Projet de modification loi Muylle : panique à bord ?

Depuis plusieurs semaines, les professionnels de la santé mentale s’inquiètent du revirement de position de la Ministre De Block face à la loi Muylle. L’Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones (UPPCF) fait le point et appel à l’apaisement.
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Il faut dire que cela faisait 20 ans que le secteur attendait cette loi : celle qui reconnaîtrait et cadrerait les professionnels de la santé mentale, psychologues, psychothérapeutes & Co.
Rétroacte : le 4 avril 2014, la loi Muylle, qui réglemente l’exercice des professions de santé mentale, est enfin promulguée. Cette loi-cadre est censée entrer en vigueur en septembre 2016, mais avant cela, elle doit être complétée par des arrêtés d’exécution. C’est donc à ce stade-là que Maggie De Block, s’est penchée sur le sujet.
Que dit la loi Muylle ?
Le point principal de cette loi cadre porte sur une distinction effectuée entre les professionnels de la psychologie clinique et ceux de la psychothérapie. Dans la loi Muylle, version actuelle, la psychologie clinique est reconnue comme une profession de soins de santé, avec un agrément (AR 78), alors que la psychothérapie est plutôt désignée comme un exercice d’actes visant un traitement spécialisé des troubles psychiques. Elle n’est donc pas assimilée aux professions relevant des soins de santé.
La différence : la reconnaissance de professionnels de la santé
Cette distinction quant au rattachement à l’AR 78 sur les professions de la santé, entraîne plusieurs conséquences. Dans la loi Muylle, telle que prévue actuellement, les psychologues cliniciens sont de ce fait autonomes et ne doivent par exemple pas être liés à la prescription d’un médecin. Le psychothérapeute est également autonome, mais il doit informer le médecin généraliste du patient de son évolution, il doit tenir un dossier et renvoyer son patient vers un autre prestataire de soins compétent, lorsque le problème de santé excède son domaine de compétences.Tant psychologues que psychothérapeutes respectent un code de déontologie.
Des critères d’accès différents
Ces deux professions relèvent d’organes représentatifs distincts et l’accès à la profession ne requiert pas les mêmes critères. Les psychologues doivent en effet avoir un master en psychologie clinique (300 crédits) ou bénéficier d’un diplôme universitaire en psychologie et justifier d’une expérience professionnelle de minimum trois ans dans le domaine de la psychologie clinique. Pour les psychothérapeutes, c’est plus variable ! Pour accéder à la profession, il faut un Bac en soins de santé, en psychologie, en pédagogie ou en sciences sociales (180 crédits), avoir suivi une formation aux notions de base de la psychologie dans une université ou une haute école ou une formation spécifique de 4 ans en psychothérapie, dans une institution de formation habilitée, y compris une pratique supervisée d’au moins 1600 heures. En résumé : pour devenir psychologue clinicien, la loi Muylle mouture actuelle, exige un master universitaire, tandis que pour les psychothérapeutes, le choix est plus vaste entre l’université, les hautes écoles et les institutions privées de formation.
Pourquoi changer ?
Selon l’UPPCF , la loi Muylle présente certains problèmes. Le premier étant que l’habilitation pour exercer la psychothérapie n’existe pas juridiquement. Ne relevant pas de l’AR 78, la profession ne peut prétendre au remboursement par l’INAMI. Rappelons qu’actuellement, seuls les psychiatres peuvent exercer légalement la psyhothérapie puisqu’ils font seuls partie des professionnels de la santé. Mais ce sera également le cas dès septembre 2016 pour les psychologues cliniciens et ils espèrent aussi que leurs patients pourront dès lors bénéficier des remboursements de l’INAMI. La loi Muylle ne prévoit pour l’instant pas de rattachement de la psychothérapie à l’AR 78.
Les psychothérapeutes et l’AR78
Suite à la 6e réforme de l’état, la Ministre De Block estime que certains éléments de la loi Muylle sont à revoir et c’est précisément le volet psychothérapie qu’elle souhaite retravailler. “L’exercice d’actes psychothérapeutiques serait intégéré dans l’AR 78, mais suivant l’avis 7855 du Conseil Supérieur de la Santé (ce qui n’était pas le cas avec la loi Muylle actuelle). Ceci implique que la psychothérapie serait considérée comme une spécialisation pour des professions de base universitaire dans les soins de santé”, explique l’UPPCF. Les craintes proviennent dès lors certainement des écoles privées et institutions qui enseignent la psychothérapie. La modification de la loi pourrait bousculer ce secteur.
Pour les psys cliniciens : rien ne change
Pour les psychologues cliniciens, en revanche, aucun gros changement n’est prévu (demain interview de Koen Lowet, Président de la Fédération Belge des Psychologues). L’UPPCF reconnaît que “les annonces du Cabinet De Block concernant les non-psychologues en matière de psychothérapie peuvent être de nature à susciter l’inquiétude chez certains professionnels. Tout un chacun a le droit de défendre le statut légal des non-psychologues exerçant la psychothérapie. Mais, il faut l’assumer comme tel et cette défense ne justifie pas de faire un amalgame en mettant tous les professionnels de la santé mentale dans le même panier.”
Sandra Evrard
Plus d’infos :
Fédération Belge des psychologues
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