Éducation permanente : un moratoire sur la table, annonce Élisabeth Degryse

Après avoir abordé la question du financement des ASBL sur MonASBL.be, la ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Élisabeth Degryse, s’est confiée au Guide Social sur les défis spécifiques du secteur psycho-médico-social. Dans un contexte budgétaire contraint, elle expose ses priorités : préserver l’éducation permanente, anticiper l’avenir des accords du non-marchand et revaloriser, à son niveau, les métiers du social et de la santé.
Dans un premier temps, Élisabeth Degryse avait détaillé sur MonASBL.be sa vision globale du financement des ASBL, en insistant sur la nécessité de repenser les mécanismes de subsides et de renforcer la prévisibilité pour les associations. Dans ce second volet, publié sur le Guide Social, cette fois-ci, l’élue s’attarde sur des enjeux plus ciblés, propres au secteur psycho-médico-social : avenir de l’éducation permanente, reconnaissance institutionnelle des métiers du lien, ou encore perspectives autour des accords non marchands.
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"Accorder de nouveaux moyens à l’éducation permanente est aujourd’hui quasiment impossible"
Le Guide Social : Avec l’éducation permanente dans votre giron et un budget sous pression en Fédération Wallonie-Bruxelles, où placez-vous le curseur entre économies et priorités ?
Élisabeth Degryse : L’éducation permanente doit absolument être préservée. C’est l’une des lignes fortes de la Déclaration politique communautaire : reconnaître son rôle dans la société, dans l’accès aux droits et dans la création de lien social. Pour moi, pour nous, c’est une priorité !
D’un autre côté, vous le savez, le contexte budgétaire est particulièrement contraint. Accorder de nouveaux moyens à l’éducation permanente est aujourd’hui quasiment impossible. En revanche, défendre les moyens existants est mon cheval de bataille. Les décrets précisent bien « dans la limite des crédits disponibles » : ces dernières années, les reconnaissances ont pu se multiplier grâce à des enveloppes en hausse, mais ce n’est plus le cas.
Avec le secteur, un travail de clarification est en cours. Un moratoire est sérieusement sur la table, pour offrir davantage de prévisibilité aux acteurs. Il ne s’agirait pas d’un gel indéfini : ma volonté est claire, rouvrir les enveloppes budgétaires dans les prochaines années.
Le Guide Social : Un moratoire est donc sur la table. S’il est décidé, pour combien de temps ? Et ensuite ?
Élisabeth Degryse : Il ne s’agit pas d’un moratoire à durée indéterminée, ce n’est absolument pas l’intention. La durée potentielle du moratoire, tout comme ses modalités précises, n’ont pas encore été définies à ce stade. Mais, je le persiste et signe : il est plus que probable que nous devions passer par une période de moratoire en éducation permanente. Cela dit, cela ne remet en aucun cas en cause la qualité ni l’importance du travail réalisé sur le terrain, ni les moyens conséquents qui y sont déjà consacrés.
"Changer le regard que l’on porte sur les métiers du soin est déjà un enjeu en soi !"
Le Guide Social : Assistantes sociales, éducateurs, infirmières… Ils et elles portent le quotidien des plus fragiles. Pourtant, ces travailleurs sociaux, ces professionnels de la santé expriment un sentiment profond de sous-reconnaissance institutionnelle. En tant que ministre-présidente, comment comptez-vous revaloriser ces métiers essentiels ?
Élisabeth Degryse : C’est une question complexe, et je n’ai pas, seule, tous les leviers pour assurer une pleine valorisation de ces professions. Ce qui me semble fondamental — et que nous allons mettre en œuvre pour d’autres métiers également — c’est d’agir sur la reconnaissance sociétale de ces fonctions.
Je pense à l’enseignement, bien sûr, mais aussi aux travailleurs sociaux et aux professionnels du secteur des soins de santé. Ce sont des métiers dont on parle souvent, à juste titre, pour souligner leur pénibilité ou leur usure. Mais on évoque trop rarement la richesse humaine, le sens et l’utilité profonde qu’ils incarnent.
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Le Guide Social : On parle souvent du mal-être dans ces métiers, rarement du sens qu’ils procurent. Il est essentiel de rééquilibrer ce regard.
Élisabeth Degryse : Effectivement ! Ce sont des métiers du care, profondément tournés vers la personne. Les travailleurs sociaux, notamment, jouent un rôle essentiel pour permettre à des citoyen·ne·s de reprendre pied, en fonction de leur situation : que ce soit par le biais du volontariat, d’un retour à l’emploi, ou simplement de la (re)création de liens sociaux. Et c’est précisément cela qu’on oublie trop souvent de mettre en avant : la dimension positive, transformatrice, profondément humaine de ces professions. Pour moi, changer le regard que l’on porte sur ces métiers est déjà un enjeu en soi.
C’est notre responsabilité collective de faire évoluer cette image, et j’essaie, à mon niveau, d’y contribuer autant que possible. Nous réfléchissons aussi à la mise en place de campagnes de communication grand public, à l’image de ce que l’armée a pu faire à certaines périodes : des campagnes fortes, visibles, qui participent à redorer l’image de ces métiers aux yeux de l’opinion. Je suis convaincue que cela peut avoir un réel impact.
Ensuite — et c’est tout aussi fondamental — il y a la prise en compte de la parole des professionnel·le·s. Les travailleurs sociaux sont en première ligne et ce sont aussi les gardiens de la fonction de signalement. Leur capacité à faire remonter, via leurs structures, leurs institutions, et les fédérations, ce qu’ils observent et vivent sur le terrain, doit être entendue et intégrée dans l’évaluation des politiques publiques.
Vers de nouveaux accords non marchands ?
Le Guide Social : Les accords non marchands de la Fédération Wallonie-Bruxelles arrivent à échéance en 2025. Envisagez-vous d’en négocier de nouveaux ? Avec quels objectifs prioritaires ?
Élisabeth Degryse : Les accords non marchands de la Fédération Wallonie-Bruxelles courent jusqu’en 2025. Les moyens prévus dans ces accords ont bien été inscrits dans le budget 2025, et ont donc été respectés. Comme c’est toujours le cas, une phase d’évaluation suivra la fin de cet accord, afin d’en analyser les effets et les enseignements.
Ensuite, sur base notamment des discussions budgétaires à venir, nous pourrons évaluer la faisabilité d’un nouvel accord non marchand dans les années qui suivront. À ce stade, je ne peux pas encore le garantir de manière ferme, mais je ne ferme pas non plus la porte à cette possibilité.
Propos recueillis par Emilie Vleminckx, rédactrice en chef
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