Quid de l'accompagnement individuel en Maison de Jeunes ?
Les maisons de jeunes sensibilisent leur public à une certaine vision de la citoyenneté. Elles ont une mission d’émancipation par l’action collective ; pourtant de nombreux jeunes viennent aussi avec leurs questions et leurs problèmes individuels. Les travailleurs n’ont pas toujours les moyens ou la disponibilité ou la légitimité institutionnelle pour leur répondre.
Selon le décret centres de jeunes, les Maisons de Jeunes (MJ) ont , entre autres, pour vocation « […] de favoriser le développement d’une citoyenneté critique, active et responsable […] ». Ce développement se fait par des actions collectives et l’émancipation individuelle se fait toujours au regard du collectif. Néanmoins, les travailleurs construisent des relations de confiance et d’expression libre avec les jeunes au fur et à mesure des actions. Des espaces sont aménagés pour accueillir les jeunes et leur permettre de développer leurs projets, de s’exprimer sur le fonctionnement de la Maison de Jeunes ou simplement se retrouver avec d’autres jeunes. Mais il n’est pas rare qu’un jeune y dépose une problématique ou un questionnement personnel. Les travailleurs se retrouvent donc dans une situation qui n’est pas supposée être de leur ressort, mais face à laquelle ils ne restent jamais indifférents. Malheureusement, leur désir d’accompagner ou simplement de répondre se heurte souvent à leurs cadres et/ou à leurs moyens.
Les travailleurs ne peuvent pas tout faire
Lorsqu’une demande d’accompagnement individuel arrive aux travailleurs, ceux-ci sont supposés faire un relais vers une association compétente. Sauf qu’il faut que l’association existe, que le jeune veule bien s’y rendre, que l’association offre des garanties suffisantes aux yeux du travailleur qui engage sa responsabilité en faisant le relais. D’autre part, même lorsque les travailleurs ont les compétences/connaissances suffisantes, ils ne rendent pas forcément service en ne permettant pas au jeune d’élargir son réseau de ressources personnelles lorsqu’ils répondent directement. Enfin, les professionnels des Maisons de Jeunes ne sont pas protégés par une série de dispositifs (dont le secret professionnel), ils ne peuvent donc pas offrir certaines garanties aux jeunes.
Nécessité fait force de loi ?
L’argument de l’impératif est utilisé par de nombreux travailleurs qui prennent le risque de sortir de leur cadre. Force est de constater qu’au vu de l’offre insuffisante d’aide sociale, des moyens disponibles pour cette aide et du nombre croissant de services surchargés, les professionnels des Maisons de Jeunes n’ont pas forcément tort de s’engager au-delà de leur fonction. Néanmoins, il est primordial que ces derniers s’assurent d’être dans un cas de figure où les ressources disponibles ont bien été activées. Il y a lieu de résister à la tentation (même inconsciente) de créer une relation exclusive avec une personne vivant une situation de faiblesse mais pour cela, il faut avoir une équipe ainsi qu’une institution disponibles et bienveillantes.
Quand le collectif ne suffit pas
Une série de questionnements peuvent être abordés collectivement, surtout lorsque les interrogations se répètent. C’est le cas de thématiques comme la sexualité, l’inégalité entre genres, la place dans la société, le rapport à la consommation, etc. Ces thématiques sont régulièrement abordées et font l’objet de projets collectifs où chacun peut faire profiter aux autres de ses connaissances et de ses compétences. Malheureusement, certains jeunes vivent des difficultés ou ont des questionnements qu’ils ne désirent pas partager en groupe et/ou pour lesquels ils demandent de la discrétion. Dans l’état actuel, ces problématiques ne peuvent être traitées dans le cadre de la Maison de Jeunes.
Des positions officielles pas assez engagées
Les problématiques amenées à un niveau institutionnel et dépassant la sphère des intervenants de 1ère ligne, sont souvent délicates. Elles impliquent une prise de responsabilité de la part des travailleurs mais aussi de l’institution. Si une institution peut légitimement refuser de s’engager, elle ne peut ignorer la problématique. Elle peut encore moins commencer à tenter d’évaluer la prise de risque juridique ou tenter de se couvrir plutôt que d’interpeller le politique. Le bien-être et l’intérêt des personnes ne peuvent en aucun cas passer au second plan surtout quand il existe des solutions qui permettraient à chacun d’être couvert tout en satisfaisant à la demande.
Prise(s) de risques évitables
La tension entre la détresse d’une personne et notre rôle ne devrait être porté par aucun d’entre nous. Tout travailleur devrait avoir plusieurs ressources de relais et un nombre de partenaires suffisants pour ne jamais se retrouver démuni face à une situation. Pour cela il faut permettre aux travailleurs de ne pas être en permanence « le nez dans le guidon » en augmentant leur nombre. Il faut que les différents secteurs créent des passerelles et des espaces d’intervention chevauchant leurs domaines respectifs (par exemple : des Maisons de Jeunes ont expérimenté avec un certain succès, mais pas sans difficultés, les permanences spécialisées dans leurs murs). Au final, nous en revenons toujours à la question des moyens, injustement et insuffisamment, compensés par l’ingéniosité et l’engagement des professionnels du non-marchand.
CARTERON Perceval. Éducateur.
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