Le quotidien des bénévoles en hôpital : une autre manière de prendre soin
Le 5 décembre, c’est la journée internationale des Volontaires. A cette occasion, Le Guide Social vous propose une plongée dans le monde du bénévolat en hôpital. Aide aux repas, accompagnement en soins palliatifs, accueil des patients… les activités volontaires dans les structures hospitalières sont nombreuses et toujours plus indispensables face au risque de « déshumanisation » de l’hôpital.
Dans les couloirs de l’hôpital de jour du service oncologie de Godinne, l’un des sites du CHU-UCL Namur, le rire de Corinne Steveny rompt avec le bruit des sabots des infirmières et les bips des machines. « Je pense être joyeuse quand je suis à l’hôpital, en tous cas c’est ce que je veux transmettre », confie la bénévole, en souriant.
Tous les lundis, depuis dix ans, cette infirmière sociale de formation propose des massages de mains, de pieds, de jambes, de visage, de crâne et de dos aux patients. « J’arrive le matin vers 9h30, je passe de chambre en chambre, et j’arrête quand plus personne n’a besoin de moi », raconte-t-elle juste après avoir terminé son cinquième massage de la matinée. En moyenne, elle en réalise entre dix et quinze par jour.
Comme elle, des milliers de bénévoles donnent de leur temps dans les hôpitaux. Aucun chiffre précis n’existe à l’échelle nationale, mais le CHU-UCL Namur en compte déjà 450, répartis sur ses trois sites. Ils sont également 380 aux Cliniques universitaires Saint-Luc, et une cinquantaine sur le site de Vivalia à Arlon, qui est justement en train d’en recruter des nouveaux.
Marie Ciammara, la cadre infirmière, en charge de la supervision des volontaires, cherche en priorité des personnes qui puissent venir régulièrement et sur le long terme. « D’abord, pour assurer la continuité, car c’est une aide super importante pour les patients et pour les équipes, mais aussi pour qu’ils apprennent à connaitre l’institution et qu’on puisse créer une relation de confiance », explique la professionnelle.
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« Des compétences de cœur »
Jacques Gérardy, coordinateur du volontariat au CHU-UCL Namur, partage cet avis : « On est dans une société du zapping et cette mentalité imprègne aussi un peu le bénévolat. Pourtant, chez nous, il faut plusieurs mois avant qu’un bénévole ne soit autonome. Et l’arrivée de chaque volontaire implique un investissement de notre part ». Le CHU-UCL Namur offre une formation de trois jours (obligatoire) à toutes les nouvelles recrues.
Mise à part cela, le volontariat en hôpital ne requiert aucune compétence spécifique, si ce n’est « des compétences de cœur », affirme Jacques Gérardy. Il lui arrive toutefois d’orienter les candidats vers d’autres formes de bénévolat, par exemple quand nos activités ne sont pas adaptées à leur état de santé. « Mais nous avons une telle offre que les refus sont de plus en plus rares », reconnait celui qui a exercé comme infirmier pendant près de 20 ans.
Bibliothèque des patients, accompagnateur-chauffeur, maison d’accueil des familles, boutique, accompagnement en soins palliatifs, bénévoles polyvalents… au CHU-UCL Namur, les volontaires ont le choix entre une quinzaine de services, progressivement mis en place depuis 1977.
« C’est l’accessoire qui apporte la qualité »
A l’hôpital Vivalia d’Arlon, on croise les bénévoles à l’accueil, pour aider les patients à s’orienter, et au service gériatrie, pour l’aide aux repas. « Un patient fragilisé peut mettre jusqu’à 30 minutes pour manger. Si on veut améliorer le temps des repas, il faut des gens pour nous aider », observe Pascale Drouard, infirmière cheffe du service gériatrie.
Ici, comme dans les autres hôpitaux, les soignants manquent de temps et doivent se concentrer sur les soins. « On doit établir des priorités, mais ce que l’on considère comme accessoire apporte pourtant beaucoup à la qualité du ressenti des patients », reprend-elle. Ce temps « accessoire », ce sont les volontaires qui peuvent l’offrir.
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« Une fenêtre ouverte vers le monde extérieur »
Bernadette, volontaire au service gériatrie depuis quinze ans, peut parfois passer jusqu’à 45 minutes avec un patient. Parfois, il faut leur couper la viande, ouvrir la bouteille, voire leur donner à manger s’ils le demandent. Et surtout, les écouter.
« Très vite, ils se confient. Ils nous disent des choses qu’ils ne disent pas aux enfants ou aux infirmiers. Leur langage et leur regard sur nous est différent, ils nous voient comme des personnes qui viennent de l’extérieur », raconte la septuagénaire, qui a ses petits secrets pour enclencher la conversation : « J’ai vécu à différents endroits en Belgique, donc je peux me raccrocher à un détail sur un lieu, ou bien nous pouvons avoir des connaissances en commun ».
« Ça discute pas mal ! », confirme Pascal Drouard, qui observe les bienfaits sur les patients : « Cela leur fait du bien au moral. Parfois ils me demandent si la volontaire reviendra le lendemain, il y a quelque chose qui se passe entre eux ».
Pour Corinne Steveny, le massage est « un bon prétexte » pour créer le lien. Elle n’entame jamais la conversation : certains préfèrent profiter de ce moment pour s’endormir ou se détendre. Depuis quelques semaines, elle a également rejoint l’équipe de soutien en oncologie et soins palliatifs. Là encore, ce sont les patients qui guident les échanges. « Parfois, on reste juste à côté d’eux pour leur tenir la main en silence. »
Dans les grosses machines que sont les hôpitaux, non seulement « les bénévoles sont une fenêtre ouverte sur le monde extérieur », résume à son tour Jacques Gérardy, mais ils permettent aussi de répondre « au défi de la déshumanisation des hôpitaux ». L’infirmier le constate : les soignants disposent de moins en moins de temps pour la dimension humaine de leur métier et « les volontaires peuvent compenser partiellement, par une autre forme d’approche ».
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Une frontière bien délimitée
Pas question toutefois que les bénévoles remplacent les professionnels. « Ils ne sont pas là pour boucher tous les trous des dysfonctionnements institutionnels », insiste Jacques Gérardy. Pour éviter les dérives, le CHU-UCL Namur a instauré, dès 1988, une convention d’entreprise qui encadre les activités de volontariat. « Si je veux lancer un nouveau projet ou étendre une activité, cela doit être validé par le conseil d’entreprise, où les syndicats ont un droit de véto », illustre le coordinateur, persuadé qu’un tel cadre est indispensable à un volontariat sain et efficace.
A Arlon aussi, la frontière entre le travail des infirmières et les activités des volontaires est claire. Chaque jour, Pascale Drouard, ou une collègue, indique les chambres où la présence des bénévoles est souhaitée. Pas question, par exemple, de les envoyer auprès de patients qui ont des troubles de déglutition. « Il faut bien expliquer aux équipes qu’elles ne peuvent pas déléguer à outrance et aux bénévoles qu’elles doivent refuser si une situation leur parait limite », insiste-t-elle.
Les frictions existent parfois, comme dans toute « communauté humaine », reconnaît Jacques Gérardy. Mais « dans 90 % des cas, ce sont des problèmes de communication plutôt que de véritables conflits ». Corinne Steveny, elle, veille à « ne pas être dans les pattes » : « Je fais les massages seulement quand je suis sûre de ne déranger personne. »
Pascale Drouard l’admet : chapeauter les bénévoles, faire le pont entre eux, les soignants et les patients, tout cela prend du temps. Mais les « retours positifs des patients » la convainquent du rôle essentiel du bénévolat dans son service. « Puis, le fait de ne pas superviser que des soignants me sort du quotidien et ramène de l’humain », dit-elle.
Au CHU-UCL Namur, Jacques Gérardy est d’ailleurs l’un des rares en Belgique à disposer d’un mandat dédié à la coordination du bénévolat. Il plaide depuis des années pour que les pouvoirs publics financent de tels postes, car il en est convaincu : le volontariat dans le monde hospitalier est un véritable atout et un enjeu fondamental.
Caroline Bordecq
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