La réduction du séjour en maternité, une aubaine pour les sages-femmes ?

Le gouvernement Michel Ier a décidé de raccourcir d’un demi-jour le séjour hospitalier des jeunes mamans. Si cette mesure s’inscrit dans le contexte actuel d’économies, elle pourrait néanmoins se révéler positive pour les sages-femmes.
Limiter le séjour hospitalier à 4 jours après l’accouchement est une des mesures phare d’économie prise par la nouvelle ministre des Affaires sociales et de la Santé, Maggie De Block (Open Vld). Par cette mesure, l’Inami - l’Institut national d’Assurance Maladie Invalidité - devrait réaliser de belles économies, la facture hospitalière des accouchements étant très élevée. Cela dit - et seulement si la transition vers des soins à domicile se fait en douceur - il pourrait également s’agir d’une réelle opportunité pour les sages-femmes, du moins celles indépendantes.
Un plan de soins pour chaque maman
S’il est aujourd’hui difficile d’évaluer l’impact d’une telle mesure sur le marché du travail des sages-femmes, on peut supposer que des mutations auront lieu prochainement. Car c’est désormais à cette catégorie professionnelle que sera majoritairement confié le suivi pré- et post-natal. D’autant plus que les visites de sages-femmes à domicile ne coûtent que 26 euros et sont intégralement remboursées, jusqu’au cinquième jour inclus après l’accouchement. De plus, comme le rappelle Vanessa Wittvrouw, vice-présidente de l’Union professionnelle des sages-femmes belges, « les jeunes mamans ont également droit à 10 séances post-natales lors de la première année de vie du bébé, un avantage souvent peu connu des patientes. »
D’après le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), le modèle de suivi à domicile est effectivement possible en Belgique mais cela implique une réorganisation fondamentale des soins postnatals. Il s’agit ici de développer un plan de soins pour chaque maman en créant de véritables coopérations entre les différents professionnels concernés : sages-femmes, gynécologues, pédiatres, médecins traitants,...
Raccourcir le séjour en maternité, une tendance européenne
La réduction du séjour en maternité semble être observée dans la plupart des pays de l’Union européenne. Pour les accouchements sans complication, la durée de séjour en Belgique dépasse légèrement 4 jours, contre 3 jours en moyenne dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques). Et justement, dans certains de ces pays, « le raccourcissement des séjours en maternité a été compensé par un déplacement des soins postnatals vers le domicile, apparemment sans conséquences néfastes pour la santé des mamans et des bébés », constate le KCE. Par là -même, l’hôpital deviendrait exclusivement un centre de soins et non plus de repos, avec par conséquent un suivi post-natal centré sur le domicile et non plus sur la structure hospitalière.
Veiller à la qualité des soins pour les patientes
Pour le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé, il est néanmoins essentiel que la réduction des durées de séjour aille de pair avec une préparation pendant la grossesse. Par ailleurs, une grande attention à la continuité de la prise en charge à domicile devra être apportée dès la sortie de la maternité. À cet effet, une marche à suivre (itinéraire clinique) précise devrait être établie pour assurer une continuité des soins entre la maternité et le domicile.
C’est le cas notamment du service Plume mis en place par le Grand Hôpital de Charleroi, qui propose la visite à domicile de sages-femmes avant et après l’accouchement. Celles-ci s’occupent entre autres de monitoring fœtal, elles prodiguent aussi les premiers soins et accompagnent les mamans et leurs bébés dans l’allaitement maternel. Des consultions réalisées en toute autonomie et, qui visent à augmenter le confort de vie des patientes.
Les sages-femmes en structure hospitalière davantage sollicitées
Cela dit, il convient de différencier les sages-femmes libérales des sages-femmes en structure hospitalière. Pour les premières, la réduction du séjour en maternité comprend beaucoup d’avantages, pour les secondes par contre, le travail risque d’être beaucoup plus important comme le souligne Vanesse Wittbrouw : « le turnover sera beaucoup plus important et les sages-femmes en hôpital devront assurer le suivi de leurs patientes auprès des sages-femmes libérales. En tant qu’association professionnelle, nous resterons attentives à ce que la charge de travail - notamment administrative et organisationnelle - des sages-femmes salariées n’augmente pas beaucoup plus que ce qu’elle n’est déjà, sans quoi il faudra revoir les normes hospitalières ».
Quoi qu’il en soit, avec cette mesure gouvernementale, la place de la sage-femme dans le système de santé belge risque d’évoluer de manière considérable. De fait, elle devra s’ajuster à une demande accrue de soins en première ligne en préservant la qualité et en réduisant les dépenses. Un triple défi donc pour ces professionnelles de la santé qui, on l’espère, gagneront en reconnaissance avec une future revalorisation de leur profession.
Delphine Hotua
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