L'importance de la psychomotricité dans le développement de tous les enfants
Les deux heures de « psychomotricité » obligatoires dispensées à l’école n’en sont pas vraiment. Pourtant, la plupart des parents estiment que cela suffit, peut-être par manque d’informations. En conséquence, les séances de psychomotricité relationnelle extra-scolaire sont peu à peu désertées par les enfants n’ayant pas de difficultés particulières.
Je suis psychomotricienne relationnelle depuis une vingtaine d’années. Institutrice maternelle de formation, j’ai en effet éprouvé, après quelques années d’enseignement, le besoin de m’approprier un nouvel outil. Les livres et les articles de Bernard Aucouturier, l’un des pères de la psychomotricité relationnelle, m’ont beaucoup intéressée. Ce dernier, en effet, met en avant l’importance d’aborder l’enfant dans sa globalité. Avant 6/7 ans, en effet, l’être humain s’exprime avec tout son corps, à travers ses postures, ses mouvements, ses mimiques, ses regards, les sons qu’il émet. C’est l’expressivité psychomotrice.
De même, il perçoit par tous ses sens le monde extérieur, qui est donc déformé par son affectivité, ses émotions. Permettre à l’enfant de s’exprimer dans toute sa globalité favorise donc, d’après Bernard Aucouturier, son évolution harmonieuse. Petit à petit, s’il vit des expériences sensori-motrices riches et suffisantes, celles-ci l’amènent tout naturellement à une distanciation et ouvrent à une capacité d’analyse. La psychomotricité doit être une expérience positive, source de plaisir, vécue sans pression. Elle permet d’explorer, d’expérimenter, de communiquer, de décharger les tensions, dans un espace-temps sécurisé.
Libres de jouer, d’expérimenter, de s’exprimer
Suite à mes lectures, j’ai donc décidé de suivre une formation complémentaire en psychomotricité relationnelle. A l’époque, il s’agissait d’un « post-graduat » auquel on avait accès si on était détenteur d’un diplôme éducatif ou paramédical.
J’ai ensuite mis en place, dans mon école, des séances de psychomotricité relationnelle de type « Aucouturier ». Je voulais offrir aux enfants un temps et un espace au sein desquels ils étaient libres de jouer, d’expérimenter, de s’exprimer à travers leur être tout entier, à leur rythme. Tout ceci bien avant l’apparition du décret instaurant deux heures de psychomotricité par semaine à l’école maternelle !
J’ai cependant été rapidement confrontée à la triste réalité scolaire : trop d’enfants par classe, des locaux et un matériel inadapté, l’incompréhension de certains collègues face à cette pratique, le bruit, le problème de la sécurité des enfants … Aujourd’hui, il faut bien le constater, la psychomotricité relationnelle n’a que rarement sa place en maternel. A part dans quelques écoles qui ont développé des stratégies pour que cela soit possible (plus de personnel, des séances en demi-groupes, l’achat de matériel spécifique), les deux heures de « psychomotricité » sont plutôt des séances de motricité !
Les bienfaits du travail en groupe
J’ai alors proposé, avec une collègue psychomotricienne, des séances de psychomotricité relationnelle, en-dehors de l’école, le mercredi ou le samedi. Evidemment, ces dernières étaient payantes, puisque nous avons dû investir dans l’achat de matériel et prendre un statut d’indépendante complémentaire. Si ces séances me semblaient enfin bénéfiques pour les enfants qui y participaient, j’ai toujours regretté qu’elles ne soient pas accessibles à tous.
Plus tard, après une formation portant sur le processus thérapeutique en psychomotricité, j’ai également proposé des séances individuelles pour des enfants vivant des difficultés motrices, relationnelles ou comportementales.
Pourtant, persuadée de l’importance de la psychomotricité relationnelle en groupe, j’ai toujours continué à proposer des séances collectives d’éducation et prévention. L’objectif est avant tout le plaisir sensori-moteur, l’expressivité motrice, le jeu symbolique, la décharge pulsionnelle, qui aident au développement harmonieux du jeune enfant. Mais être en groupe, c’est aussi être confronté au monde réel : un espace et du matériel à partager, des règles à respecter, d’autres enfants avec qui entrer en relation, jouer, communiquer.
Evolution du public
Depuis quelques années néanmoins, le public qui fréquente mes séances de groupe a beaucoup changé. Autrefois, alors que dans les écoles on ne proposait généralement pas encore de psychomotricité, certains parents, conscients des bénéfices de cette pratique, offraient à leurs enfants ces précieux moments d’expressivité sensori-motrice. Aujourd’hui, beaucoup pensent que les deux heures hebdomadaires inscrites dans le programme de l’enseignement maternel suffisent et optent pour d’autres activités extra-scolaires. Pourtant, à l’école, on ne propose pas réellement de la psychomotricité. Surtout relationnelle ! Les enfants bougent, certes, mais en parcourant des circuits. Ils jouent bien sûr : à « balle chasseur » ou à « cache-cache ». Ils font des rondes, des danses, apprivoisent le vocabulaire spatial, la latéralité. Ils lancent des ballons. Eventuellement, des activités en relation avec la « matière » sont proposées.
Les enseignants en charge de la psychomotricité ont une formation d’instituteur maternel ou de professeur d’éducation sportive. Dans leur cursus, une maigre place est consacrée à la psychomotricité. Pour avoir vu de nombreux stagiaires, futurs enseignants en maternel, à l’œuvre dans mon école pendant leur stage, je peux affirmer qu’ils n’ont qu’une vague idée de ce qu’est la psychomotricité relationnelle.
Des séances individuelles très onéreuses
A l’école, les enfants sont souvent entre 20 et 25, avec un seul adulte, dans un espace qui n’est pas toujours adapté. Les séances sont donc très cadrées. Peu de place est laissée au jeu spontané, à la créativité. Je pense vraiment qu’il est nécessaire de rebaptiser le cours de « psychomotricité » d’une autre manière, afin qu’il n’y ait pas confusion. J’ai souvent entendu qu’on appelait « psychomotricien » la personne chargée de ces deux heures de « motricité » hebdomadaires, alors que bien évidemment elle n’en a aucunement la formation. L’appellation officielle de « maître de psychomotricité » devrait également changer, à mon sens.
Aujourd’hui, les enfants qui n’ont pas de difficultés particulières, ont donc plus ou moins déserté mes séances de groupe. Par contre, de nombreux enseignants, des psychologues, des médecins conseillent aux parents démunis devant les problèmes de leurs bambins la psychomotricité relationnelle. Les séances individuelles étant très onéreuses et remboursées par trop peu de mutuelles, ils inscrivent leurs enfants à des séances collectives d’éducation-prévention. Pourtant l’objectif de ces séances n’est nullement thérapeutique. Les parents attendent des résultats, comme s’il s’agissait d’un « médicament ». J’ai beau les mettre en garde et leur affirmer que nous visons avant tout le plaisir sensori-moteur, le bien-être, l’expressivité motrice, la communication, ils n’en démordent pas.
Mieux informer les parents
Les groupes que je propose deviennent donc de plus en plus difficiles à gérer, puisque les enfants que j’accueille vivent des difficultés, parfois importantes. Je suis réellement désireuse d’offrir aux bénéficiaires des séances de qualité, un moment de plaisir partagé, en toute sécurité. Pour certains enfants, ces séances sont des moments privilégiés pour exprimer d’une autre manière leurs difficultés, leurs angoisses, leurs douleurs. Je tiens à leur en offrir la possibilité. Mais cela peut engendrer des comportements inadaptés dans le cadre de séances d’éducation-prévention. De la violence par exemple.
En résumé, les séances de psychomotricité à l’école n’en sont pas vraiment mais la plupart des parents estiment que cela suffit. Leurs bambins n’ont donc pas l’occasion de vivre ces moments merveilleux de développement « psycho » et « moteur » offerts par une pratique de type « Aucouturier ». Des enfants en difficulté fréquentent les séances collectives proposées comme activités extra-scolaires. Seuls les parents qui ont les moyens peuvent permettre à leur progéniture d’avoir accès à des groupes thérapeutiques ou des séances individuelles.
Il est donc temps, me semble-t-il, de mieux informer les parents sur ce qui se pratique réellement pendant les deux heures de motricité hebdomadaires à l’école. Il faut aussi, sans tarder, se pencher sur la place et l’importance de la psychomotricité en maternel et l’utiliser comme un réel outil de développement harmonieux des jeunes élèves. De plus, les professionnels du secteur doivent répondre à la question : que proposer aux enfants en difficulté ? Si les séances individuelles sont trop onéreuses, une des seules alternatives actuelles accessibles aux parents sont les séances collectives. Il est aussi essentiel que les politiques reconsidèrent la place de la psychomotricité dans le secteur paramédical. Madame Maggie De Block ne nous a guère aidés ! Enfin, les mutuelles ont également leur part de responsabilité. Si les mutuelles chrétiennes ainsi que Partenamut ont fait un pas dans la bonne direction, il reste encore du travail avant que les séances thérapeutiques soient accessibles à tous !
Christine Degueldre
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