Catherine est clown en hôpital : « Je voulais animer les couloirs de la pédiatrie »
Une fois par semaine, les services pédiatriques des hôpitaux Erasme et Saint Pierre reçoivent de drôles de personnages affublés de vêtements multicolores, d’instruments de musique et de coussins péteurs. Les clowns de l’ASBL Clowns à l’hôpital viennent rendre visite aux enfants hospitalisés afin de donner à leur séjour, durant quelques minutes, plus de couleurs et de magie. Catherine Vanandruel, directrice de l’association, nous raconte ce métier méconnu mais si important.
Dans le bureau de Catherine, on peut voir toute une panoplie de peluches d’animaux et de personnages. Cette comédienne qui a découvert le métier de clown en hôpital à l’occasion d’une intervention à Noël, a eu une révélation sur l’importance de développer des animations régulières au sein des services de pédiatrie, autant pour les enfants que pour le personnel soignant.
Du théâtre aux couloirs de l’hôpital
Après une formation de comédienne, Catherine Vanandruel découvre le théâtre de contact qui consiste à aller à la rencontre directe du public pendant la représentation. Le lien avec le spectateur est la clé de ce genre de théâtre. Après des représentations en théâtre de rue sur le même principe, la découverte des clowns en hôpital grâce à la proposition d’un collègue, à éveiller son envie “d’animer les couloirs de la pédiatrie”. Petit à petit, cet exercice s’est défini comme une spécialisation pour finalement devenir son activité principale. Elle est aujourd’hui à la tête de l’association Les Clowns à l’Hôpital et forme les nouveaux.elles intervenant.e.s qui assurent 120 dates par an.
Mais comment devient-on clown en hôpital ? A l’époque de la comédienne, les formations pour intervenir en milieux de soins n’étaient pas accessibles aux artistes. Elle a donc dû pêcher les connaissances et compétences à gauche à droite.
Elle nous confie : “Quand j’ai commencé ce travail, il n’y avait pas de formation dédiée à cette pratique pour les artistes. Les formations étaient à destination des milieux socio-culturels. J’ai donc dû me former par moi-même. L’association Le Rire Médecin en France a débuté quelques années avant nous et m’a beaucoup inspirée, en plus de toutes les autres formations de psychologie et de communication non-violente que j’avais suivies.”
Du sérieux dans l’amusement
Car si faire rire semble être l’objectif principal d’un clown, il y a tout un ensemble d’autres disciplines à prendre en compte quand on agit au sein d’un hôpital. Elle poursuit : “Les approches psychologiques, sociologiques et relationnelles se sont mises en place au fur et à mesure car on s’est bien rendu compte qu’il ne s’agissait pas que d’amusement. Je ne pense pas que le rire à tout prix peut servir de sparadrap, je suis plus dans l’amusement sérieux. C’est d’ailleurs mon rôle aujourd’hui : apporter le sérieux dans l’amusement. C’est un vrai travail d’accompagner les enfants hospitalisés. Il ne suffit pas d’avoir des grosses chaussures et un nez rouge car ça peut dysfonctionner ou ne pas répondre à ce que les gens attendent.”
Elle ajoute : “Je suis donc très attentive à la communication et à la manière dont les relations peuvent se passer. Le plus important est de faire attention à ne pas s’imposer car on n’impose pas un divertissement, ni un soin comique. C’est beaucoup plus complexe mais en même temps ça doit rester simple avec du contact et de l’empathie.”
Afin d’assurer une intervention de qualité et de remédier au manque de formation pour les artistes, l’association Les Clowns à l’hôpital dispense donc une formation aux nouveaux.elles arrivant.e.s.
Elle précise : “Je leur propose également une formation avec le CERE (Centre d’expertise et de Ressource pour l’enfance) qui concerne la maltraitance des enfants. Les années précédentes ont a suivi une formation sur l’hygiène hospitalière, qui a été très importante l’année passée. Cette formation nous a permis d’être présents même durant la crise.”
Une nouvelle formation
Les clowns ne sont pas les seuls à intervenir en milieux de soins. Des musicien.ne.s, des plasticien.ne.s et même des imprimeurs et animateur.rice.s radios rendent visitent aux enfants pour leur permettre de s’échapper de la routine hospitalière le temps d’une activité. Mais pas que, ces intervenant.e.s se rendent également auprès de personnes âgées, de personnes handicapées... ainsi, face à ces divers publics, la définition du sens des activités est primordiale.
Catherine Vanandruel ajoute : “Les activités proposées doivent avoir du sens pour le public à qui elles sont proposées. Par exemple, pour des enfants alités, on ne va pas mettre en place un atelier où ils doivent bouger. Comme il y a tout un panel de public et d’artistes, il nous a semblé important d’offrir une formation qui concerne l’ensemble des problématiques.”
Ainsi, la première formation en co-construction pour artistes en milieux de soins sera dispensée à partir de décembre par le groupe de travail Art et Santé de l’asbl Culture et Démocratie en partenariat avec l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, l’asbl l’Autre Lieu, le Pont des Arts et les Clowns à l’hôpital entre autres. L’objectif est de fournir des outils pour mieux appréhender le quotidien du travail artistique dans ces différents milieux et de construire une réflexion sur base du savoir expérientiel de chacun.e.
Toujours en duo
Concrètement, l’intervention des clowns débute par leur arrivé dans la chambre le plus maladroitement et délicatement possible. C’est à ce moment que se crée la rencontre. “Tout l’art de la rencontre avec l’enfant hospitalisé est d’attendre, sans imposer, que l’enfant réagisse. On s’adapte à sa réaction, à son humeur... Et à ce moment-là, les clowns s’amusent avec l’enfant en faisant des bulles, en racontant des blagues, en s’intéressant à ce que l’enfant fait, parler du menu du jour...sur un mode clownesque. Le mode clownesque est sans jugement et naïf.”
Et les clowns sont toujours en duo. “Si l’on se trompe, que l’on fait une erreur, le deuxième clown est alors primordial. C’est à lui de rebondir.”
La légitimité des interventions est prouvée par de nombreuses recherches qui font part des bénéfices sur le stress et l’angoisse. Catherine Vanandruel pointe “Les retombées thérapeutiques de nos actions sont reconnues. Il y a des articles scientifiques qui étayent que la rencontre avec un professionnel qui amène du délassement permet de diminuer le nombre de médicaments à prescrire, l’anxiété, la peur de l’acte médical et ça dédramatise le milieu et le personnel soignant.”
Et ça marque les esprits : “Il y a aussi des choses surprenantes comme le fait de croire que les enfants qui sont de passage à l’hôpital pour une petite opération ne vont pas se souvenir de nous. Cinq – six ans après, ils reviennent en hospitalisation pour autre chose et ils viennent nous dire, qu’ils se souviennent des clowns et des activités qu’on a fait ensemble. Et là, le job est réussi car il ne se souvient pas qu’on n’a pas réussi à le piquer, qu’il a vomi, qu’il a mal dormi... mais du clown. Donc tout enfant peut être marqué peu importe le type d’hospitalisation."
Des situations difficiles
Et qu’en est-il des enfants hospitalisés pour des pathologies lourdes ? Comment gérer les émotions face à un enfant entouré de machines ? Ce genre de scène est rare aux hôpitaux Erasme et Saint-Pierre, puisque les fortes pathologies sont traitées à l’hôpital des enfants. Mais il existe des situations plus complexes que d’autres et pour la comédienne, cela fait partie du travail et il faut bien sûr être préparé à ça. Les intervenant.e.s reçoivent une fiche informative concernant l’enfant, avant la tournée des chambres permettant d’être un minimum préparé. Cependant, il est très important d’être à l’écoute de ses ressentis quand on pousse la porte de la chambre.
Catherine Vanandruel tente d’équiper au maximum les intervenant.e.s en amont. “Je donne des informations tout au long de l’année sous forme de vidéos à aller voir ou de livres à lire qui concernent certains pathologie lourdes ou la manière de ne pas être inapproprié ou de ne pas être trop touché.” Si l’intervention d’un.e professionnel.le est nécessaire, un.e psychologue est disponible. “Nous avons toujours la possibilité d’avoir un contact avec un psychologue au sein des établissements où nous intervenons. Le soutien de l’équipe est également très présent. Nous sommes là aussi s’il y a besoin de vider son sac.”
Rayonner au-delà des murs de l’hôpital
Les missions des clowns vont au-delà d’une proposition de soutien psychologique pour Catherine Vanandruel. C’est aussi l’histoire de permettre un contact avec la culture. Elle nous confie : “On essaye en plus du contact, de la relation et de l’accompagnement, d’apporter de la culture. Il y a des gens qui ont peu ou pas d’accès à la culture et à travers nos interventions il peut y avoir une sorte de réveil culturel. Je considère qu’on a un pied dans la culture et un pied dans la santé et c’est utile et intéressant.”
C’est aussi apporter un petit plus à l’estime de soi. “J’aime à dire que nous sommes aux petits soins, les soins culturels : l’art peut amener une part de reprise en main du processus créatif ce qui crée de se reprendre en main, car on se fait un peu plus confiance."
Il n’y a pas que les enfants qui en profitent. Les retours des soignant.e.s sont en majorité positifs car ils sont également plus détendu.e.s quand les clowns sont là.
“Il faut être conscient de son engagement social”
Il est important de préciser qu’être clown au sein de l’association les Clowns à l’hôpital n’est accessible qu’aux personnes avec une formation artistique. De plus, en tant que métier méconnu, il peut générer une grande part de fantasmes et d’idées reçues.
Ainsi, pour Catherine Vanandruel, si l’on pense se lancer dans ce type d’exercice professionnel, il est important de “dépasser la méconnaissance de ce travail, de reconnaître dans quoi on se sent bien. Beaucoup veulent faire ce travail parce qu’ils sentent qu’ils ont toujours voulu le faire. Mais attention, cela peut parfois être une façon de se fourvoyer. Il faut faire attention aux raisons qui nous pousse vers cette “carrière”, savoir pourquoi on veut se rendre dans un endroit où les gens ne vont pas bien. Il faut être conscient de son niveau d’engagement social quand on souhaite être clown en milieu de soins.”
A. Teyssandier
Et pour aller plus loin :
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– Les témoignages
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