Grégory, aide familial : "On nous confond souvent avec les aide-ménagères"
Grégory Furentti travaille comme aide familial dans la province de Namur. Ancien spécialiste de la mécanique, à l’âge de 39 ans il a décidé de changer de vie et de se consacrer aux autres. Aujourd’hui passionné par son métier, ce travailleur social nous livre un témoignage inspirant.
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Le mardi, c’est son jour de repos. Un jour rien que pour lui. « Je fais un peu de modélisme, ça m’aide à m’évader », raconte Grégory Furentti, aide familial au sein de l’ASD en Province de Namur. Il a commencé ce métier il y a 5 ans, il avait alors 39 ans. Avant ça il a travaillé pendant des années dans la mécanique, pour Caterpillar notamment. « Je n’aimais pas du tout ça. Je le faisais seulement pour gagner de l’argent », confie le travailleur.
Au contraire, avec le métier d’aide familial, il a découvert une véritable vocation. « S’il fallait recommencer je signerais tout de suite, sans hésiter ! », assure-t-il. C’est donc avec beaucoup de douceur et de passion qu’il nous raconte sa profession.
"Vous vous levez le matin et vous ne savez pas vers quoi vous allez"
Guide Social : Pourriez-vous définir le métier d’aide familial ?
Grégory Furentti : C’est un métier où il faut être un couteau-suisse. Chaque jour, chaque moment et chaque personne sont différents donc il faut s’adapter et il faut savoir tout faire.
Guide Social : A l’origine, vous n’étiez pas du tout dans le social. Comment êtes-vous devenu aide familial ?
Grégory Furentti : J’ai d’abord voulu entrer à la police. J’ai réussi tous les examens de la police fédérale puis, pour diverses raisons, j’ai raté l’examen final.
Pendant mes stages à la police, j’ai compris que le côté social me plaisait. Le contact avec les gens. Parce que la police ce n’est pas seulement de la répression, c’est aussi de la prévention.
Puis, il y a cinq ans, j’ai vu qu’il y avait une formation pour les métiers d’aide-soignant, aide familial au Campus provincial de Namur. Je me suis inscrit, j’ai fait un stage en aide-familial et j’ai trouvé le métier fantastique.
Vous vous levez le matin et vous ne savez pas vers quoi vous allez. Il peut se passer n’importe quoi. J’adore.
Guide Social : Vous vous souvenez de votre première confrontation avec le métier ?
Grégory Furentti : Oui ! La veille de mon premier jour de stage j’avais pris rendez-vous avec le collègue que j’allais accompagner dans Jambes. Sur le trajet, il m’a expliqué chez qui on allait et ce qu’on allait faire : un repas, après une petite toilette et puis on devait mettre de la crème hydratante sur les jambes de la dame.
Quand on était chez elle, il a vu que je réagissais bien. J’allais vers la dame, je parlais avec elle. Ça a été très naturel.
Quand je suis rentré chez moi je me suis dit que j’espérais vraiment faire ce métier car rien n’était encore acquis il fallait finir la formation, remettre un TFE, le défendre devant un jury...
"J’adore les repas car la personne est avec vous, elle participe"
Guide Social : Et encore aujourd’hui vous l’aimez toujours autant votre métier...
Grégory Furentti : Chaque matin je suis heureux quand je pars au travail. Je pourrais aller travailler en sifflant tellement que j’aime ce métier.
Guide Social : Quelles sont vos missions quotidiennes ?
Grégory Furentti : Le matin, je dois être à 8h chez le/la premier/ère bénéficiaire. Souvent ce sont des levés, des toilettes, vérifier que les médicaments ont bien été pris...
Puis on a des courses, des repas, souvent quand les personnes sont atteintes d’Alzheimer on les fait participer à la préparation pour leur faire travailler l’esprit.
Après le repas du midi, on a souvent des courses, un peu d’entretien, des promenades, des rendez-vous médicaux... Beaucoup de personnes sont seules et n’ont plus de famille pour les accompagner.
Puis on quitte le dernier domicile à 16h.
Guide Social : Est-ce qu’il y a des activités que vous préférez ?
Grégory Furentti : J’adore les repas car la personne est avec vous, elle participe. Puis elle goûte la nourriture, elle sourit parce qu’elle aime. C’est un moment de partage.
Guide Social : Auprès de quel public vous intervenez ?
Grégory Furentti : Nous allons aussi bien chez des personnes âgées, que des chez mamans qui ont besoin d’aide pour accompagner les enfants à l’école... Par exemple, récemment je suis allé chez une dame assez jeune qui était à l’aéroport de Bruxelles lors des attentats. Elle a perdu un œil et elle a des soucis d’ouïe et d’odorat. Je suis donc allé pour aider pour les repas.
Nous travaillons sur un secteur défini. Je suis à Jambes extérieur mais j’ai fait d’autres secteurs avant, le dernier c’était Jambes Centre.
Nous recevons notre horaire toutes les semaines. Généralement, on essaie de faire en sorte que les travailleurs et travailleuses retournent le moins possible chez les mêmes personnes pour éviter que des affinités se créent et, dans certains cas voir, la maladie se dégrader. Bien sûr, ça dépend des personnes. Certains bénéficiaires, par exemple celles et ceux qui sont atteints d’Alzheimer, aiment bien avoir la même personne qui revient. Ça les rassure.
"Enormément d’empathie, du respect. Être humain"
Guide Social : Est-ce que le fait d’être un homme a un impact sur votre relation avec les bénéficiaires et vos collègues ?
Grégory Furentti : Non c’est vraiment cool. Les collègues sont contentes d’avoir un homme et je n’ai aucun problème avec les bénéficiaires. Parfois, il y a de la surprise, mais c’est tout.
Guide Social : Quelles sont les qualités indispensables d’un aide familial ?
Grégory Furentti : Enormément d’empathie, du respect. Être humain.
Guide Social : Vous faites face à des pathologies, des parcours différents, comment êtes-vous préparé ?
Grégory Furentti : Normalement on en reçoit beaucoup de formations. Là, par exemple, je vais suivre une formation sur la maladie d’Alzheimer car nous allons chez une dame qui a Alzheimer précoce et ce n’est pas la même chose que dans le cas d’une personne de 80, 90 ans.
C’est une maladie qui évolue tout le temps, donc il faut se former tout le temps.
Dans le cas d’une personne atteinte d’Alzheimer, il faut lui laisser un maximum d’indépendance et d’autonomie. On la fait participer à des repas, jouer à des jeux de sociétés, par exemple hier encore on a joué à Dobble avant que je parte. A l’inverse, dans le cas d’un cancer ou d’un AVC c’est plus de l’approche de la personne, de la manutention.
Toutefois, ça ne m’est jamais arrivé de ne pas savoir quelle attitude à avoir. Nous avons une fiche et un carnet de communications chez chaque bénéficiaire donc on sait à l’avance chez qui on va et si d’autres collègues y sont déjà allé.es on peut avoir des informations de leur part. On s’entraide.
"J’arrive comme une personne totalement étrangère à la base, puis je m’intègre"
Guide Social : Y a-t-il un moment dans votre carrière qui vous a particulièrement marqué ?
Grégory Furentti : Il y en a tellement... Je me souviens d’un monsieur qui avait un cancer, des soucis de mobilité et qui vivait au quatrième étage... Nous devions aller là-bas pour le linge.
Je suis le premier à y être allé et l’assistante sociale m’avait parlé d’une chambre à laquelle elle n’avait pas pu avoir accès. Le premier jour, j’ai fait connaissance avec lui sans évoquer cette chambre car ce n’était pas le moment. Puis quand j’ai commencé à avoir un contact plus facile, il s’est confié et j’y ai eu accès. A l’intérieur, j’ai découvert une bonne quarantaine de sacs poubelles de recyclage. Le monsieur était abattu.
J’ai compris qu’un an auparavant il s’était disputé avec son voisin qui avait donc arrêté de lui descendre les poubelles. C’était un an de sacs poubelles. Vous en souleviez un, il y avait des mouches partout.
On s’y est mis avec une collègue et on a tout descendu dans la rue.
Guide Social : Comment faites-vous pour garder votre posture de professionnel alors que vous entrez l’intimité des bénéficiaires ?
Grégory Furentti : C’est venu assez naturellement. Déjà j’ai une certaine éducation donc je n’arrive pas en jetant mon sac, en m’asseyant à table et en me faisant du café.
Je me présente. J’arrive comme une personne totalement étrangère à la base, puis je m’intègre. Je commence à discuter avec la personne et après il y a un climat de confiance qui s’installe. Quand je reviens une deuxième fois ça se passe totalement différemment même si je ne jette toujours pas mon sac en arrivant et je ne fais pas comme chez moi.
C’est aussi impossible pour moi de tutoyer les gens, même quand ils me disent de le faire, même quand ce sont des personnes plus jeunes que moi. C’est mon boulot, ce ne sont pas mes amis.
Je cherche à garder une barrière tout en restant empathique.
Ensuite, il faut s’avoir s’adapter. Se fondre dans l’environnement où on intervient. Vous pouvez aller dans des coins plus huppés de la région namuroise, chez une dame qui a travaillé comme juge par exemple, et puis le lendemain chez des personnes avec une situation sociale plus compliquée, où tout est très sale.
"Ce n’était pas facile au début, je pleurais en rentrant chez moi"
Guide Social : Quels sont côtés plus difficiles de votre métier ?
Grégory Furentti : Le plus difficile ce sont les maladies comme les cancers, ou encore les AVC... Vous voyez les personnes qui diminuent et vous essayez de faire du mieux que vous pouvez pour la personne sachant qu’il n’y a pas d’issue positive. Ça fait mal et ça fait peur.
Guide Social : Comment vous surmontez ces moments ?
Grégory Furentti : Il y a des formations pour la fin de vie mais je n’en ai jamais suivi. Je ne trouve pas ça nécessaire car on sait ce qui se passe. Bien sûr, c’est seulement mon avis mes collègues ne le partagent sûrement pas.
Sinon, quand on termine le boulot il faut fermer la porte à clé. Si on ramène ça chez nous, on ne tient pas le coup. Ce n’était pas facile au début, je pleurais en rentrant chez moi. C’est un gros travail sur soi au fil des années.
C’est un métier très difficile psychologiquement, physiquement je n’ai pas de problème, mais il faut se dire, tu es là pour la personne, à 300% pour elle, avec le sourire, même si on sait qu’il n’y a pas d’issue.
Guide Social : Est-ce que vous en parlez autour de vous ?
Grégory Furentti : Je n’en parle pas à la maison. En revanche, avec les collègues oui. Comme je travaille en 4/5ème j’ai mon mardi de libre. Si j’ai un problème je peux appeler mes collègues ce jour-là car il n’y a personne qui m’entend... à part mon chat. Evidemment, je ne les appelle tous les mardis. Je fais aussi du modélisme, ça m’aide à m’évader.
Je ne saurais pas travailler en temps plein. Il me faut ma journée pour casser la semaine car on travaille aussi les weekends.
Aussi, nous avons des réunions, une fois par mois, avec les collègues du secteur et l’assistante sociale. On fait le tour des bénéficiaires qui ont eu des soucis, ça nous aide beaucoup. Puis, s’il y a des problèmes plus graves on peut téléphoner à l’assistante sociale et on résout directement.
"Notre métier a bien évolué en ce sens, il y a plus de reconnaissance"
Guide Social : Comment est-ce que les autres voient votre métier ?
Grégory Furentti : On nous prend souvent pour nos collègues aide-ménagères, ce qui n’est pas du tout le cas. Quelquefois on arrive chez la personne et on a déjà les seaux, torchons, produits... On peut aider dans les tâches mais ce n’est pas que ça notre boulot. D’ailleurs, si c’est trop récurrent, on en parle en réunion et à ce moment-là on va mettre en place un service aide-ménagère parce que pendant qu’on fait de l’entretien chez une personne c’est du temps qu’on ne passe pas chez une autre qui a besoin d’une aide familiale.
C’est un sujet qui revient presque à toutes les réunions. Le problème c’est qu’on a besoin d’aide-ménagères et il n’y en a pas beaucoup qui postulent.
Guide Social : Est-ce que vous pensez que cette vision est en train d’évoluer ?
Grégory Furentti : Oui. Il y a eu un avant et un après COVID. Ce qui s’est passé dans les maisons de repos a beaucoup fait réfléchir. Je crois que les personnes âgées préfèrent rester chez elle et notre but c’est de les aider à le faire.
Notre métier a bien évolué en ce sens, il y a plus de reconnaissance.
Guide Social : Est-ce que vous avez un conseil pour des personnes qui voudraient faire ce métier ?
Grégory Furentti : Faites ce métier ! On rencontre des personnes formidables tous les jours. On fait un métier formidable.
Et pour aller plus loin :
[Regardez]
[Ecoutez]
– Le podcast de Johanna, aide familiale
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– Découvrir le métier d’aide familial.e, un métier-clé pour les familles
– Comment devenir aide familiale en Belgique ? Focus sur les formations
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– Aide familial en Wallonie : la majorité des postes à temps partiel
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