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Sarah de Liamchine prend les rênes du Samusocial : « Un secteur aux enjeux colossaux ! »

01/10/25
Sarah de Liamchine prend les rênes du Samusocial : « Un secteur aux enjeux colossaux ! »

Fraichement arrivée au poste de directrice du Samusocial, Sarah de Liamchine a pris la mesure des enjeux qui l’attendent. Pour le Guide Social, elle a accepté de revenir sur son parcours et de partager sa vision sur l’ASBL bruxelloise et sur un secteur qui doit faire face à des défis financiers et sociaux colossaux.

Depuis début septembre, le Samusocial de Bruxelles a une nouvelle directrice générale, Sarah de Liamchine. Après quinze d’expérience dans l’éducation permanente et l’action sociale, l’ancienne directrice du mouvement Présence et Action Culturelles (PAC) succède à Sébastien Roy. « C’est un gros défi ! », confie-t-elle au Guide Social, à qui elle a accepté de partager sa vision pour l’ASBL et ses dossiers prioritaires.

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« Après dix ans à travailler sur la sensibilisation, j’avais envie de mettre mon énergie dans l’aide d’urgence »

Le Guide Social : Pourriez-vous nous raconter votre parcours professionnel avant le Samusocial ?

Sarah de Liamchine : J’ai toujours eu un pied dans le non marchand et sur la question des droits. Mes premières années, j’accompagnais des structures non marchandes sur leur communication en ligne. Après avoir suivi un master en sciences du travail en cours du soir, j’ai travaillé au sein de la CGSP, où j’ai coordonné le service d’études. Puis, j’ai pris le poste d’adjointe à la direction au PAC, où j’ai été ensuite co-directrice jusqu’en 2025. Toutes ces années, j’ai navigué dans les mêmes eaux mais dans des institutions différentes, ce qui me permet d’avoir une vision très 360° sur ces questions de la solidarité, des droits et de la sécurité sociale.

Le Guide Social : Le monde du sans-abrisme est tout nouveau pour vous.

Sarah de Liamchine : Lorsque j’étais au PAC, je côtoyais ce secteur en tant qu’acteur de deuxième ligne, car nous menions des projets avec des personnes qui avaient connu la rue ou des institutions qui les accompagnent. Mais après dix ans à travailler sur la sensibilisation - qui est très importante - j’avais envie de mettre mon énergie dans l’aide d’urgence, de pouvoir à la fois déployer des moyens pour mettre des gens à l’abris, tout en apportant mon regard d’éducation permanente sur la question de la place qu’on donne à la voix des bénéficiaires.

« Un de mes dossiers prioritaires est d’intégrer davantage la parole des bénéficiaires »

Le Guide Social : Comment se passent vos premiers pas ?

Sarah de Liamchine : C’est un gros défi ! J’ai découvert un secteur qui a des enjeux colossaux, car les financements ne vont pas en s’augmentant mais les besoins, eux, oui.

Mes premières semaines sont consacrées à la découverte de la structure, la prise de contact avec les politiques et les associations proches. J’essaie de visiter un centre du Samusocial par semaine. Je pense que c’est en étant proche du terrain et de sa réalité qu’on peut apprendre. J’ai d’ailleurs encore beaucoup de choses à apprendre et ça me motive !

Le Guide Social : Quels vont être vos dossiers prioritaires pour le Samusocial ?

Sarah de Liamchine : En interne, il y a plusieurs défis. Le premier sera de travailler sur l’identité Samusocial. La structure a beaucoup grandi grâce à mon prédécesseur Sébastien Roy, le personnel a presque triplé en dix ans, et je veux contribuer à renforcer cette identité à laquelle les équipes sont très attachées. Je souhaite aussi intégrer davantage la parole des bénéficiaires. Des projets de comités de bénéficiaires s’apprêtent à voir le jour, je veux les soutenir. Enfin, je compte amener ma connaissance de l’éducation permanente ou encore de la culture, pour collaborer davantage avec d’autres structures et faire sortir la question de la pauvreté vers d’autres secteurs.

« A force de grignoter les budgets, il ne faudra pas s’étonner de vivre des drames »

Le Guide Social : Vous évoquiez des besoins qui augmentent sans les budgets qui suivent. Le fédéral a justement annoncé qu’il ne financerait plus le plan grand froid.

Sarah de Liamchine : A priori, le Samusocial ne sera pas directement impacté par cette mesure. Le problème étant que les régions et les communes ne pourront pas compenser, donc d’une certaine manière le fédéral acte que des personnes resteront à la rue. Ce renvoi de balle politique auquel on assiste n’est pas digne d’un pays signataire de la déclaration universelle des droits humains. A force de grignoter les budgets, il ne faudra pas s’étonner de vivre des drames.

Notre message aux politiques n’est pas seulement financier, mais on leur demande de réfléchir à l’impact des décisions qu’ils prennent car le risque est de pousser les gens vers la rue.

Le Guide Social : Depuis août, le fédéral a également limité le droit à l’aide matérielle pour certaines catégories de demandeurs d’asile. Cela a d’ores et déjà des conséquences sur vos activités ?

Sarah de Liamchine : On a constaté une augmentation des demandes en même temps que ce changement. Est-ce que les deux sont liés ? On ne peut pas encore l’affirmer officiellement, nous commençons à cumuler des données à ce sujet. Mais des familles qui ne reçoivent plus l’aide matérielle via Fedasil vont appeler le numéro de l’aide sociale. C’est un jeu de vases communicants. Ce n’est pas parce qu’on supprime les aides que les personnes disparaissent.

Au Samusocial, on doit déjà refuser des familles. Il arrive aussi qu’on en fasse sortir de centres d’urgence pour en accueillir d’autres qui sont dans des situations plus critiques. C’est très dur pour les travailleurs. J’aimerais inviter les ministres à venir dans les centres dans lesquels on refuse des familles pour qu’ils fassent ces choix avec nous.

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« Dans les années compliquées qui arrivent, la force du secteur social sera de travailler ensemble »

Le Guide Social : Le risque étant de devoir faire toujours plus avec moins de moyens.

Sarah de Liamchine : C’est un problème sachant qu’au Samusocial la qualité de l’accueil est très importante. L’accueil, ce n’est pas juste mettre les personnes à l’abris la nuit, mais c’est les faire sortir durablement de la rue. Le but du Samusocial ce n’est pas d’avoir 3.000 places en plus pour héberger, mais que les personnes qui sont à la rue trouvent rapidement des solutions pour en sortir. Et cela veut dire une bonne coordination entre les acteurs.

Le Guide Social : Comment comptez-vous vous y prendre ?

Sarah de Liamchine : Grâce à mon expérience dans différents secteurs du champ social, j’ai vu beaucoup de portes d’entrées permettant aux gens de récupérer des droits. Je vais essayer d’amener ma lecture du champ institutionnel social et de sécurité sociale pour amener des collaborations et des réflexes, pour faciliter la résolution des dossiers des personnes.

Face aux années très difficiles qui arrivent dans le secteur social, il faut constituer une espèce de filet, où chacun travaille sur ses missions tout en collaborant avec les autres. On doit s’ouvrir aux autres. Même si j’ai conscience que cela peut être un effort pour une grosse maison comme le Samusocial de se rendre accueillant à d’autres institutions.

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Le Guide Social : L’horizon est d’autant flou à Bruxelles, qui n’a toujours pas de gouvernement. Quel est l’impact sur le Samusocial ?

Sarah de Liamchine : Quasiment toutes nos subventions viennent de la région, mais nous n’avons pas subi de coupes. Nous nous avons quelques financements qui sont facultatifs et pour lesquelles nous devons multiplier les contacts avec les cabinets et les administrations afin d’avoir des garanties. Nous n’avons aucune certitude non plus sur l’indexation de nos financements, nous sommes en pleine négociation.

Le dialogue est ouvert, tout le monde comprend la situation, mais il y a un blocage institutionnel. Le Samusocial héberge 2.000 personnes par jour, c’est un travail logistique titanesque ! Et naviguer à vue de trois mois en trois, c’est plus que stressant. Pour garantir un accueil et des conditions de travail de qualité, nous avons besoin de travailler avec des budgets sereins sur plusieurs mois, voire plusieurs années.

Je dois dire qu’il y a beaucoup de solidarité entre les équipes du Samusocial, qui font face à ces situations avec beaucoup de courage.

Propos recueillis par Caroline Bordecq

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Copyright de la photo : Samusocial




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