Je voulais devenir famille d'accueil... mais ne pouvais être que psychologue !
Je travaille comme psychologue dans le secteur de la petite enfance et j’ai envie de partager avec vous ces moments où dans notre métier, nous nous retrouvons face à nos limites. Ces moments où je voudrais ramener un enfant chez moi pour l’aider à grandir, lui offrir une chance de bénéficier d’amour et de soins, comme en bénéficient bon nombre d’enfants. Mais dans ces instants-là, je ne suis que la psychologue qui accueille cet enfant et c’est le cœur lourd que je rentre chez moi.
Dans mon quotidien, je travaille très souvent avec des enfants ayant subi de la maltraitance physique ou de la grosse négligence. Pour certains d’entre eux, il en résulte de très gros retards de développement. Bon nombre d’entre-eux vivent en institution, suite à une mesure protectionnelle du tribunal de la jeunesse. Ces petits bouts d’chou, que je rencontre, ont souvent moins de 2 ans et présentent de très gros retards staturo-pondérals et des retards de développement. Pour certains, la marche n’est pas acquise, le langage n’a pas encore émergé. Bien souvent, ces retards sont liés à un manque de stimulations durant les premiers mois de vie. C’est souvent la colère qui gronde en moi face à de tels constats.
Les lieux de vie où ces enfants sont hébergés tentent d’offrir le maximum de stimulations possibles à leurs pensionnaires. Malheureusement, bien trop souvent, les ressources dont ils disposent sont insuffisantes. Deux éducatrices pour 6 enfants dans le meilleur des cas. Mais il faut surtout s’imaginer que chacun de ces 6 enfants devrait pouvoir bénéficier de l’attention d’un adulte à lui tout seul. C’est donc finalement aux enfants les plus en difficultés que notre société demande d’être le plus résilient.
Face à cette réalité, je sors de mes gonds, je dois d’ailleurs me retenir pour ne pas sortir de mon cadre de travail. Avant d’être psychologue, je suis humaine. Ces jours-là, quand je réalise l’évaluation du développement de ces enfants, j’ai envie de les dorloter, de leur offrir un quotidien où l’amour, la tendresse et les stimulations nécessaires à leur développement seront présents. Quand, je les vois repartir, accompagnés de leur puéricultrice, j’ai bien souvent le cœur qui se fend. A aucun moment, je ne remets en question la dévotion, la chaleur et l’engagement de ces hommes ou ces femmes qui travaillent dans les pouponnières. Je sais combien leur travail et leur présence au quotidien des enfants permet à ces enfants de grandir, mais une institution ne remplacera jamais la chaleur d’un foyer. Actuellement, nous ne pouvons que déplorer le peu de familles d’accueil disponibles. C’est donc très souvent un projet de séjour en institution qui est retenu par les instances protectionnelles, faute d’une autre alternative.
Alors oui, dans de telles circonstances, j’ai envie de ramener ces petits bouts chez moi. Je ne me dis pas que je ferai mieux que l’institution, mais je sais que cet enfant aurait l’attention d’une adulte pour lui tout seul et cela, l’institution, tout outillée soit-elle, ne pourra jamais l’apporter.
Ces petits êtres en devenir sont les adultes de demain, il est donc essentiel de leur offrir un cocon chaleureux où ils recevront toutes les stimulations nécessaires à leur bon développement. Notre société se doit de leur fournir ce minimum et actuellement les pouvoirs subsidiants ne donnent pas aux institutions les moyens de leur mission.
V.B, psychogue clinicienne
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