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"Le métier d’assistant social n’est pas un sacerdoce"

Charles Zampi est maitre-assistant et maitre de formation pratique à la Haute Ecole Provinciale de Hainaut - Condorcet à Marcinelle (Charleroi). Il est chargé de cours, à mi-temps, auprès des étudiants qui se destinent à devenir assistants sociaux. Son autre mi-temps, il le consacre à l’encadrement de leur stage. Celui qui a été durant 10 ans travailleur social dans le secteur de l’Enfance défend la profession avec ferveur et conviction. Sa vision du métier est limpide et ne souffre d’aucun faux-semblant. Pour ce professeur inspirant, il faut effacer la vision misérabiliste du métier d’assistant. social.e.

 Découvrez la campagne : "J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé

La Haute Ecole est encore somnolente en cette mi-septembre 2021. L’absence résonne dans les couloirs. Depuis la fenêtre du bureau du professeur Zampi, la cour intérieure du bloc C a des allures de cliché. Rien ni personne n’y passe, elle reste là, esseulée, le temps de vibrer de nouveau au rythme des pas, des bisous qui claquent, des regards qui se perdent. De la porte entrouverte émanent des odeurs de soupe provenant du réfectoire. La rentrée est toute proche. «  Il fait calme ce matin mais dès cet après-midi, il y aura du monde  », nous glisse Charles Zampi.

Durant près de deux heures, l’ancien travailleur social et actuel enseignant nous parlera des motivations des futurs assistants sociaux, de leur formation, des attentes des praticiens sur le terrain et nous rappelle surtout combien ce métier est essentiel… Rencontre.

"On ne peut travailler dans un même service pendant 40 ans"

Le Guide Social : Vous êtes diplômé de l’école où vous travaillez à présent, racontez-nous comment vous êtes devenu maitre-assistant et maitre de formation pratique après vos études d’assistant social…

Charles Zampi : J’ai fait ce que l’on appelait à l’époque un graduat, ici même, dans cette école que l’on nommait l’IPSMA avant de devenir Condorcet. J’ai été diplômé en 2000 et j’ai directement réalisé un remplacement durant 6 mois comme assistant social à l’Université du Travail. J’ai ensuite été engagé à l’ONE, à Bruxelles, où je suis resté durant 10 ans. C’était un travail très généraliste autour des familles et de situations liées aux négligences et violences intrafamiliales, à des procédures d’adoption, aux problèmes d’addiction, aux décès en néonat’, aux grossesses à risque, etc. C’était très intense et épuisant psychologiquement. En parallèle, j’ai obtenu un master en sciences du travail à l’UCL, ce qui m’a permis de devenir coordinateur social à l’hôpital Saint-Pierre. Je coordonnais le projet de CAP48 mais je me suis vite rendu compte que la coordination, ce n’était pas fait pour moi.

Le Guide Social : Et après  ?

Charles Zampi : Après 10 ans, j’étais épuisé par le métier, éreinté par les placements d’enfants. Dans l’action sociale, on est tellement dedans qu’on finit par trouver ça normal et puis… on craque. On ne peut travailler dans un même service pendant 40 ans. Heureusement, on peut changer de type d’accompagnement.

Le Guide Social : Qu’est-ce qui vous a fait changer de secteur  ?

Charles Zampi : Il y a eu une situation de trop. Un accompagnement de trop. Un placement de trop. Je me suis dit que le travail d’accompagnement avec les enfants c’était fini. J’ai donc changé de job tout en restant à l’ONE  : j’ai rejoint les Hôpitaux Iris sud. Je faisais de l’accompagnement auprès des femmes et des couples atteints du HIV. En parallèle, je me suis lancé dans un deuxième master en anthropologie et je suis parti au Togo faire une étude sur le HIV. Je voulais comprendre pourquoi les patients choisissaient de se tourner vers les guérisseurs plutôt que de suivre les traitements qu’on leur proposait. En 2010, j’ai fait un remplacement en temps partiel comme MFP –Maitre de formation pratique- à Condorcet. J’étais toujours travailleur social à Bruxelles, à ce moment-là. Puis en 2012, on m’a proposé un temps plein comme MFP et Maitre-assistant. Je donne à présent des cours d’éthique et déontologie, de méthodologie et d’anthropologie.

Le Guide Social : Pourquoi avoir quitté le terrain pour vous consacrer à 100% à l’enseignement  ?

Charles Zampi : J’avais envie de transmettre et sur le plan personnel, ce retour à Charleroi répondait aussi à des raisons familiales.

"Les étudiants AS ont envie de protéger les personnes qui en ont besoin"

Le Guide Social : Pour quelles raisons les jeunes se lancent-ils dans des études d’assistant social ?

Charles Zampi : De manière générale, je pense que les étudiants AS ont la motivation de vouloir aider, de vouloir changer ce qu’ils estiment devoir l’être. Ce qu’ils voient à la télévision, dans la rubrique fait divers, suscite chez eux de la colère. Ils ont envie de protéger les personnes qui en ont besoin.

Certains jeunes se lancent dans ces études parce que dans leur parcours, ils ont connu un.e assistant.e social.e et ils veulent donner l’aide dont ils ont bénéficié. D’autres encore rêvent de devenir psychologue ou criminologue et commencent par un bachelier AS avant de poursuivre leurs études. Pour d’autres enfin, le choix de ce cursus est une suite logique par rapport à leurs secondaires où ils ont suivi des cours en sciences sociales.

Le Guide Social : Que doivent savoir les étudiants avant de se lancer dans des études d’assistant social ?

Charles Zampi : C’est une formation en 3 ans qui laisse beaucoup de liberté à l’étudiant.e. Et qui permet du mûrir énormément en peu de temps. C’est l’étudiant.e qui choisit ses lieux de stage en fonction du secteur qui lui plait. La formation –qui se veut généraliste- est très étoffée pour que chacun puisse y trouver son compte en fonction de ses aspirations.

"C’est un métier qui offre de nombreux débouchés et qui permet de mener une carrière qui n’est pas linéaire"

Le Guide Social : Et que leur dites-vous sur leur futur métier  ?

Charles Zampi : Je leur dis que c’est un métier exigeant qui nécessite des connaissances des législations en vigueur. Si le métier se cantonnait à apporter de l’aide, les bonnes sœurs le feraient mieux que nous. Néanmoins, je tiens à les rassurer aussi en leur disant qu’il existe des outils et des techniques pour bien travailler. On peut s’appuyer sur un arsenal législatif, sur la méthodologie, sur les connaissances en sociologie et en philosophie, etc.

J’essaie d’effacer la vision misérabiliste du métier et de donner une vision positive. Il y a de belles réussites dans les parcours de vie des personnes que l’on accompagne. C’est un métier dans lequel on peut prendre du plaisir. C’est un travail qui n’est pas individuel, on évolue toujours au sein d’une équipe.

Enfin, c’est un métier -et c’est important de le rappeler- qui offre de nombreux débouchés et qui permet de mener une carrière qui n’est pas linéaire. On peut toujours changer de secteur, c’est très ouvert.

Le Guide Social : Quelles qualités, selon vous, doit avoir un.e assistant.e social.e ?

Charles Zampi : Il faut de la rigueur, c’est ce qui est attendu par les praticiens sur le terrain. Il faut des connaissances pour pouvoir délivrer des informations correctes aux bénéficiaires. Et enfin, je dirais qu’il est nécessaire de pouvoir faire preuve de bienveillance.

Le Guide Social : Vers quels types de structures se dirigent-ils majoritairement ?

Charles Zampi : Les secteurs de l’Enfance (SAJ, ONE, etc.) et de la Justice (Maison de justice, prison) attirent majoritairement les jeunes. Le CPAS est aussi souvent retenu.

"Il y a une vision tronquée et très clichée de l’assistant.e social.e. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une profession et non pas d’un sacerdoce"

Le Guide Social : D’après vos observations, diriez-vous que le métier souffre d’une crise de vocation  ?

Charles Zampi : Je ne perçois par de crise de vocation dans le métier d’assistant social. Par contre, je pense qu’il y a une vision tronquée et très clichée de l’assistant.e social.e. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une profession et non pas d’un sacerdoce. Il faut dépasser la vision restrictive de l’aidant. Au Québec, le terme «  travailleurs sociaux  » est utilisé plutôt qu’assistant social et il regroupe aussi bien les assistants sociaux que les éducateurs et les psychologues. Chez nous, on reste dans une dimension idéologique. Or, les jeunes d’aujourd’hui sont dans une démarche moins idéologique qu’il y a 40 ans. Ils ont une vision plus rationnelle de leur (futur) métier.

Le Guide Social : Comment le métier d’AS a-t-il évolué ces 20 dernières années  ?

Charles Zampi : Il a évolué au rythme des changements de notre société. On est dans une société où l’on veut atteindre le risque zéro. Résultat  : dans les métiers en lien avec l’action sociale, on a bombardé le cadre existant de nouvelles règles législatives. La liberté a été retirée aux travailleurs sociaux qui doivent à présent suivre la loi. Ces conditions de travail génèrent de la frustration chez les travailleurs. A ce phénomène, il faut ajouter la précarité d’emploi  : il n’y a pas de vision à long terme et il y a très peu de sécurité. Ma tante a travaillé pendant 45 ans au même endroit. Aujourd’hui, une carrière complète chez le même employeur, ça n’existe quasiment plus. Le management s’est invité dans l’action sociale comme dans d’autres secteurs.

"L’assistant.e social.e a cette neutralité qui permet de tendre vers une égalité/équité pour tous dans l’aide"

Le Guide Social : Pourquoi le métier d’assistant.e social.e est essentiel, d’après vous  ?

Charles Zampi : D’un point de vue politique, l’assistant.e social.e empêche de revivre ce qu’on a vécu au 19e siècle où l’aide à la personne était régie par les instances religieuses sous forme de charité. L’assistant.e social.e a cette neutralité qui permet de tendre vers une égalité/équité pour tous dans l’aide en tentant de se rapprocher de l’objectivité... A ce titre, l’assistant.e social.e est indépendant.e.

Le Guide Social : Qu’est-ce qui vous rend fier, dans votre métier  ?

Charles Zampi : Je suis fier quand je revois d’anciens étudiants épanouis et heureux dans leur métier, d’être témoin de la construction de leur projet de vie.

Lina Fiandaca

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