Grève : mobilisation massive de l’équipe de gynécologie-obstétrique du CHU Saint-Pierre

Le 14 octobre, l’équipe de gynécologie-obstétrique du CHU Saint-Pierre s’est mobilisée massivement pour défendre un système de santé publique à bout de souffle. Par cette grève inédite, les soignant·es ont dénoncé les réformes annoncées par le gouvernement Arizona et le sous-financement chronique qui fragilise la qualité des soins, la solidarité et les valeurs humaines au cœur de leur métier.
Mardi 14 octobre, nous nous sommes mobilisés de façon massive et sans précédent pour dénoncer les réformes annoncées par le gouvernement Arizona, ainsi que les manques chroniques de financement qui mettent en péril notre système de santé publique et l’accès aux soins pour tou.te.s.
En tant que travailleur.euses du CHU Saint-Pierre, nous adhérons et portons quotidiennement les valeurs de notre hôpital : la qualité, l’innovation, la solidarité, le respect et l’engagement. Par ailleurs, nous nous engageons en équipe à apporter des soins à tou.te.s, en garantissant à chacun.e un traitement unique avec le respect fondamental de l’être humain. Nous pensons que ces missions et valeurs sont aujourd’hui gravement menacées.
Qualité des soins et innovation
En tant qu’institution publique, nos soins se basent sur les principes de santé publique et les résultats récents de la littérature scientifique. Nous collaborons activement avec la première ligne de soins ambulatoire, la prise en charge est adaptée au niveau de santé de chaque bénéficiaire, l’équipe pluridisciplinaire et des technologies de pointe sont accessibles à tout moment en cas de besoin. Nous publions depuis 4 ans les données périnatales de notre institution afin de permettre à chaque femme son libre choix d’établissement de soins. Cela s’inscrit dans une volonté continue d’amélioration en équipe et de transparence de nos pratiques.
A l’heure actuelle, les financements ne permettent plus aux hôpitaux de couvrir leurs coûts de fonctionnement quotidien. La tarification à l’acte ne valorise ni le temps intellectuel et relationnel, ni la qualité du soin. Les nomenclatures sont obsolètes et reflètent le manque de considération de notre système à l’égard de certaines vies humaines : à titre d’exemple, il n’existe aucun code facturation pour les soins dispensés aux nouveau-nés en bonne santé.
Solidarité
En tant qu’acteur.ice.s du secteur périnatal, nous assurons tous les jours le meilleur accueil possible pour chaque nouveau-né car nous savons que la période des 1000 premiers jours est cruciale pour réduire les inégalités de santé. Les investissements ultérieurs sont rarement aussi efficaces pour enrayer un départ de vie fragilisé. Investir dans la périnatalité, c’est participer à une réelle politique de réduction des inégalités de santé pour tou.te.s.
Les réformes annoncées jusqu’ici menacent les plus vulnérables (les malades de longue durée, les personnes contraintes à l’exil, les femmes, les sans-abris). Or, les conditions de vie ont un impact considérable sur la santé des citoyen.ne.s et nous, soignant.es, en sommes les témoins quotidiens. A la lumière des leçons tirées de la crise sanitaire de la Covid-19, il apparait que fragiliser la population générale dans un système déjà chroniquement sous-financé et sous tension est extrêmement dangereux.
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Respect
Chaque jour, nous portons le care dans nos mains et dans nos mots : "Tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre ’monde’, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible". Nous accompagnons la vie qui naît, la peur, la douleur, la fragilité, la résilience, le courage. Nous sommes là, présent.e.s, au cœur de l’intime. Nous affirmons que le care est une disposition collective, capable d’engendrer l’épanouissement, la richesse humaine et la cohésion sociale. Nos chartes de travail et notre esprit d’équipe s’appuient sur ces fondements communs.
Mais face à notre vision du soin comme une relation et une responsabilité, se dresse une autre logique : la marchandisation des soins. Cette logique est déshumanisante et réduit l’expérience de naissance à un "trajet de soins", la patiente à un lit, le temps passé à une perte. Il s’agit d’une logique néolibérale qui transforme les hôpitaux en entreprises, les soignant.e.s en ressources à optimiser, et les gestes de soin en prestations tarifées.
Engagement
Nos codes de déontologie professionnels, le droit belge et les codes juridiques des droits humains sont univoques : l’Etat et les professionnel.le.s de soins ont la responsabilité de garantir des prestations de qualité répondant aux besoins du patient et dans le respect de la dignité humaine, sans qu’aucune distinction ne soit faite. Les bénéficiaires doivent pouvoir recevoir les informations qui les concernent dans un langage clair pour comprendre leur état de santé et son évolution probable, pour consentir librement à toute intervention de soin. Ces principes sont des facteurs clefs de la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales, contre lesquelles nous sommes engagé.e.s collectivement et qui exigent du temps et de la supervision.
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Les contraintes financières actuelles altèrent nos conditions de travail et individualisent notre responsabilité et nos engagements moraux vis-à-vis de nos bénéficiaires. Le manque de matériel, de service support, de difficultés à travailler en équipe complète, et de temps de façon générale, menacent la qualité de notre travail et accentuent la perte de sens. Un soignant sur huit est à risque de burn-out (12%), un soignant sur quatre envisage de quitter la profession, 46% sont à temps partiel dont plus de la moitié en raison de la pénibilité du travail. Nous dénonçons la violence institutionnelle qui s’exerce sur les travailleur.euses et affirmons que le care doit être une question politique et pas seulement un acte individuel ou affectif. Les équipes seules ne peuvent pallier les manques structurels.
Conclusion
Le 14 octobre nous avons été en grève pour dénoncer les logiques néolibérales du gouvernement Arizona qui traduisent la hiérarchisation des vies et menacent les droits humains. Nous revendiquons une transformation radicale de la manière dont nos institutions pensent le soin. Car le care ne se mesure pas, ne se rentabilise pas, ne s’administre pas comme un protocole. Il se vit, il se partage, il se transmet.
Travailleur.euses engagé.e.s et militant.e.s, nous continuerons à nous battre pour que l’hôpital public reste un lieu d’excellence partagé et un refuge pour toutes celles et ceux qui n’ont nulle part ailleurs où aller.
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