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Vivre des violences au travail de la part des bénéficiaires : comment agir et se protéger ?

16/01/24
Vivre des violences au travail de la part des bénéficiaires : comment agir et se protéger ?

Le professionnel travaillant dans le milieu social est parfois en contact avec des bénéficiaires aux comportements inappropriés ou agressifs. Dans ces cas de figure, comment se protéger ? Quels sont les droits du travailleur social qui fait face à de la violence de la part de bénéficiaires ? Comment gérer ces situations au niveau individuel, mais aussi en s’inscrivant dans une dynamique institutionnelle ?

Violence ? Quelle violence ?

L’article 32ter de la Nouvelle législation relative aux risques psychosociaux au travail à partir du 1er septembre 2014 décrit la violence au travail comme :

“La violence au travail se définit comme toute situation de fait où une personne est menacée ou agressée psychiquement ou physiquement lors de l’exécution du travail. La violence s’exprime par des comportements instantanés de menace de violence physique, d’agression physique (ex. : coups directs...) de menace verbale, ou d’agression verbale (insultes, paroles humiliantes, dénigrantes, accusation d’actes graves sans fondement, …). ”

Comment savoir si j’ai été traumatisé par un épisode de violence ?

Un événement est considéré comme traumatisant s’il réunit les conditions suivantes.

Immédiatement après l’événement, vos réactions sont considérées comme normales. Face à l’ampleur de la situation, il est normal d’avoir des réactions fortes. À ce stade, l’événement est potentiellement traumatisant, pouvant entraîner l’impression d’un traumatisme, bien que cela ne soit pas systématique.

Si les réponses au stress persistent de manière intense au-delà de quelques semaines (6 à 8 semaines, voire 3 mois), on qualifie cette condition de syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Source : “Après une agression ou un accident choquant au travail… Comment faire face ?” brochure Stress Team, Fedasil, p.13

Le traumatisme : sa nature et sa gestion dans le milieu professionnel

Chaque individu réagit de manière unique à un événement traumatique. Les personnes ayant vécu un événement traumatisant redoutent souvent leurs propres réactions,vis-à-vis de collègues ou de proches. Bien que ces réactions puissent sembler anormales ou inquiétantes, elles sont des réponses aiguës au stress pendant la première période suivant l’événement.

Immédiatement après l’événement, vous pourriez être en état de choc, dans un état de paralysie, de fuite ou autre réaction intense. Vous pourriez aussi avoir l’impression de ne pas vivre vos émotions, d’être “déconnecté”. Les sentiments d’incrédulité, d’insécurité, de vivre en état d’alerte, sont récurrents chez les personnes traumatisées.

Vous pourriez aussi expérimenter une labilité émotionnelle accrue ; vos humeurs changent brusquement et intensément.

Sur le plan professionnel, un choc traumatique peut se traduire par un surinvestissement dans les tâches ou au contraire, une distanciation. La concentration peut faire défaut et vous n’êtes plus aussi performant dans vos tâches qu’auparavant.

Reconnaître la gravité de ce qui vous est arrivé, voir l’événement et son impact reconnus par vos pairs, peut-être d’une grande aide.

Quelles sont les conséquences d’un épisode de violence ?

Vivre un épisode de violence dans sa vie professionnelle ou personnelle est loin d’être anodin et peut être traumatisant. Les conséquences d’un tel événement sont multiples. En voici quelques exemples :

  • perturbation du sommeil avec des rêves (cauchemars) liés à l’événement ;
  • augmentation de la fatigue ;
  • variété d’émotions telles que tristesse, colère ou peur, voire un émoussement émotionnel ;
  • sentiments de culpabilité ou de honte ;
  • hypervigilance ;
  • troubles alimentaires et digestifs ;
  • difficultés de concentration et confusion ;
  • hyperactivité ;
  • évitement des rappels de l’événement ;
  • changements d’humeur inexpliqués ;
  • réactions physiques telles que des troubles digestifs, des maux de tête, des tensions musculaires, des palpitations ;
  • présence de souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement avec un sentiment de détresse,…

Source : Après une agression ou un accident choquant au travail… Comment faire face ?” brochure Stress Team, Fedasil, p.7

Les individus confrontés à la violence au travail présentent, proportionnellement, une perception moins favorable de leur santé générale, de leur santé mentale et physique, que les personnes non exposées. L’accumulation de diverses formes de violence (harcèlement psychologique, harcèlement sexuel et violence physique) est liée à des prévalences de mauvaise santé plus élevées que celles associées à une seule forme de violence. Source : “Les effets sur la santé de l’exposition à la violence au travail”, Institut national de santé publique du Québec

L’importance de l’entourage et de l’accompagnement

Il ne faut jamais rester seul face à un événement traumatisant. Les collègues, une personne référente - comme un psychologue du travail ou un conseiller en prévention - peuvent vous aider à obtenir cette reconnaissance.

L’accompagnement par une personne de référence permet de "montrer qu’il y a quelqu’un, que la personne n’est pas seule. Rien que le fait de dire ‘On existe, on est là et on sait que tu as vécu quelque chose et que c’est sans doute difficile’, est déjà une reconnaissance. La personne est libre d’accepter ou pas d’en parler, d’exprimer ce qu’elle a vécu, comment elle se sent", explique Sophie Legast, psychologue-conseillère psychosociale et personne de confiance à Fedasil.

"Il est aussi important de normaliser les réactions de la personne. De nommer, d’exprimer que la personne qui vient nous voir a vécu quelque chose d’extraordinaire, qui n’est pas normal et que ses réactions sont tout aussi normales face à l’intensité de l’expérience. C’est un événement inattendu qui a provoqué des émotions puissantes", précise encore la psychologue.

Violence au travail : quels sont vos droits ?

Vous avez le droit, en tant que travailleur ayant vécu des violences sur le lieu du travail, d’être soutenu quant aux conséquences de cet épisode. Ce soutien prend plusieurs formes : humaine, professionnelle et économique.

"L’employeur a l’obligation de fournir un soutien à des personnes qui font face aux agressions, ce qu’on appelle des faits de tiers. L’employeur a l’obligation de fournir une assistance. Si la personne a besoin d’une aide psychologique professionnelle, il doit pouvoir prévoir les frais, soit les rembourser, soit aider la personne à les payer", précise Sophie Legast.

L’employeur doit par ailleurs supporter les coûts d’intervention de services spécialisés s’ils ne peuvent pas être pris en charge par la sécurité sociale. Ce sera le cas, par exemple, si l’épisode de violence est reconnu comme un accident du travail. Source : “Analyse des risques et mesures de prévention en cas de comportements abusifs de la part de tiers”, SPF Emploi, travail et concertation sociale.

La législation relative aux risques psychosociaux au travail (Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail) précise par ailleurs que l’employeur a pour responsabilité la mise en place d’une série de mesures dans le cas d’un épisode de violence au travail :

  1. L’accueil et le conseil aux personnes qui déclarent être l’objet de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail ;
  2. La présence d’un conseiller en prévention (dans les structures de 20 travailleurs ou plus) et de personne de confiance désignés pour les faits de violence et de harcèlement moral ou sexuel au travail ;
  3. La mise en place de conditions d’intervention rapide et impartiale de la personne de confiance et du conseiller en prévention ;
  4. L’accompagnement de personnes ayant déclaré avoir été l’objet de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail lors de leur remise au travail.
Un suivi au cas par cas

"Un cas ne sera pas l’autre", développe Sophie Legast. "Ce qui est important, c’est qu’on amène les chefs de service à prendre en compte les besoins de chaque travailleur. Il n’y a pas de modèle unique. Certains auront besoin de s’éloigner du travail. Dans ce cas, la personne ne va pas attendre que l’incident soit reconnu en tant qu’accident du travail, elle va directement se mettre en arrêt en allant voir son médecin. Mais évidemment, dans le même temps on encourage à faire une déclaration d’accident de travail. La personne peut se mettre en arrêt de travail dès qu’elle ressent le besoin, qu’elle se dit « Non, ce n’est plus possible que je me confronte au travail."

"La personne confrontée à de la violence de la part d’un bénéficiaire peut aussi demander à sa hiérarchie de ne plus être confrontée à cette personne. Il n’est pas toujours possible pour la hiérarchie de répondre d’office ’Oui, c’est possible’. Parfois, c’est la personne qui se met en arrêt de travail et parfois, il est possible en effet de sanctionner la personne problématique. Ici, à Fedasil, nous pourrons par exemple sanctionner le résident d’un centre d’accueil et le changer de centre, souvent dans le cas d’une agression physique. Ces actions font partie de la liste des sanctions possibles, c’est un transfert disciplinaire. Dans certains cas, oui, le membre du personnel, le travailleur, dira que ce ne sera pas possible de revenir tant que ce résident est là."

Quelles ressources pour faire face à la violence au travail ?

Toutes les structures sociales ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face aux conséquences d’un épisode de violence de la part d’un bénéficiaire, en termes d’équipes et de soutien psycho-social.

Si vous vous sentez seul face à cette problématique, ou si vous souhaitez vous armer, ou armer vos collaborateurs, devant ce type de situations, certaines ressources peuvent s’avérer utiles.

Le service de soutien psychosocial de la Croix-Rouge propose des services de soutien pour faire face aux conséquences psychologiques d’un traumatisme. Les ateliers “partage d’expertise” de PsyBru permettent de former les professionnels de première ligne social-santé afin de gérer les symptômes et les risques psycho-sociaux à la suite d’une situation d’urgence ou d’événements traumatogènes.

À Fedasil, l’IDEWE met à disposition des conseillers en prévention pour des séances de coaching individuelles ou de groupe. Cependant, chaque entreprise se doit de disposer de son propre service de prévention, interne ou externe. N’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre service de direction des ressources humaines, ou auprès du chef de l’entreprise, pour connaître la personne ou le service de référence en la matière.

Enfin, n’oubliez jamais la plus précieuse et disponible des ressources : les personnes dignes de confiance de votre entourage, qu’il s’agisse de vos proches ou de vos pairs.

Mathilde Majois



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