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Mémoires/TFE

La vie affective et sexuelle des personnes adultes déficientes mentales en institution


La sexualité dans nos sociétés occidentales a longtemps été un sujet tabou. Le simple fait de faire référence à la sexualité était autrefois, et encore maintenant dans une certaine mesure, considéré comme totalement déplacé. Pour preuve flagrante mais non unique, la censure immédiate, par l'Église catholique, des statues de l'Antiquité qui se sont vues poser des feuilles de vigne aux endroits stratégiques de l'anatomie humaine. Dans les représentations de la Renaissance, Adam et Eve - pourtant nus à la création - furent affublés de cette même vigne. Jésus lui-même, représenté avec une toge lors de sa crucifixion, est pourtant décrit comme nu lors de cette scène :

Jean 19 :23- Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut ;
Jean 19 :24- Ils se dirent donc entre eux : " Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l'aura " ; afin que l'Écriture fût accomplie : Ils se sont partagé mes habits, et mon vêtement, ils l'ont tiré au sort. Voilà ce que firent les soldats.

L'exemple de l'Église catholique n'est pas un choix innocent, puisqu'il est désormais clair que cette institution religieuse a joué un rôle important dans la morale de nos pays modernes, et ce malgré le détachement actuel de l'État par rapport à la religion. Il ne s'agit pas ici de critiquer la foi de chacun, ni même de faire l'éloge de telle idéologie par rapport à une autre, mais bien de souligner l'intérêt sociologique qu'a eu la religion. Elle fut capable d'imposer sa morale à nos sociétés contemporaines et à mettre la sexualité dans le rang des pensées interdites ou du moins restreintes. Le sexe n'était que matière à reproduction de l'espèce.


L'avènement des Lumières a cependant changé la donne. Pour cette philosophie, pas question de se baser uniquement sur le divin pour mener notre existence : l'Homme devrait penser par lui-même :
Le siècle (des Lumières) se veut (être) éclairé par la lumière métaphorique des connaissances - et non pas l’illumination divine, « émanation de l’absolu », utilisé exclusivement au singulier - acquises par l’expérience et l’enseignement du passé. Elle suggère aussi une vision manichéenne du monde, où l' «homme éclairé » s’oppose à la masse de ceux restés dans les ténèbres. La formule a donc bien tant une dimension sociale qu’une dimension spatiale. Sous la plume des philosophes, les Lumières désignent par métonymie les élites européennes ouvertes aux nouveautés, une « République des Lettres éclairées ».
Les théories sociologiques possèdent un indice pouvant expliquer le changement de perception de la sexualité. Nous sommes en effet passés d'une société de masse à une société davantage individualiste. Le plaisir et le désir, dans notre société contemporaine, priment sur l'intérêt général. Le passage d'une société holiste à une société de l'individu se remarque au niveau de nombreuses institutions, notamment familiales mais aussi religieuses : les familles sont de moins en moins nombreuses, il y a de moins en moins de femmes au foyer et de plus en plus d'indépendance par rapport à autrefois. Une transformation sociologique s'est opérée, et le Nous est désormais moins important que le Moi ; ceci vaut également pour la problématique de la sexualité.
Les théories de Freud, bien que controversées par certaines personnes dans le domaine de la psychologie et de la psychothérapie, ont mis en avant l'importance de la sexualité sur la psyché humaine. Elles ont permis de se rendre compte que la vie sexuelle était une partie importante dans le développement de l'individu et ce, depuis sa petite enfance jusqu'à sa mort. Le sexe a depuis commencé à occuper une place prépondérante dans nos sociétés occidentales. De tabou ultime, il est devenu un quasi phénomène de mode ; les hommes comme les femmes s'intéressent davantage à leur libido. Internet n'a fait qu'aider à la propagation du phénomène avec les sites à caractère pornographique désormais accessibles à la majorité des personnes - incluant les enfants. Le sexe est utilisé dans la publicité et dans les programmes télévisés pour promouvoir les produits à vendre. Les performances sexuelles sont mises davantage en avant ; elles deviennent une part importante de la vie de couple, là où autrefois seul le plaisir de l'homme prévalait.
La considération de la sexualité des personnes handicapées se trouve être aux antipodes de celle que l'on prête à la vie sexuelle des personnes non handicapées. Il apparaît en effet que dans nos sociétés dites modernes, cette problématique bien qu'existante se trouve mise en parenthèse non seulement par la plupart des citoyens XY mais aussi, et paradoxalement, par certaines institutions et ses membres professionnels, qui sont pourtant supposés répondre aux besoins des résidents, à leurs désirs. S'agirait-il alors d'une négation ou d'une ignorance des besoins sexuels des résidents ? Les professionnels institutionnels sont-ils ignorants de l'existence de la sexualité des personnes dont ils ont la charge, ou s'agit-il d'une occultation volontaire des dits besoins par peur du tabou ? L'éducateur spécialisé en institution est pourvu d'une mission sociétale, c'est-à-dire donnée par la société. Ceci n'est-il pas le reflet du désir de la société de taire cette problématique ?
Car c'est bien d'une problématique dont il s'agit, puisqu'elle apporte son lot, non seulement de difficultés au niveau de la société, mais aussi au niveau du professionnel. La part éthique est aussi importante car se pose la question du désir et du libre-arbitre. La personne handicapée, à plus forte raison la personne handicapée mentale modérée à sévère, désire-t-elle réellement ? Est-elle victime d'un autre résident ou d'une autre personne qui souhaite engager une relation sexuelle ? Comment peut-on savoir ce que cette personne veut, surtout lorsqu'un problème de communication, souvent inhérent au handicap mental, se trouve être un parasite de la relation entre le professionnel et le bénéficiaire ? Nombre de personnes sont du côté de ceux qui pensent que tout individu a le droit de vivre pleinement des possibilités de son corps, quand d'autres estiment que des règles strictes se doivent d'être imposées afin d'éviter de potentiels débordements. Ces conflits éthiques et socioprofessionnels sont autant de problèmes qui se posent lors de l'intervention éducative. Le travailleur social ne sachant ou ne voulant pas aborder ce problème épineux peut se trouver dans une situation délicate si le désir de la personne est bien réel.
L'impossibilité pour le professionnel d'aborder le sujet trouve sa cause notamment dans le manque de capacités - d'où l'intérêt de formations spécifiques - mais aussi dans l'éventuelle opposition de l'institution dans laquelle le résident est placé, ou l'opposition des parents. Ladite opposition se trouve aussi au niveau des autres collègues qui ne désireraient pas aborder le problème.
Nous le voyons, nombreuses sont les questions qui se posent lors de ce débat sur la sexualité des personnes handicapées mentales. La question principale sera la suivante :
Comment l'institution accueillant une personne porteuse d'un handicap mental s'occupe-t-elle de la vie sexuelle et affective de celle-ci ?
Cette question sera décortiquée en plusieurs temps. Tout d'abord, nous définirons exactement ce que l'on entend par "vie sexuelle et affective" ; dans un deuxième temps, nous nous pencherons davantage sur les considérations éthiques qui animent le débat sur cette problématique. Nous verrons, lors de cette partie dédiée à l'éthique, quels sont les impacts de la société sur la considération de la personne handicapée et ce au moyen de facteurs sociologiques, psychologiques mais aussi biologiques et historiques. Nous donnons en effet comme postulat de départ qu'il s'agit d'une thématique plurifactorielle, en ce sens que l'on ne peut hypothétiquement pas donner une seule et unique raison au déni de la société envers la vie affectivo-sexuelle de ses membres présentant une défaillance mentale. Ceci composera l'essentiel de la partie purement théorique.
Mais il reste évident que l'on ne peut se contenter de présenter des données uniquement abstraites. La pratique, dans le métier d'éducateur, joue un rôle prépondérant et ce, même s'il nous faudra l'articuler avec la théorie afin de parvenir à une mise en place d'une action bénéficiant à la personne placée en institution.
C'est pour cela que nous mettrons aussi l'accent sur ce qui est mis en place en tant que tel dans une, voire plusieurs institutions, et ce afin de confirmer ou d'infirmer les données théoriques récoltées précédemment.
Nous aborderons par après les différentes mesures, techniques et stratégies que l'éducateur peut mettre en place pour aborder la problématique de la vie affective et sexuelle des personnes porteuses d'un handicap placées et en institution.
Nous baserons ce travail sur la définition du handicap mental donnée par l'UNAPEI (Union Nationale des Associations de Parents d'Enfants Inadaptés, aussi appelée Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) :
L’expression « handicap mental » qualifie à la fois une déficience intellectuelle (approche scientifique) et les conséquences qu’elle entraîne au quotidien (approche sociale et sociétale).
Le handicap mental se traduit par des difficultés plus ou moins importantes de réflexion, de conceptualisation, de communication, de décision, etc.
Ces difficultés doivent être compensées par un accompagnement humain, permanent et évolutif, adapté à l’état et à la situation de la personne. C’est à la solidarité collective qu’il appartient de reconnaître et de garantir cette compensation.
Il ne s'agit pas uniquement d'un travail de restitution d'informations, mais aussi bel et bien d'une tentative de réflexion sur un sujet porteur de sens pour le professionnel travaillant en institution. L'éducateur spécialisé en accompagnement psycho-éducatif, espérons-le, pourra y trouver une piste de pensée pour aborder son travail et mener son action.


Auteur

Gilles MULLER

Email :
Etudes : Bachelier Éducateur spécialisé en accompagnement psycho-éducatif
Etablissement : Haute École Lucia de Brouckère
2013, 77p.

Thème : Handicap
(enregistrement le 17/10/13)

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