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Un an après… Du sentiment d'inutilité à la réflexion

22/03/17
Un an après... Du sentiment d'inutilité à la réflexion

Une psychologue pour enfants livre ses impressions sur l’impact des attentats du 22 mars 2016 dans sa pratique de clinicienne.

22 mars 2016 - 08h du matin, j’enfourche avec légèreté mon vélo, je pédale jusqu’à l’hôpital bruxellois où je travaille comme psychologue pour enfants.

A 8h15, je passe la porte de mon service. Une collègue m’interpelle, une catastrophe s’est produite à l’aéroport de Zaventem, des bombes ont explosé. Dès cet instant, il y aura un avant et un après 22 mars 2016.

Une heure plus tard, c’est la station de métro Maelbeek qui est touchée. L’hôpital où j’exerce est situé à quelques kilomètres de là. On entend des sirènes de toutes parts.

Le personnel médical est sur le qui-vive et les équipes psycho-sociales également. Je suis traversée par une foule de questions, j’appréhende la rencontre avec les victimes directes ou collatérales. Contrairement à l’habitude, nous avons revêtu des blouses blanches. Toutes nos consultations ont été annulées et nous sommes là pour offrir nos services aux familles et aux enfants des victimes.

Cette matinée-là, je ne rencontrerai ni victime, ni famille. La dimension médicale est à l’avant-plan. Le plan Mash (Mise en Alerte des Services Hospitaliers) est actif. Mash, une succession de lettres qui pour moi veut dire que la situation est grave mais recouvre une réalité qui m’est étrangère. Dans ce plan, les psychologues ont-ils leur place ? Si oui, à quel niveau ? Comment apporter notre aide ? Dans les faits, l’accompagnement psychologique ce sera pour après. Un grand sentiment d’inutilité m’habite.

Les retombées, nous les sentirons dans les semaines, les mois à venir. Mes patients, des jeunes entre 3 et 18 ans, ont peur, les questions fusent en entretien. Les médias inondent les écrans d’images, les enfants ne peuvent qu’y être exposés. Une sirène dans la rue, un bruit à l’extérieur les met sur le qui-vive. La présence de l’armée dans les rues suscite de nombreuses questions. La peur, l’angoisse, l’incertitude sont palpables. Durant plusieurs semaines, les entretiens thérapeutiques sont colorés par ce vécu.

Dans les mois qui suivent, mon équipe est sollicitée par rapport aux retours d’enfants de Syrie. Comment les accueillir ? Comment évaluer l’impact psychologique de leur séjour là-bas ? Quels soins leur dispenser ? Les institutions d’hébergement pour enfants sont très frileuses de les accueillir. La peur continue son chemin insidieux parmi les intervenants de terrain, elle s’immisce et elle empêche parfois de travailler.

Aujourd’hui, un an après, la réflexion est présente, des protocoles de collaboration tentent de se mettre en place pour répondre à l’accueil d’enfants revenus de Syrie. La crainte d’un retour massif est là. Comment allons-nous y faire face ? Comment les accueillir ? Quels dispositifs pour quels soins ? Qui sont les experts ?

Des cellules d’experts émergent par rapport au phénomène de radicalisation, le CAPRAV, PRE-RAD… mais il est difficile de savoir qui fait quoi et à quelle cellule s’adresser.

Aujourd’hui, le plan MASH, je connais, j’ai lu le protocole. En outre, à l’hôpital une liste de psychologues rappelables en cas d’urgence a été créée.

Si, sur le terrain, des structures, des procédures se mettent en place ; dans mon esprit des questions et des réflexions continuent à se bousculer.

Des colloques, des conférences, des séminaires pullulent sur le thème de la radicalisation. Néanmoins des grands points d’interrogation persistent : Comment allons- nous soigner ces jeunes radicalisés ? Comment en faire des citoyens de demain animés par des pensées pacifistes ?

VB, psychologue clinicienne

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