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"Voir l’étincelle chez un ado qui a eu une réussite à l’école, ça n’a pas de prix !"

23/03/22 # Logopède

Annabelle Duval, 38 ans, est logopède au Centre PMS provincial de Mons 2. À côté de cet emploi, elle reçoit des patient.es à son cabinet. Une manière pour elle d’être sur tous les fronts. Lors d’un long entretien, la professionnelle a accepté de nous raconter, en toute sincérité, son parcours, son métier et ses défis.

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C’est encore le petit matin quand Annabelle Duval nous accueille (virtuellement) chez elle, tasse de thé à la main. Très vite, elle revient sur le début de son parcours  : pour elle, le métier de logopède n’était pas une vocation. Avant de finir ses années de lycée dans la région de Nancy, en France, Annabelle Duval n’en avait même jamais entendu parler. C’est en feuilletant un guide présentant les différentes professions existantes qu’elle est un jour tombée dessus. À l’époque, elle savait qu’elle voulait être en contact avec les gens et travailler autour de la communication. Surtout, «  il fallait que je trouve un métier qui ait des débouchés. Je n’avais plus que ma mère qui n’avait pas de grands moyens donc ça faisait partie de mes conditions  », se souvient la professionnelle aujourd’hui âgée de 38 ans.

Quand elle a entendu parler d’un cursus sur trois ans en Belgique, elle a sauté le pas et a intégré la Haute-Ecole Condorcet à Saint-Ghislain. Au fur et à mesure de ses études, de ses stages et surtout de sa pratique, elle a découvert son métier. Et aujourd’hui ça ne fait plus aucun doute  : ce choix était le bon. Les logopèdes sont des «  professionnel.les du langage et de la communication dans tous les cadres, tous les domaines, à tous les âges. On aide à les maintenir, à les préserver ou à les développer. C’est assez riche  », explique-t-elle.

"Il y a du travail pour tout le monde donc il ne faut pas accepter tout ce qui arrive"

Dès le début de sa carrière, Annabelle Duval a travaillé comme indépendante complète. Même si elle reconnait qu’à la sortie de l’école, elle ne se sentait pas complètement armée. «  La première fois que vous recevez un patient toute seule vous vous demandez ce qui vous arrive  », se souvient-elle. Et de continuer  : «  Je ne savais pas comment aborder les familles. Pendant mes stages, je n’avais jamais fait le travail avec les proches  ». Sans compter toutes les démarches administratives «  qui vous tombent dessus  : introduire un dossier, demander un remboursement...  ».

Par chance, comme elle le dit elle-même, la jeune femme n’était pas seule et partageait le cabinet avec trois logopèdes plus expérimentées qui l’ont beaucoup aidée. «  Ce qui est bien aussi c’est que j’ai fait ma patientèle progressivement, même si en quelques mois mon agenda était déjà complet  ». Dès le début, elle n’a pas hésité non plus à rediriger les patient.es vers d’autres collègues, quand elle estimait ne pas être suffisamment formée. « C’est essentiel de connaitre ses limites. Il y a du travail pour tout le monde donc il ne faut pas accepter tout ce qui arrive  ». En parallèle, la logopède a très vite commencé à suivre des formations. «  Ce n’est pas seulement conseiller, c’est essentiel de se former  !  »

"Je suis convaincue que si on agit en maternelle on peut faire des choses formidables"

Finalement, Annabelle Duval a travaillé pendant 10 ans comme indépendante complète. En octobre 2019, elle a été embauchée comme salariée au sein du Centre PMS provincial de Mons 2. Là-bas, son rôle consiste avant tout à accompagner les enseignant.es de 25 écoles maternelles autour du développement du langage des enfants. «  Je fais de la concertation avec les enseignant.es, je mène des ateliers avec la classe sur des thèmes en lien avec le langage, je présente aussi des outils qui peuvent aider à l’apprentissage...  ». Un projet «  enrichissant  », estime-t-elle. «  Je suis convaincue que si on agit en maternelle on peut faire des choses formidables car ce sont des années essentielles pour le développement de l’enfant  ».

Avec son nouveau statut de salarié, Annabelle Duval a retrouvé une certaine stabilité. «  Travailler en indépendant c’est chouette mais c’est énergivore, chronophage au niveau administratif et c’est moins sécurisant  ». De plus, en rejoignant le centre PMS, elle a aussi intégré une équipe pluridisciplinaire avec qui elle travaille en étroite collaboration. «  Ici on ne peut pas travailler seul.e dans son coin et c’est une chose qui m’a attirée. C’était un grand écart avec ce que je faisais jusque-là  ».

Toutefois, Annabelle Duval a décidé de maintenir son cabinet en parallèle de son emploi, pour continuer les accompagnements individuels qu’elle ne peut plus faire au centre. Elle travaille comme indépendante complémentaire, pendant ces heures libres  : chaque soir de 16h à 20h, au plus tard, et le samedi matin.

«  Avec le Centre PMS je suis en première ligne et c’est génial mais j’ai aussi besoin d’être impliquée dans le suivi et le dénouement. Ça me permet aussi de travailler avec un public différent parce qu’avec le centre je ne suis qu’avec des tout-petits  », explique-t-elle.

Un travail au contact des enfants mais aussi des adultes

Avoir un public mixe lui permet également de traiter des pathologies variées. « Pour les enfants, j’aime bien travailler sur les troubles du développement du langage, ce qu’on appelait avant dysphasie, ou avec ceux qui ont des troubles plus classiques de l’apprentissage. Avec les adultes, je m’occupe beaucoup de troubles de la voix, des problèmes d’alimentation (la dysphagie) et des patients aphasiques, c’est-à-dire qui ont des troubles du langage après un AVC par exemple. En revanche, je ne travaille pas du tout dans le bégaiement, par exemple  ».

Si le champ d’intervention des logopèdes est très vaste, Annabelle Duval estime qu’il est encore trop méconnu. Par les familles – «  on doit souvent expliquer qu’on ne fait pas du soutien scolaire  » - mais aussi par les médecins. «  Il y a des cas pour lesquels on sait qu’on devrait intervenir et qu’il faudrait une prise en charge précoce mais, malheureusement, le manque de connaissance de notre profession retarde le moment où le patient arrive chez nous. Et ça, aussi bien pour les enfants et les adultes  ». Elle donne notamment l’exemple des radiothérapies, où il faudrait que le ou la patient.e consulte avant de commencer le traitement.

La professionnelle reconnait tout de même qu’il y a eu une évolution ces dernières années. «  On nous renvoie de plus en plus facilement des patient.es. Les associations professionnelles font un bon travail de communication sur notre métier  ».

Si le soin est au cœur du métier de logopède, l’approche doit être bien plus globale

D’autant plus que selon elle, c’est une profession qui a du sens. «  Je me sens utile. Quand je vois par exemple un.e patient.e adulte alimenté.e par sonde qui recommence progressivement à manger solide ou l’étincelle chez un ado qui a eu une réussite à l’école, ça n’a pas de prix  », explique-t-elle.

Elle se souvient de cette patiente adulte qu’elle a reçue récemment et qui «  avait une voix de fumeuse, comme elle disait, alors qu’elle n’a jamais fumé  ». La cause  : la présence de nodules, «  on n’était pas loin de l’œdème  ». Au début du suivi, la patiente n’était pas convaincue. «  Elle se demandait ce qu’elle faisait là à son âge. Puis, j’ai senti qu’elle a pris goût en trois ou quatre séances, j’ai vu un changement, elle commençait à faire ses exercices  ». Résultat  : lors de la dernière visite chez l’ORL, la patiente a appris qu’elle n’avait plus de nodule. «  Elle m’a tout de suite appelée pour me l’annoncer. Elle était super heureuse  ».

Si le soin est au cœur du métier de logopède, l’approche doit être bien plus globale, assure Annabelle Duval. «  Prenons l’exemple de la voix. On ne peut pas travailler le fonctionnement vocal, la respiration, la détente... et comprendre ce qui est à l’origine du forçage si on n’a pas investigué la vie du ou de la patient.e, ce qui l’entoure. On va donc devoir l’accompagner, sans se substituer à un.e psychologue, évidemment  ».

"Au début j’étais un peu la sauveuse. Je voulais aider tout le monde même si la famille n’était pas partie prenante"

Ainsi, l’empathie est un ingrédient essentiel pour exercer la profession. «  Mais il faut savoir la gérer  », insiste Annabelle Duval. Avant de préciser  : «  Si on absorbe tout, tout le temps on finit par avoir la tête dans le guidon et une intervention biaisée  ». Pour éviter cela, la logopède a opté pour une communication transparente avec les patient.es. «  Si on est par exemple dans le cas d’une pathologie neurodégénérative, l’important, pour moi, c’est de pouvoir mettre des mots assez vite  : je montre que je suis à l’écoute  ; j’exprime ce que je ressens et je permets au ou à la patient.e et à la famille de déposer les choses  ».

Aussi, avec le temps, Annabelle Duval a réussi à mettre des balises dans son suivi. «  Au début j’étais un peu la sauveuse. Je voulais aider tout le monde même si la famille n’était pas partie prenante et même s’il fallait lutter pour que les choses soient mises en place... Je me démenais et concrètement ça ne fonctionnait pas  », se souvient-elle. Aujourd’hui, si elle voit que le ou la patient.e et/ou les proches ne sont pas impliqué.es, elle ne laisse pas la situation se gangréner  : elle propose de faire une pause, ou bien redirige vers un.e autre professionnel.le qui aura une autre approche.

Être à l’écoute tout en prenant du recul sont des conseils précieux, selon la logopède. «  Il faut savoir garder sa position de prestataires de soins  ». Enfin, Annabelle Duval insiste  : «  C’est indispensable de se tenir à jour, de se former régulièrement. C’est ça  : se former, se former, se former  ».

Caroline Bordecq

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