Le trouble de l'attachement
Le trouble de l’attachement chez l’adulte qui consulte.
Description et thérapie.
A. Introduction
Le texte qui suit est une approche personnelle, basée sur mon expérience en tant que client et sur mes lectures (schema therapy de YOUNG, psychothérapie intégrative de ERSKINE, thérapie comportementale dialectique de LINEHAN).
Je pense qu’une problématique de trouble de l’attachement (TA) est au cœur de la souffrance relationnelle. On parle à ce propos de dépendance affective, du rôle de Sauveteur, de co-dépendance, de personnalité histrionique, de personnalité « as if », ou de trouble limite de la personnalité (TLP, forme sévère).
La souffrance relationnelle peut s’accompagner de sentiments dépressifs, d’un manque d’affirmation de soi, d’une image négative de soi. Ces personnes ont du mal à créer une relation d’intimité épanouissante, ce qui n’exclut pas qu’elles puissent avoir été mariées plusieurs années.
J’évoquerai ici le travail auprès d’adultes qui consultent, étant donné que de nombreuses personnes présentant un trouble de l’attachement ont recouvert – ou tentent de recouvrir - leur mal-être par le recours à toutes sortes de stratégies (pour se remplir) et ne recherchent pas activement de l’aide : dépendances (alcool, drogue, surtravail, boulimie, sexualité compulsive, sensations fortes, douleur physique, émotion amoureuse…) ou attitude de surcompensation (sentiment d’être supérieur, mépris, abus, Sauveteur, « manipulateur », cuirasse caractérielle, perfectionnisme, personnalité narcissique…).
Dépendance au sentiment amoureux.
« - Tu aimes un homme que tu n’admires pas, avec lequel tu ne veux pas passer le restant de tes jours, tu mates les autres… Allez ! Ce n’est pas ton mari que tu aimes, c’est l’idée de l’amour !
J’aime aimer. J’ai besoin d’aimer. J’ai besoin d’avoir sous la main quelqu’un à aimer. Vincent est un pis-aller. Il est l’objet de mon amour mais il n’est pas mon amour. » (Valérie McGarry, Ed. JC Lattès, Paris, 2005).
B. Le trouble de l’attachement durant l’enfance et l’adolescence
Plusieurs auteurs ont étudié la relation entre l’enfant et sa mère ; parmi ceux-ci on peut citer : John BOWLBY « Angoisse et séparation »), Donald WINNICOTT (handling, holding), Margaret MAHLER (séparation-individuation), Bernard MARTINO « (Le bébé est une personne »), Bertrand CRAMER, Françoise DOLTO, Jean BERGERET (« le manque fondamental »), David STERN (accordage), Anna FREUD (mécanismes de défense), HARLOW (chez les singes rhésus), VELDMAN (haptonomie), MASTERSON (trouble borderline), Margaret MAHLER (séparation-individuation), et René SPITZ (hospitalisme).
Le TA peut se présenter sous différentes formes, d’intensité variable. La forme extrême a été observée et décrite par Spitz à partir de bébés hospitalisés après la guerre, et se manifeste par une dépression « anaclitique ». Ces bébés, en manque de contacts physiques affectueux, dépérissent, deviennent inertes, apathiques, comme si ils avaient perdu leur élan vital.
Au sein de la famille, le lien avec la mère n’a pas pu se tisser, suite à différentes circonstances : abandon de l’enfant à la naissance, séparation (couveuse, hospitalisation en bas âge…), décès d’un parent, carence affective, rejet…
Ou bien il a pu se tisser, mais de façon fusionnelle et n’a pas pu se défaire. C’est la cas avec une mère en demande affective, souffrant elle-même d’une angoisse d’abandon, ou avec une mère qui surinvestit narcissiquement son fils en le portant aux nues (lien fusionnel), au détriment de la relation père-fils ou de la relation de couple.
Ou encore, il a pu se tisser, et subir des accrocs (naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur, départ en pension
Dans tous les cas, l’enfant subit un arrêt de son développement et développe un attachement anxieux (dépendance affective) et une angoisse d’abandon.
L’attachement concerne aussi la relation avec le père.
A l’adolescence, l’enjeu de l’autonomie se répète. Il peut arriver que ce soit le père, par la violence physique envers son fils ou l’abus sexuel envers sa fille, qui entrave l’accès à l’autonomie. On assiste à un changement radical du comportement : comportements anti-sociaux (vols…), fugues, violence physique, refus du contact physique, perversion…
Carence affective
« ‘Tu sais…, avoue Hanna un soir, personne ne m’a jamais tenue dans le bras. Pas même quand j’étais toute petite. Personne ne venait nous border. On nous apprenait à être fortes, à nous consacrer à Dieu et au bien. Toucher, c’était mal, ça vous affaiblissait, comme ils disaient. Hormis une fois, quand une nouvelle est arrivée, Helga. Elle pleurait tant… elle m’empêchait de dormir la nuit. Alors je suis allée mettre mes bras autour de ses épaules, et je l’ai tenue. Tenue, simplement. Et puis Frau Agathe nous a découvertes.
Raconte-moi tout.’ » (A. Brink)
« On se sentait bien, dans cette famille. Les gens avaient l’air de se parler, d’être satisfaits de leur journée. Chez moi, les visages fermés semblaient toujours vous reprocher quelque chose. Souvent, j’avais beau chercher, je ne voyais pas ce que j’avais pu faire de mal. » (Stéphanie JANICOT, Soledad, Ed. albin Michel, Paris, 2000).
C. Le trouble de l’attachement chez l’adulte
Relation de couple
Bien que la personne avec un TA aspire au niveau conscient à une relation d’amour équilibrée, elle se trouve attirée par des partenaires auprès desquel(le)s elle va revivre les tourments non guéris de leur enfance, ou elle a du mal à s’engager. Cela s’explique par l’emprise qu’exerce les schémas sur la personne. Dans une relation calme, respectueuse, elle s’ennuie et ne ressent aucun désir sexuel.
L’AT nous enseigne, qu’à défaut de stimulations positives, un individu peut rechercher des stimulations négatives (disputes, frapper ou être frappé).
Plusieurs cas de figures peuvent se présenter :
Dépendance affective : l’épouse passive, soumise face à un mari autoritaire ou coureur de jupons ; à certains moments, elle adopte un comportement passif-agressif (reproches, refus de relations sexuelles) ou agressif (elle explose).
Le Sauveteur, relation de co-dépendance : il s’agit généralement d’une femme, laquelle va entrer en relation avec un homme en détresse (ex. alcoolique), qu’elle va s’efforcer de changer, de guérir (grâce à son amour), de contrôler.
La jalousie
« Il y a toujours eu d’autres femmes. Il y a toujours eu, entre lui et moi, un cheveu blond sur une veste, un parfum capiteux, un regard par-dessus mon épaule. J’étais jalouse autrefois. Je pleurais des heures dans le noir, je me posais toutes sortes de questions. je n’ai jamais su si vraiment il avait des aventures, mais il se comportait de telle manière que tout portait à le croire. Alors, pour ne pas souffrir, j’ai voulu me détacher. Entrepris un travail de visualisation, je me le représentais en train de faire l’amour à une autre, encore et encore, en espérant qu’un jour cela ne me ferait plus rien. J’étais blessée, je me mutilais sciemment par la seule force de mon imagination, je laissais couler toutes les larmes de mon corps, la fontaine finirait bien par se tarir. Lorsque j’accéderai enfin à l’indifférence. Mais comme l’île qui s’éloigne lorsque l’on nage vers elle, comme le mirage qui disparaît lorsque l’on croit l’atteindre, l’indifférence est un objectif incertain. » (Valérie McGarry, Ed. JC Lattès, Paris, 2005).
Relations interpersonnelles
Le schéma du manque affectif se manifeste dans toutes les relations, même quand il s’agit de relations professionnelles ou de simples contacts sociaux (vendeuse).
Symptômes
Les symptômes mentionnés ci-après ne sont pas nécessairement tous présents chez la même personne. Certains des symptômes peuvent être dûs à d’autres traumatismes (violence physique, abus sexuel…).
Image négative de soi (sentiment de dévalorisation, d’incompétence, de ne pas être digne d’être aimé), idées suicidaires, méfiance, faible niveau de conscience des sensations, sentiments et besoins (intelligence émotionnelle, relationnelle) et faible capacité de mentalisation, d’élaboration, honte (John BRADSHAW , « je suis mauvais »), culpabilité (« je n’ai pas le droit », « j’ai fait quelque chose de mal »), sentiment chronique de vide, d’ennui, de solitude, de désespoir, de perte de sens, humeur dépressive, hypersensibilité à l’abandon, aux critiques, à l’échec, besoin marqué de reconnaissance, d’écoute, d’attention, de valorisation, jalousie, émotions excessives auxquelles il faut un temps assez long pour retomber ; faible tolérance à la frustration, temps d’idéalisation/enthousiasme/d’amour suivis de temps de dévalorisation/déception/de haine (clivage), rancœur, ressentiment,
sensation de poids, , angoisse d’abandon, jalousie, symptômes physiques (allergie, syndrome de fatigue chronique, stress…), maladies,
manque d’affirmation de soi (phobie sociale) ou réussite sociale, inhibition de l’action, accès de rage, violence, ruptures à répétition, difficulté à faire le deuil d’une relation.
D. La thérapie
Etant donné la difficulté de ces personnes à créer un lien d’intimité, à faire confiance, la thérapie devra prendre cet aspect en compte de façon essentielle. La mise en confiance peut se faire à partir d’une structure d’accueil où la personne peut côtoyer le(s) thérapeute((s) avant de faire un choix et de prendre un rendez-vous. Celui-ci devrait être gratuit, afin de rassurer le client qui aurait la croyance « on cherche à profiter de moi, à me tromper, à m’abuser » (méfiance).
Pour que le lien puisse se tisser, le thérapeute devrait présenter certaines qualités : souci de transparence (explications claires), authenticité, implication dans la thérapie, être ouvert à son ressenti, faire preuve de compassion, de patience, capacité à affronter et à accepter les comportements « négatifs » du client, aussi bien que son besoin de dépendance…
On pourrait distinguer 3 phases dans la thérapie :
une phase d’évaluation : relevé de données anamnestiques (ex. relations avec le père, la mère), hypothèse sur la nature et l’origine du problème transmise au client, évaluation de l’intensité du problème, création du lien ; une phase d’intervention sur le problème ; et une phase d’intervention sur la réalisation de soi (projets d’avenir) et de bilan.
Les interventions du thérapeute portent sur les aspects cognitifs, émotionnels, relationnels et comportementaux, avec une prépondérance, du moins dans un premier temps, sur l’aspect relationnel.
Aspects cognitifs : expliquer le fonctionnement des schémas et leur impact ; analyser les situations qui déclenchent des réactions émotionnelles négatives, en dégager les schémas et les croyances sous-jacents, remettre ces schémas en question, faire le lien entre le présent et le passé, proposer sa compréhension des relations (ex. « Il/Elle ne t’a pas encouragé à devenir autonome ? »)…
Aspects émotionnels : gestion des émotions (apprendre à détecter les signes avant-coureurs d’une émotion pour pouvoir la contrôler), affronter l’angoisse d’abandon, identifier les émotions et les valider (réponses-reflet émises avec compassion)…
Aspects relationnels : parler de ce qui se passe dans les relations, y compris entre lui et le client (attentes, déceptions), ouverture au contact physique (réparation), harmonisation (Erskine) qui consiste pour le thérapeute à se mettre au diapason du client (cf. accordage), consolidation du lien…
Aspects comportementaux : envisager de nouvelles façons de faire face aux situations (atelier d’affirmation de soi, méthode de résolutions des problèmes) et les mettre en pratique…
Techniques : inviter le client à s’exprimer à partir de son Enfant et à s’adresser à ses parents ou à une personne significative du présent, pour lui dire ce qu’il vit et quels sont ses besoins (jeu de rôle, lecture d’une lettre), l’inviter à s’exprimer à partir de son Parent et à s’adresser au thérapeute..
La thérapie de groupe peut être profitable, dans la mesure où le client apprend comment il est perçu et à bien assimiler, à travers les témoignages, le fonctionnement des schémas.
But : se libérer de la souffrance, de l’angoisse d’abandon, accéder à l’autonomie, à la maturité, être capable de faire des choix relationnels judicieux…
E. Références
www.petales.org
BRADSHAW John, La honte toxique
TORTOSA Alain, Le trouble de la personnalité borderline, 35 €
YOUNG J., La thérapie des schémas, Ed. De Boeck, 2005 (558 p.)
KLOSKO Janet & YOUNG Jeffrey, Ed. de l’Homme, 2003,
Constant KOUMPAROULIS, Licencié en Psychologie, Seraing (Liège, Belgique), le 9 juin 2007.
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