de fond, essentiel pour permettre aux dames d’oser franchir la porte », ajoute-t-il.

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Deux missions, un accompagnement global

Au-delà du toit, le centre s’attache à rouvrir les droits fondamentaux des femmes comme l’accès à un revenu, à la santé et à des démarches juridiques. Le centre a deux missions principales. La première est liée à l’enfance. Pour mener à bien cette mission, une crèche interne permet aux mamans de souffler. « Quand on sort d’un parcours de violences intenses, on est en déconstruction. Il y a des moments où on a besoin de lâcher la pression et laisser ses enfants quelques heures permet de respirer », confie le directeur.

La deuxième mission est liée aux violences conjugales. Ici, l’accompagnement ne s’arrête pas aux femmes elles-mêmes : la parentalité fait partie intégrante du travail. Une travailleuse sociale spécialisée aide notamment les mères à rétablir un lien de communication avec leur enfant, souvent fragilisé par le climat de violences. Il s’agit de réapprendre à poser un cadre éducatif, sans nuire à la relation affective. Ce suivi se construit en étroite coordination avec les assistantes sociales, la puéricultrice et l’ensemble de l’équipe, afin de former un véritable réseau de soutien autour de chaque famille.

Des ateliers pour se reconstruire

Le centre propose une large palette d’ateliers pensés pour soutenir les femmes dans leur reconstruction. Certains portent sur l’estime de soi, une manière d’aborder la prévention des violences conjugales à travers des exercices ludiques. Le VIF, centre d’accueil d’urgence pour victimes de violences intra-familiales de Mons, intervient également pour animer des séances de sensibilisation.

D’autres ateliers invitent au bien-être et à la détente : relaxation, soins personnels, journées massage ou coiffure. On y trouve aussi des activités pratiques comme le bricolage, la gestion d’un budget ou encore la recherche de logement. L’été, des sorties viennent ponctuer le quotidien. L’an dernier, le centre s’est déplacé à la mer et au domaine de Chevetogne. « L’an prochain, un voyage à Disneyland est prévu. Les travailleuses sociales se mobilisent plusieurs fois par an pour dégager des fonds. Ce sont des moments qui donnent un peu de magie aux familles », sourit l’éducatrice.

Des projets pour demain

L’enjeu, pour le centre, est avant tout de continuer à faire tourner la maison malgré un contexte marqué par les coupes budgétaires dans le secteur associatif. Préserver les moyens et assurer la pérennité des activités reste une bataille quotidienne.

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Mais l’équipe ne se limite pas à maintenir l’existant, elle innove. Dès janvier, un partenariat avec l’hôpital de Mons, site Kennedy, verra le jour. Trois chambres y seront réservées pour des mamans venant d’accoucher, en situation de précarité ou confrontées à la violence. L’objectif est de soutenir leurs compétences parentales et rassurer les services de protection de l’enfance.

Des journées variées

Les journées ne se ressemblent pas. Certaines sont calmes, entre accompagnements et activités. D’autres basculent en urgence. « Le plus difficile, c’est quand un mari violent se manifeste », raconte Sylvie. « Il y a quinze jours, on a dû mettre une maman à l’abri ailleurs. C’est un défi permanent : protéger chacune, tout en rassurant le groupe. »

Les séjours durent en principe trois, six ou neuf mois, mais certaines femmes restent plus longtemps, faute de solutions. « Une de nos résidentes est ici depuis plus d’un an. Elle cherche un logement de cinq chambres mais c’est une mission compliquée. Son séjour se prolonge donc exceptionnellement, le temps de sécuriser une solution adaptée », explique l’éducatrice. Malgré ces situations complexes, l’équipe se mobilise pour ces réussites chaque jour. « Nous sommes heureuses quand elles reviennent nous voir, installées et autonomes. C’est toujours très gratifiant pour nous », se réjouit Sylvie.

Pauline Février



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