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Quand les services de prévention arrivent trop tard…

11/12/17
Quand les services de prévention arrivent trop tard...

La quasi-totalité des services de prévention ont une équipe d’éducateurs de rue. Ces derniers ont une mission de prévention, mais – paradoxe – ils ne sont généralement sollicités qu’après un incident.

Lorsque des riverains se plaignent de nuisances liées à la présence de groupes (souvent des « jeunes »), il n’est pas rare que les autorités envoient des travailleurs de rue plutôt que la police. Si l’intention peut sembler louable, cela amène une confusion des rôles et cela envoie de mauvais messages. De plus, les bénéfices sont souvent de courte durée et accompagnés d’effets pervers. Sans oublier qu’en dehors des incidents,le soutien n’est pas toujours à la hauteur des besoins.

Peurs et préjugés

Lorsque des habitants appellent à l’aide ou se plaignent, il est, en général, un peu tard. La peur est déjà là et le dialogue est rompu ou inexistant. Pour éviter des conflits ou même des incompréhensions, il faut faire un travail en amont. La prévention ne consiste pas à remplacer la police par une équipe de professionnels sympas et compréhensifs (d’une part c’est réducteur, d’autre part c’est inefficace). La prévention, c’est intervenir avant l’apparition des incidents. Comme nous ne sommes pas devins, nous devons faire en sorte que les habitants se sentent en mesure de communiquer entre eux sereinement. Dans la mesure du possible, remplaçons le sentiment d’insécurité par un sentiment de confiance et de responsabilités communes.

Tous des citoyens

Il y a parfois, de manière inconsciente, une distinction entre les citoyens en fonction de leur statut. D’une part, « les habitants »qui ont généralement plus de 35 ans, une famille et un emploi. D’autre part, « ceux qui posent problème », à savoir des citoyens qui portent souvent une étiquette lourde de sens et de préjugés. Avant même une quelconque rencontre, il y a déjà un bourreau et une victime. L’éducateur n’a plus qu’à venir compléter ce triangle dramatique en se posant en sauveur. Dans les faits, nous ne sommes pas souvent dans une dynamique binaire avec un gentil et un méchant. Nous sommes plutôt dans un conflit entre citoyens qui se connaissent mal.

« Faire prévention »

Dès lors qu’il y a incident, il y a échec de la prévention (ce qui n’implique pas forcément la responsabilité des travailleurs). Cela signifie que c’est avant l’incident qu’il faut agir. Que ce soit en permettant les rencontres et le dialogue entre citoyens ou en proposant des pistes de solutions face aux problématiques rencontrées par les personnes. Seulement, pour faire cela, il faut des moyens et du soutien. Pour obtenir ceux-ci,les autorités doivent nous écouter et donner de la valeur (et des moyens) à des dispositifs discrets, mais durables et utiles.

De mauvais messages

Lors de telles interventions, les personnes « posant problème » tentent souvent de se défendre ou de se justifier. Cela prend parfois la forme d’une négociation. J’ai souvent entendu des phrases comme : « Si nous avions un lieu de réunion, nous ne traînerions pas dehors et il n’y aurait pas de problèmes ». S’il peut être tentant de satisfaire à cette demande, y répondre en l’état sous-tendrait ceci : les demandes légitimes (comme avoir un lieu de réunion) ne sont entendues que s’il y a nuisance.Entrer dans une telle logique ne peut qu’engendrer de la frustration chez les uns et un sentiment de toute puissance chez les autres.

Les effets pervers

Les risques sont nombreux à ne réagir qu’après incident. Tout d’abord, l’éducateur peut se sentir instrumentalisé, identifié comme un agent de contrôle social voire réduit à un rôle qui légitimise la répression. Ensuite, les habitants auront toujours le sentiment que les éducateurs de rue ne font rien en amont et « ceux qui posent problème » devront porter une étiquette renforcée. Lorsqu’un autre incident arrivera, tout le monde fera face à un sentiment d’inutilité, à une frustration voire une colère grandissante.

Perceval Carteron, éducateur

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