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Embaucher un assistant en psycho comme éducateur ? C'est fini !

15/05/19
Embaucher un assistant en psycho comme éducateur ? C'est fini !

Via son code entré en vigueur en janvier, le ministre Rachid Madrane a réformé en profondeur le secteur de l’Aide à la jeunesse. Et, une nouvelle mesure fait grincer les dents des travailleurs du secteur. Un arrêté empêche désormais les structures d’hébergement agrées d’intégrer un assistant en psycho ou un logopède dans les équipes éducatives. Elles sont désormais réservées uniquement aux éducateurs spécialisés.

Le premier janvier dernier entrait officiellement en vigueur le fameux code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Une vaste réforme portée par Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cinq mois plus tard, la mise en application de cette nouvelle législation, via notamment l’adoption d’une série d’arrêtés-cadres, révèle petit à petit des mesures qui font jaser les travailleurs.

Il y a, par exemple, le fait que « la direction du service fait procéder pour chaque membre du personnel à un examen médical annuel destiné à s’assurer que son état de santé ne comporte pas de risque ou de danger pour la santé des enfants ou des jeunes. » Une mesure qui suscite l’incompréhension chez les travailleurs… Et puis, il y a également cet autre point repris dans l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux conditions générales d’agrément et d’octroi des subventions. Concrètement, les structures agrées par l’Aide à la jeunesse ne peuvent plus engager des assistants en psychologie, des logopèdes ou bien encore des instituteurs primaires dans leur équipe éducative ! Un seul et unique profil y a désormais accès : les personnes détentrices d’un bachelier d’éducateur spécialisé.

La fin de la créativité dans les équipes

« Ce nouveau cadre régissant les conditions d’embauche dans les centres d’hébergement nous semble incohérent », dénoncent, d’une seule voix, plusieurs acteurs du secteur de l’Aide à la jeunesse. « Cette mesure se centre à fond sur les diplômés éducateurs. Cela est en total décalage avec le monde professionnel actuel qui est davantage basé sur les compétences réelles, sur une vraie expérience sur le terrain plutôt que sur un bout de papier. Le poste d’éducateur a été surinvesti. Oui, ce sont des études spécifiques pour un métier spécifique. Mais, ce dernier peut être appris sur le tas, grâce à l’expérience. Recruter des diplômes différents peut aussi apporter de la complémentarité. Nous, on n’aurait bien voulu quelque chose de moins radical. La mise en place d’un quota, par exemple ? »

Une chose est certaine : les professionnels du secteur plaident pour davantage de créativité dans la composition des équipes. « Pourquoi pas des logopèdes, des ergothérapeutes, des assistants en psychologie ? Multiplier les profils dans les équipes éducatives nous semble très enrichissant. Pourquoi ce diplôme d’éducateur est-il survendu ? Le secteur ne comprend pas... Et puis, quid des personnes qui, par exemple, travaillent depuis plus de vingt ans dans un service de l’Aide à la jeunesse ? Aujourd’hui, si elles n’ont pas de diplôme d’éducateur, elles n’ont plus la possibilité de partir dans un autre service, de modifier leur carrière car les engager est désormais impossible. Bref, cette mesure est une aberration ! Sans souplesse, sans nuance... »

Contourner la nouvelle règle ? C’est possible...

Le cabinet Madrane, de son côté, assume totalement cette mesure, arguant qu’elle était indispensable à mettre en place dans les structures d’hébergement de l’Aide à la jeunesse. « À l’époque, des instituteurs primaires pouvaient être engagés en tant qu’éducateurs. Ou des logopèdes ou des assistants en psycho. Notre volonté a été de recentrer le recrutement sur le diplôme de bachelier en éducateur spécialisé », justifie Alberto Mulas, chef de cabinet adjoint. Et de rajouter : « Certains regrettent la perte d’une diversité de profils. Mais tout n’est pas interdit pour autant. On subventionne un cadre. Par exemple sur 10 personnes, 6 éducateurs. Rien n’empêche, si cela est correctement justifié, lors de l’introduction du dossier pour la subvention, de choisir d’engager 5 éducateurs au lieu de 6. Un poste sera donc vacant. Avec cette masse salariale dégagée, le secteur a la possibilité, sous certaines conditions, d’engager un autre profil comme un assistant social, un assistant en psychologie ou encore un logopède. Il existe donc toujours une possibilité d’avoir un peu de souplesse, de créativité dans le recrutement. »

Face aux critiques émises par des acteurs de terrain, le ministre Rachid Madrane, pour sa part, persiste et signe. Pour lui, cette mesure était essentielle pour protéger correctement la fonction et le diplôme des éducateurs. « Je veux offrir du travail spécialisé et qualifié à l’Aide à la jeunesse. Cela ne pouvait pas se faire sans une réelle revalorisation du métier d’éducateur », insiste-t-il. « Les pratiques d’avant, c’est fini ! Vous savez, les éducateurs étaient payés un barème inférieur aux assistants sociaux et assistants psychologiques. Or, ils ont un bachelier de même niveau. Il était donc urgent de stopper cette différence et de les mettre sur le même pied d’égalité. Conséquence : c’est 1.500 éducateurs qui vont être revalorisés. Financièrement mais aussi professionnellement. »

Reste que le cabinet Madrane n’est pas contre l’idée de soutenir la création d’une passerelle entre différents métiers. Une formation complémentaire d’un an pourrait en effet permettre une réorientation professionnelle et donc permettre à un logopède, par exemple, d’intégrer une équipe éducative de l’Aide à la jeunesse !

E.V.



Commentaires - 8 messages
  • Bonjour,
    Je suis un travailleur du secteur (assistant en psycho)
    Je ne sais pas qui est E.V mais ces infos ne sont pas justes du tout.

    Ce qui change, c'est surtout au niveau des structures d'hébergement (qui doivent engager une grande part de leur personnel avec des diplômes d'éducateurs). Pour ces structures, il sera effectivement interdit d'engager des AP (ou autre) pour ces postes d'éducateurs.

    Par contre, les (nombreux) autres services de l'aide Í  la jeunesse qui ne font pas d'hébergement ne sont pas du tout concernés. Leurs arrêtés ne leurs imposent pas d'engager des éducateurs.

    Exemple avec celui des services d'actions restauratrices et éducatives (anciens SPEP - services de prestation) : nous pouvons engager un certain nombre de travailleurs qui sont soit éducateurs, soit AS, soit AP,... Au choix. On peut donc avoir 0 éducateurs, ou bien 6 ou 3 peu importe.

    L'article devrait préciser que ces contraintes ne s'appliquent qu'Í  une partie des services et pas du tout Í  tous.

    jérémy royaux mercredi 15 mai 2019 16:04
  • Bonjour !

    Merci pour votre commentaire!

    Dans le début de l'article, je fais référence Í  l'Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux conditions générales d'agrément et d'octroi des subventions. Cet arrêté ne concerne que services visés Í  l'article 139 du décret du 18 janvier 2018 portant le Code de la prévention, de l'aide Í  la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Soit les structures d'hébergement.

    De plus, un peu plus loin dans le texte, il est indiqué: ''Ce nouveau cadre régissant les conditions d'embauche dans les centres d'hébergement nous semble incohérent''.

    Mais, je vais évidemment prendre en compte votre commentaire et indiquer la précision dès le chapeau du texte pour n'éviter aucune confusion.

    Belle fin de journée Í  vous.

    Cordialement,

    E.V., alias
    Emilie Vleminckx, rédactrice en chef du Guide Social

    Rédactrice en chef du Guide Social mercredi 15 mai 2019 16:50
  • Bonjour, désolée de vous contredire Í  propos de l'article 139 mais celui-ci s'applique bien Í  "toute personne morale qui organise un service visant Í  réaliser des actions de prévention en faveur des enfants ou des jeunes ou Í  aider ou protéger des enfants ou des jeunes, de manière habituelle, en vertu du présent code". Cette disposition vise donc bien tous les types de services qui doivent être agréés, qu'ils soient résidentiels ou non.
    Ce sont dans les arrêtés propres Í  chaque type de service que se trouvent les précisions quant aux qualifications des travailleurs. La remarque de Monsieur Royaux est donc tout-Í -fait pertinente.
    Bien Í  vous.
    Fr. Duby, directrice d'une ASBL de l'aide Í  la jeunesse.

    Françoise Duby jeudi 16 mai 2019 11:26
  • Bonjour,

    Merci pour votre message. Ne vous excusez pas de me contredire. Cet échange est constructif.

    Dans le fameux arrêté dont je fais référence, il y a l'annexe 2 qui fixe les conditions de qualification pour la subvention pour frais de personnel. Ce texte détaille notamment les profils qui peuvent se retrouver dans le personnel éducateur. On y retrouve seulement trois profils: le coordinateur, l'éducateur classe 1 et finalement l'éducateur classe 2.

    Belle journée Í  vous !

    Rédactrice en chef du Guide Social jeudi 16 mai 2019 14:22
  • Bonjour,

    Je me permets de donner mon avis. En effet, je suis éducateur spécialisé et vu le nombre de mes collègues qui se retrouvent au chômage. Je ne peux que me réjouir de cet arrêté.
    Lorsque vous dites, "Oui, ce sont des études spécifiques pour un métier spécifique. Mais, ce dernier peut être appris sur le tas, grâce Í  l'expérience.", je suis navré mais je n'apprécie pas ce commentaire. Vous avez le même discours que N. Sarkozy en disant " tout le monde peut être éducateur...". Oui tout le monde mais après une formation de trois ans, on a un vrai bagage.
    Vous dénigrez notre profession en la rabaissant Í  de l'expérience. L'expérience est important dans notre secteur mais il ne fait pas tout. J'ai suivi la formation après avoir travaillé 6 an dans le mileu socio-éducatif bruxellois, et la formation m'a permis d'avoir un autre regard sur l'approche avec le bénéficiaire.
    Cordialement

    Rezki Mustapha jeudi 16 mai 2019 15:18
  • Bonjour, voilÍ  un immense pas en avant vers une protection du diplôme d educateur spécialisé en accompagnement psycho éducatif. Ce qui se passe dans le secteur de la l aide Í  la jeunesse continue malheureusement encore dans les autres. Certes au fil d une carrière une expérience se forge mais toutefois l apport theorique spécifique est totalement logique au départ. Je trouve bien dommage que certains !? de ce secteur dévalorisent notre métier sous l argument tellement facile de la richesse de la diversité de compétence.

    Ludo7 vendredi 17 mai 2019 00:04
  • Bonjour,

    Je comprends la protection du métier d'éducateur même si c'est dommage pour ceux qui ont déjÍ  de l'expérience en tant qu'éduc. Je me demandais quelle passerelle existe pour passer d'assistant en psychologie Í  éducateur ?

    Un grand merci d'avance pour les informations

    M mardi 21 mai 2019 14:53
  • Bonjour,
    Je ne conteste pas l'intérêt de la pluridisciplinarité d'une équipe. C'est toujours une richesse.
    Par contre je suis extrêmement choquée de l'argument qui est employé par l'auteur de l'article pour réclamer cette pluridisciplinarité :
    "Cela est en total décalage avec le monde professionnel actuel qui est davantage basé sur les compétences réelles, sur une vraie expérience sur le terrain plutôt que sur un bout de papier. Le poste d'éducateur a été surinvesti. Oui, ce sont des études spécifiques pour un métier spécifique. Mais, ce dernier peut être appris sur le tas, grâce Í  l'expérience."
    Le métier d'éducateur spécialisé ne peut pas s'apprendre "sur le tas". Non. Je suis désolée. Trois années d'études sont nécessaires et il s'agit bien d'une fonction spécifique. Les formateurs d'éducateurs spécialisés développent bien "de réelles compétences professionnelles" chez leurs étudiants. Je le vis au quotidien dans mon travail de coordinatrice de section éducateurs spécialisés depuis 2007.
    On peut soutenir la pluridisciplinarité sans écraser les autres professions...
    Bien Í  vous,
    Sophie Logjes

    Sophie Logjes mercredi 22 mai 2019 13:03

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