Le travail social se dote d’un nouveau Code de déontologie
Présenté en octobre dernier à Namur, le nouveau Code de déontologie des Assistant·es sociaux·les et du travail social est aujourd’hui disponible, et diffusé par le Comité de Vigilance en Travail Social (CVTS). Un outil rédigé collectivement au travers d’un processus coordonné par le CVTS qui, après la disparition de l’UFAS, vise à redonner un cadre éthique commun aux travailleurs sociaux dans un contexte où contraintes institutionnelles et réalités de terrain pèsent parfois très lourd sur ces professions.
Pour mieux comprendre cet outil (fruit d’un groupe de travail composé de personnes de terrain, de représentants de différentes fédérations, de formateur·ices en travail social et d’associations représentantes de bénéficiaires), nous avons échangé avec Philippe Degimbe, Marc Chambeau et François Istasse, tous trois ayant contribué à cette rédaction collective.
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Une mise à jour nécessaire
Le code de référence jusqu’alors dit "code de l’UFAS", datant de 1985, n’avait plus été mis à jour depuis. Porté par une institution disparue l’année dernière, cet outil ne correspondait plus aux réalités de la profession au 21e siècle, comme le détaille l’équipe de rédaction dans le préambule de ce nouveau code désormais accessible en ligne sur le site du CVTS. "À l’origine, nous envisagions de nombreuses évolutions", précise l’équipe, "mais nous avons choisi – après consultation d’experts juridiques – de garder les bases déjà solides du précédent code pour construire un outil relativement simple. Avec l’envie de faire évoluer celui-ci, et d’ajouter des interprétations au fur et à mesure de son utilisation, plutôt que d’en faire un document très long et de le rendre plus difficilement lisible."
Autre changement notable : le code de 1985 s’adressait uniquement aux assistants sociaux. Pour répondre aux réalités du terrain, et à l’émergence de nombreux métiers du travail social n’ayant pas forcément de formation dédiée, le CVTS a élargi ce nouvel outil à l’ensemble du travail social. "Il nous semblait en effet important d’encadrer aussi ces nouveaux métiers, toutes ces personnes qui posent des actes s’apparentant au travail des assistants sociaux sans en avoir le diplôme légal. Une réalité qu’il était essentiel d’inclure dans ce texte aujourd’hui."
Baliser collectivement et revenir à l’essence du travail social
Sans avoir force de loi, ce code de déontologie se veut un outil de réflexion collaborative, souligne l’équipe. Un instrument qui permet, en moins de vingt pages, de réaffirmer les fondements du travail social et des valeurs qui le sous-tendent, et de baliser ensuite les grandes lignes de la pratique du travail social aujourd’hui. "Ce sont des balises très générales", ajoute l’équipe, "notamment au niveau du secret professionnel qui est une notion extrêmement complexe par ailleurs. Et c’est par exemple autour de cet axe que nous avons l’intention de développer des annexes, pour permettre aux travailleurs sociaux de se familiariser plus amplement avec toutes les subtilités de ces notions. Des groupes de travail mêlant des travailleurs sociaux de secteurs différents ont déjà été constitués, et ces groupes vont venir nourrir le code et l’enrichir, de manière collective."
Un enrichissement toujours guidé par les principes généraux de justice sociale, de dignité humaine et de respect des droits humains et de l’autodétermination de la personne, racines élémentaires qui sous-tendent ce code de déontologie.
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Un code vivant
D’emblée, la volonté du CVTS a été d’impliquer un maximum de personnes dans cette réflexion. Ainsi, le Collectif des formateur·ices en travail social (CFTS) a lui aussi collaboré à cette rédaction, un travail lancé officiellement le 17 octobre 2024, et concrétisé ce 17 octobre dernier. "Cette date, celle de la journée mondiale de la lutte contre la pauvreté, était marquante à plus d’un titre. Scander cette réflexion au travers de ces rendez-vous, c’est aussi une manière d’impliquer les acteurs et de créer des moments pour faire vivre ce code."
Pour l’équipe, il n’est en effet pas question de développer ce code en cercle fermé. L’outil se veut vivant, évolutif et en connexion permanente avec le terrain. On l’évoquait plus tôt, le chantier du "secret professionnel" (abordé dans le troisième chapitre du code) a déjà suscité de nombreux échanges, mais ce n’est pas la seule piste de réflexion. "En tant que CVTS, nous sommes ouverts et intéressés à toutes ces démarches, car c’est le signe d’une réappropriation du code par les professionnel·les de chaque secteur, que ce soit au niveau de la jeunesse, des milieux hospitaliers ou encore du côté du sans-abrisme."
Autant de pistes possibles, pour faire grandir cet outil de manière collaborative. "Lorsque nous nous sommes lancés dans ce processus, la question de la légitimité s’est évidemment posée. Il n’y a pas d’instances qui représentent aujourd’hui le travail social dans son ensemble, tout simplement parce que celui-ci est trop éclaté. Avec ce code, que nous n’avons pas souhaité normatif, nous espérons poser une première pierre mais nous espérons surtout que les équipes s’emparent de celui-ci et le fassent vivre. Ce sont elles qui donneront toute sa valeur à cet outil, en l’incorporant dans leurs pratiques, dans leurs règlements de travail ou dans leurs contrats mais aussi dans les différentes formations. Et en ce sens, nous avons déjà eu de nombreux retours."
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Les écoles comme vecteurs de diffusion privilégié
Aujourd’hui couché sur papier, c’est désormais à la diffusion du code que s’attèlent les bénévoles du CVTS, qui reçoivent aujourd’hui de nombreuses demandes "en tant qu’experts" du sujet. "Cette expertise s’est construite au travers de cette rédaction, mais nous n’avons pas la prétention d’avoir toutes les réponses. Ce que nous pouvons faire, c’est diriger vers d’autres en cas d’interrogations précises, et cela s’inscrit justement dans notre approche collective. Et au-delà de ces orientations, nous travaillons également à diffuser l’outil autant que possible."
Par le biais des écoles, principalement, qui permettent d’une part de toucher étudiants et formateurs, mais aussi les différents lieux de stage et institutions liées à celles-ci. "Cela étant dit, nous faisons déjà face à un problème de demandes d’interventions et de présentations trop nombreuses. L’un des enjeux de cette année sera de réfléchir à cette diffusion, dans la mesure de nos moyens."
Un outil politique pour oser le travail social en 2025
"Pour nous, il est évident que ce code constitue aussi un outil politique", conclut l’équipe. "Défendre le travail social, affirmer son importance, et l’importance de cette définition de la déontologie qui vient parfois le frotter à des enjeux sécuritaires, des enjeux de management, ou des volontés de simplification administrative qui impactent les travailleurs de terrain. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce code, mais l’évolution de la société fait que ces enjeux deviennent un vrai combat."
Et ce code, collectif, un moyen pour lutter contre l’isolement des travailleurs, et un outil de défense du travail social dans son ensemble !
Kévin Giraud
Pour en savoir plus, rendez-vous sur https://www.comitedevigilance.be/
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