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La psychothérapie : un métier à part entière !

25/02/16
La psychothérapie : un métier à part entière !

Le récent remaniement de la loi Muylle par la Ministre De Block ne satisfait pas tous les psychologues. Si la FBP (Fédération belge des psychologues) soutient le projet, ce n’est pas le cas de l’APPpsy. Cette dernière soutient que la psychothérapie est un métier à part entière. Interview d’Alain Rozenberg, l’un de ses administrateurs, psychanalyste et psychologue au service de Santé mentale de Braine l’Alleud.

Quelle est la position de l’APPpsy face à la position adoptée par la Ministre De Block sur la profession de psychothérapeute ?

Pour situer les choses, l’Association des Psychologues Praticiens d’Orientation Psychanalytique est actuellement l’une des 2 fédérations nationales de psychologues, reconnues en Belgique. Elle est l’association qui compte le plus de psychologues cliniciens psychothérapeutes francophones du pays. Elle a été fondée en1986 et se veut étrangère à tout esprit de corporatisme. L’APPpsy est, avec d’autres, à l’origine des textes de la Loi Muylle de 2014, visant à réglementer l’exercice de la psychologie clinique, de l’orthopédagogie et de la psychothérapie. Cette loi, et l’architecture qui s’en dégage, est le fruit d’une large consultation des différents acteurs de terrains, académiques, etc., ce qui permis d’aboutir à un consensus qui était loin d’être évident.
Malgré ce qui parfois a été colporté, nous n’avons pas été consultés par la Ministre De Block ou son cabinet, concernant son projet de modification de la Loi. Nous avons pourtant essayé de la contacter à maintes reprises pour la rencontrer, mais son refus fut explicite, alors que d’autres ont été consultés. Je suppose qu’elle connaît notre position ! Mais pour pas mal de choix, la Ministre travaille à guichets fermés.

Du coup, vous estimez que votre position face au métier de psychothérapeute n’a pas été entendue ?

En ce qui concerne la psychothérapie, nous estimons qu’il s’agit d’une profession à part entière, d’une discipline spécifique et qu’elle n’est pas une spécialisation. Il ne s’agit pas d’un ensemble d’actes techniques spécialisés. C’est pourquoi nous soutenons qu’il est nécessaire, comme la loi Muylle le prévoit dans les grandes lignes, d’être en possession d’un diplôme de base (balisé par la Loi), d’une formation de 4 ans en psychothérapie et de la nécessité d’une pratique préalable à l’exercice du métier, ainsi que de formations continuées. Il faut de la bouteille pour être psychothérapeute. Exercer le métier en sortant des études de psychologie, qui sont très généralistes, n’est pas approprié. De plus, les 4 courants psychothérapeutiques reconnus dans la loi Muylle ont chacun leurs propres modalités d’évaluation. Imposer l’evidence based comme seule méthode d’évaluation (d’autant plus qu’elle est parfois remise en question dans les milieux médicaux eux-mêmes), ne nous semble pas pertinent. Nous soutenons plutôt une méthode practice based pour évaluer nos pratiques.

D’autres points vous posent-ils problème dans la révision de la loi ?

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais pour encore épingler un autre élément : celui d’éventuels remboursements des séances de psychothérapie ou de psychologie clinique par l’Inami, nous pensons qu’il serait préférable de donner plus de moyens aux Services de Santé Mentale ou d’en augmenter leur nombre pour accueillir la souffrance psychique. D’autant que ces remboursements nécessitent des diagnostics et donc des étiquetages systématiques, alors qu’il ne faut pas souffrir d’une maladie pour s’adresser à un psy ! Ici on réduit le paradigme de la santé mentale à celui d’une médecine somatique, alors que ce sont 2 champs distincts de la santé. En fait, les deux paradigmes sont complémentaires et il est nécessaire que ces 2 champs (santé médicale et psychique) collaborent au mieux, tout en gardant leurs spécificités.

Les propositions de la Ministre ne sont-elles pas en faveur d’une plus grande protection du titre de psychologue clinicien ?

Le titre de psychologue est protégé depuis 1993. Pour le porter, il faut être enregistré auprès de la Commission des psychologues, qui délivre un agrément. La loi Muylle vise à donner un statut à part entière au titre de psychologue clinicien. Elle prévoit d’ailleurs la création d’un Conseil Supérieur de la Psychologie Clinique, ce qui n’est pas le cas du nouveau projet de loi. Le cadre de la loi Muylle donnait une autonomie au psychologue clinicien quant à ses actes, face aux craintes d’une possible paramédicalisation de la profession. Aujourd’hui, le risque existe. Nous ne voulons par exemple pas dépendre des commissions médicales provinciales, comme cela a pu être évoqué.

N’est-ce pas une façon de clarifier le secteur et un gage de qualité pour les professionnels de la santé mentale ?

A nouveau, la loi – votée par tous sauf la N-VA et le Vlaams Belang - donnait des gages de qualité au secteur. Elle permettait que différents courants puissent être représentés, ce qui garantissait une éthique de choix thérapeutiques pour les patients. Chaque courant avait droit de cité au travers d’un conseil supérieur de la psychothérapie constitués par 4 chambres : une pour chaque courant reconnu. Ceci est supprimé dans le nouveau projet de loi. Par ailleurs, le secteur de la santé mentale est un secteur dans lequel les professionnels sont sérieux, rigoureux et soutiennent une éthique dans leur travail. Le secteur n’a pas attendu une loi pour arriver à ce résultat. A ce jour, il n’y a que très peu de charlatanisme et aucune loi ne pourra complètement l’éliminer. Les psychologues possèdent depuis peu un code de déontologie et un organe disciplinaire voit le jour. Du côté des psychothérapeutes, la loi Muylle prévoit un cadre très strict pour l’obtention des reconnaissances.

Sur quels points vous différenciez-vous des positions adoptées par la Fédération Belge des Psychologues ?

D’abord, il faut préciser que nous avons des échanges entre fédérations qui ont pu aboutir à des collaborations et que nous nous rencontrons, entre autres, à la Commission des Psychologues. Ceci étant dit, nous avons des positions différentes quant à la réglementation de la profession : autant nous soutenons la loi Muylle, autant la FBP soutient le nouveau projet. Les quelques points évoqués plus haut donnent un aperçu des points de divergences.
Sans vouloir parler en son nom, la FBP voudrait que la psychothérapie soit réservée aux médecins et aux psychologues. Nous pensons que ce métier, sur base d’importants compléments de formations, peut être exercé par des personnes ayant une formation de base autre et qu’il s’agit bien d’un métier à part entière.

Les psychologues n’auraient-ils pas intérêt à fédérer davantage leurs positions pour faire entendre leur voix ou cela n’est pas possible au vu de la diversité des orientations de cette profession ?

Bien sur et cela avait été le cas pour la construction de la Loi Muylle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais il n’existe pas « les psychologues », il y a des psychologues, 2 fédérations, bientôt plusieurs. Nous avons aussi et fort heureusement des débats d’idées, il n’y a pas de pensée unique. Il est important que nos différences puissent enrichir le champ qui nous occupe et de préserver une conception plurielle et transdisciplinaire des pratiques et des formations dans le domaine des soins de santé mentale.

Propos recueillis par Sandra Evrard

Plus d’infos : www.apppsy.be

A lire aussi : Limitation de l’exercice de la psychothérapie : une bonne nouvelle pour les psychologues !



Commentaires - 8 messages
  • Ce mémorandum diffusé par l'APPPSy et d'autres fait suite à la proposition de notre Ministre de la Santé, Maggie De Block, d'intégrer la psychothérapie dans la loi du 10/05/2015 ( cfr l'ex AR 78). Elle s'appuie sur l'avis n° 7885 du Conseil supérieur de la sante (CSS - Conseil Supérieur de la Santé).

    Cette insertion n'est pas sans conséquence sur la loi Muylle de 2015. Essentiellement, il en résulte que seuls les professions intégrées dans cet article pourront prétendre à exercer la psychothérapie après une formation supplémentaire spécialisée en psychothérapie d'au moins 4 ans. Il n'y est pas précisé si les formations reconnues seront limitées au panel de 4 orientations psychothérapeutiques reprises dans la loi du 4 avril 2014.
    L'autre conséquence, suivant en cela le CSS, est que la psychothérapie est définie comme un traitement et plus comme une profession spécifique telle qu'elle figure dans la loi Muylle.
    De la sorte, la qualité du soin psychothérapeutique aux bénéficiaires est davantage garantie puisque ce type de traitement serait essentiellement dispensé par des psychiatres ou des psychologues cliniciens, formés en psychothérapie. Des mesures transitoires permettront à ceux exerçant la psychothérapie de poursuivre leur travail moyennant une procédure de reconnaissance. Tant les universités que les écoles de formation privées pourront continuer à prétendre assurer cette formation. Cependant, au terme de cette période transitoire, seuls les psys pourront se former à la psychothérapie pour l'exercer en toute légalité.

    Les psychologues cliniciens ne peuvent que s'en réjouir. La loi permet à la psychothérapie d'être exercée par des professionnels de la santé reconnus légalement dont font partie maintenant les psychologues cliniciens. Elle offre aussi un cadre qui garantit que le psy exerçant la psychothérapie est contraint à une formation de qualité reconnue et au respect de la déontologie du psychologue (sous peine de sanctions). Outre la garantie de qualité pour les bénéficiaires de la psychothérapie, cette insertion dans un cadre légal est une des conditions nécessaires pour pouvoir envisager un remboursement de l'exercice de la psychothérapie par notre société et l'INAMI.
    Cependant, plusieurs questions posées dans ce mémorandum méritent que notre ministre s'y arrête et que des amendements soient envisagés afin d'encore accroître des soins de qualité à nos bénéficiaires. Par exemple, si notre ministre s'accorde avec la loi d'avril 14 pour restreindre la pratique de la psychothérapie à 4 courants, cela serait une limitation qui peut empêcher le recours à des méthodes ou approches inédites encore à valider scientifiquement mais dont l'efficacité reconnue dans la pratique mérite qu'elles soient apprises et pratiquées. Si les recherches y participent grandement, cette marge de liberté est indispensable pour favoriser la créativité et l'innovation que nécessite sans cesse la psychothérapie.

    Thierry Lottin
    Président de l'Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones (www.uppcf.be)

    Thierry Lottin dimanche 6 mars 2016 18:43
  • Merci à Thierry Lottin pour son réaction. La FBP le partage pour 100 %.
    Il est vraiment choquant que l'APPPsy refusent des remboursements pour les psychologues. A un moment ou le santé mentale est en crise, ou les gens attendent en moyenne dix ans avant de chercher l'aide ou que 5 % consultent un psychologue, une "association professionnelle des psychologues" ose de dire qu'elle ne souhaite pas des remboursements pour ses clients. Pourquoi?
    Très simple, parce que des remboursements signifient des négociations avec les autres partenaires de la santé, ils signifient que la société souhaite de la controle pour garantir la qualité et on a vue de nos collègues de l'APPPsy qu'ils ne sont pas capables de le faire.
    Ils se plaignent de ne pas être consulté par le cabinet. Pour information, tous les acteurs étaient consulté par le cabinet pendant l'été de 2015. Le plateforme dont ils sont adhérés était présent, juste comme la FBP.
    La différence entre la FBP et l'APPPsy? La FBP ne distribue pas des pamphlets au colloque nationale des commission des psychologues en appelant les médecins comme "le plus grand menace des psychologues". Et elle est surprit qu'elle n'est pas pris sérieux par le ministre de santé? Vraiment, réformer la santé mentale est un travail sérieux ou il faut collaborer avec des autres professions!
    Quand des travaux important pour le secteur sont lancé, comme le 107, la réforme des soins pour les enfants, le profile de compétence pour la psychologie clinique, la FBP est présent pour défendre et promouvoir la diversité de la psychologie et la psychothérapie puisque les clients des psychologues ont un meilleur accès vers des traitements psychologiques. Chaque fois l'APPPsy est absent.
    Défendre les intérêts du psychologue et son client demande un sens de responsabilité. Mais je pense que c'est plus facile de rester absent en criant qu'on tient pas compte de ses points de vue
    Dernier mot, l'APPPsy dit qu'elle rencontre la FBP au sein de la Commission des psychologues. Il y a 2 ans, l'APPPsy (250 membres) est reconnu comme la deuxième association professionnelle des psychologues à côté de la FBP (3200 membres). Même si l'APPPsy n'est pas une association nationale (aucun néerlandophone, aucun représentation des autres secteurs), la FBP ne s'avait pas opposé. Elle a vu une opportunité d'essayer de trouver des modes de collaboration. Malheureusement, on a du constater que l'APPPsy utilise la Commission comme organe syndicale au lieu d'une organe public en protégeant le titre du psychologue et en veillant sur la déontologie des psychologues.
    C'est vraiment triste pour les collègues francophones de l'orientation psychanalytique. Leurs voix perdus à cause d'une vision dogmatistiqëe de ses administrateurs sans avoir une perspectif pour les gens qui souffrent chaque jour.
    La Fédération Belge des Psychologues reste une maison ouvert pour tous les psychologues n'importe quelle secteur ils travaillent, n'importe quelle orientation psychothérapeutique. La seule base partagé est celle de la science psychologique: la science positive et la herméneutique!

    Koen Lowet
    Administrateur délégué
    Fédération Belge des Psychologues (www.fbp-bfp.be/fr)

    Koen Lowet lundi 7 mars 2016 22:05
  • Nous pouvons tous, je crois, comprendre que la position de l'APPPsy puisse engendrer des critiques lorsqu'elle ne rencontre pas les souhaits d'une partie des acteurs. Elle ''ose dire'' et c'est d'ailleurs ce que nous proposons à nos patients, tout en ''garantissant'' que nous ne le prendrons pas disons - personnellement.
    Une chose n'a pas été dite dans ce que je lis ci-dessus : la position de l'APPPsy, reflétée par son président a parlé à une grande sinon une immense majorité de personnes présentes lors du congrès organisé par la Commission, si j'en prends pour repère les applaudissements massifs de l'ensemble de la salle.
    Monsieur le Ministre Borsus ne pouvait pas si bien dire en évoquant Socrate à la fin de son discours, lors du congrès. Socrate soutenait le questionnement en regard de thèmes tabous, d'amalgames ou de débats clos bien avant qu'ils n'aient été ouverts. Par exemple, le remboursement par l'INAMI des séances de psychothérapie à la condition qu'elles soient prescrites par un médecin, ouvrira-t-il comme il a été dit lors du colloque, ''une autoroute'' de crédibilité, de professionnalisme et de patients vers les psys ? L'affirmation est présentée comme une évidence alors même qu'elle est questionnable. Est-elle simplement valide ? Et surtout quelles pourraient être les autres conséquences d'un tel choix - pour le psy tout autant que pour le patient?
    C'est peut-être cette position profondément socratique tout autant que le contenu des arguments de l'APPPsy qui a déclenché l'assentiment du public de tous bords.

    Heracli Tzafestas mercredi 9 mars 2016 14:27
  • Si on souhaite faire référence au colloque national de la commission des psychologues, il faut être correct. Il faut mentionner que l'applaus du salle (bien orchestrée par les 250 membres de l'APPPsy tous présents) n'était pas pour les critiques de l'APPPsy pour les modifications de la loi. C'était pour le souci que l'unicité et la diversité de la psychologie sera préservé dans le domaine de la santé. Ce qui est tout à fait compréhensible et soutenu par la FBP. Par contre, on n'arrive pas à ce but par distribuer des pamphlets en accusant les médecins et le plupart de la médecine comme "menace".
    Il faut donc également mentionner l'applaus immense (non orchestré) du salle pour l'appel de la FBP pour réunir tous les psychologues sur un message positive que la psychologie pourrait signifier pour la santé de notre pays.
    Il faut arrêter de mettre du peur au coeur des gens qui travaillent chaque jour dans des situations et circonstances difficiles insuffisamment valorisés par notre société. Il faut prendre les opportunités et travailler ensemble dans un esprit de collaboration.

    Koen Lowet mercredi 9 mars 2016 17:53
  • Notre collègue Koen Lowet est manifestement mal informé. L'APPPsy n'a jamais considéré les médecins «comme la plus grande menace pour les psychologues», ni plaidé contre un remboursement des actes des psychologues par l'INAMI. L'interview ci-dessus ne dit rien de pareil. Nous considérons que les médecins généralistes et les psychiatres sont nos meilleurs alliés thérapeutiques : postés à l'interface entre la médecine somatique et le champ des souffrances psychiques et celui des troubles comportementaux. Par ailleurs, je confirme que le cabinet a bien refusé de recevoir la seconde fédération nationale reconnue du pays (la seule composée exclusivement de psychologues cliniciens psychothérapeutes) en nous disant suffisamment représentés par Mr Ylieff (sic) : c'est un peu comme si on tentait de faire croire à Bart De Wever qu'Elio Di Rupo est son meilleur porte-parole... Dans cette logique, l'APPPsy n'a bien sûr été ni informée, ni invitée à des discussions concernant la redéfinition (plus que nécessaire) du profil de la psychologie clinique â?? malgré le grand nombre d'enseignants universitaires en son sein. En fait, notre fédération - dont la plupart des membres travaillent en institution - lutte depuis 30 ans pour le respect de la spécificité et de l'autonomie des psychologues cliniciens, et pour la rigueur d'une formation personnelle à laquelle le diplôme n'est sans doute que la meilleure introduction. De ce point de vue, soucieux des patients au-delà des slogans, nous préférons un(e) psychothérapeute venu(e) d'un autre cursus mais bien formé(e), à un(e) psychologue qui n'a pas entrepris de réelle formation. Nous avons lutté aussi pour la protection du titre et avons rédigé, de concert et dans un parfait accord avec la FBP-BFP, le code de déontologie des psychologues désormais inscrit dans la loi.

    Depuis notre création (1986), nous luttons pour la reconnaissance - à une place qui nous corresponde - de notre identité de psychologue clinicien, et contre la paramédicalisation directe ou indirecte de notre profession. C'est pourquoi nous avons proposé avant quiconque, il y a une quinzaine d'années, l'inscription à une place autonome et spécifique des psychologues et des psychothérapeutes dans l'Arrêté Royal 78 régissant les professions des soins de santé. De ce point de vue, nous estimons que la loi de juillet 2014 est adéquate mais incomplète. La ministre de la santé actuelle a cru bon de «corriger» cette loi et d'introduire la psychothérapie dans l'AR 78, mais en supprimant la profession de psychothérapeute pour la remplacer par des actes «psychothérapie» - sur le mode d'une spécialité médicale : actes pratiqués par les médecins, psychologues et orthopédagogues, sans dire quoi que ce soit de leur éventuelle formation. Notons que l'acte psychothérapie remboursé par l'INAMI, chez un psychiatre, ne requiert à ce jour aucune autre formation que son diplôme. Pour les psychologues, l'acte éventuellement remboursé devra (selon ce qui sourd d'un cabinet ne cessant de cacher son jeu) se couler dans des schèmes techno-médicaux inadéquats pour la psychothérapie («evidence based medecine») et standardisés dans leurs duréesrespectives («bonnes pratiques»). Notons que les remboursements limités consentis aujourd'hui par les mutuelles laissent par contre toute liberté au patient. Quoi qu'il en soit, ne nous leurrons pas : même dans le cadre du schéma inadéquat et réducteur conçu par la ministre, il n'y a pas la moindre capacité budgétaire pour rembourser sérieusement les actes posés par les psychologues. C'est bien pourquoi circulent déjà en coulisses des projets de régulation du nombre des psychologues autorisés à pratiquer les actes remboursables : examens de sélection au début ou à la fin des études de psychologie (comme en médecine ou en kinésithérapie), ou plus simplement : assujettissement de l'acte à une prescription médicale (idée de la N-VA) ! Dans ce contexte, l'APPPsy plaide plus réalistement - pour assurer le respect tant des psychologues que de leurs patients - pour un large élargissement du cadre des psychologues dans les SSM (débordés), les hôpitaux (avec création d'un service spécifique de psychologie), les services sociaux, les maisons de soin, et les diverses institutions médico-pédagogiques. Tout ceci est beaucoup plus maîtrisable budgétairement et socialement essentiel. Il est clair qu'en cas d'embellie économique nous souhaitons le remboursement des actes des psychologues cliniciens et psychothérapeutes, selon un schéma qui corresponde à la spécificité de leurs actes. Soyons conscients de ce que la ministre actuelle ne vend ici hélas que de «la poudre aux yeux». Aveuglés, de jeunes psychologues sans emploi risquent - en désespoir de cause - d'accepter n'importe quoi et de se laisser maltraiter faute de mieux. C'est de plus en plus le cas en diverses institutions et hôpitaux.

    Plus largement, l'APPPsy est soucieuse de l'équation santé mentale-santé sociale et de l'interdisciplinarité qu'elle requiert. Dans cette perspective, nous avons proposé, il y a une quinzaine d'années, l'ouverture d'un chapitre 3 - «les professions de la santé mentale» - dans l'AR 78 (les professions des soins de santé), en complémentarité et égalité avec les professions médicales. Nous partageons le souci de Maggie De Block de recentrer la santé autour des figures de première ligne du médecin généraliste et du psychologue clinicien, mais non sous le seul égide (d'organisation, de formation, d'évaluation) de la logique techno-médicale. Nous regrettons que les annonces de la ministre (Commission de la santé, Communiqué de presse, Commission des psychologues) ne fassent état d'aucune politique (clinique, scientifique, sociale) en matière de santé mentale. En réalité, madame De Block a emprunté le nom - et seulement le nom - d'une idée promue depuis longtemps par l'APPPsy : celle d'un Conseil Fédéral Supérieur de la Santé Mentale qui regrouperait les différentes professions du terrain réel (psychologues cliniciens, travailleurs sociaux, orthopédagogues, médecins généralistes, psychothérapeutes, psychiatres, criminologues, représentants du monde des institutions, de l'éducation, de la police et de la justice). Dans les faits, elle a réduit ce Conseil de la Santé Mentale à la peau de chagrin d'un comité consultatif de psychiatres, psychologues et orthopédagogues : n'oublions pas que pour elle psychothérapeute n'est pas une profession.

    Sur une autre scène, l'OMS estime que la dépression est en train de devenir la seconde cause d'invalidité au monde. Facteur déclenchant de nombre de maladies somatiques, elle est corrélée en premier avec la solitude, en second avec le chômage. Sa meilleure thérapeutique individuelle scientifiquement reconnue est un mixte de pharmacodynamie et de psychothérapie. Il est également reconnu que la personnalité des thérapeutes (leur savoir être et non seulement leur savoir faire) compte plus que leurs références conceptuelles. En outre, les antidépresseurs de la génération (ISRS) ne marchent pas mieux que des placebos (I. Kirsch, 2008) â?? c'est-à-dire qu'ils réagissent aussi bien à des facteurs purement psychiques et relationnels qu'à la fluoxétine (Prozak). Dans le cadre d'un véritable projet politique de thérapie, de prévention et d'économie en matière de santé, il y a donc beaucoup de place pour les psychologues cliniciens, les psychothérapeutes, ainsi que pour l'ensemble riche et diversifié des professionnels de la santé mentale.


    Francis Martens
    président l'APPPsy

    Francis Martens mercredi 9 mars 2016 23:46
  • Je remercie Thierry Lottin de partager avec nous ses réflexions. Je voudrais y apporter quelques précisions. Vous dites qu'il n'y est pas précisé si les formations reconnues seront limitées au panel de 4 orientations psychothérapeutiques reprises dans la loi du 4 avril 2014. En fait Maggie De Block a dit à de multiples reprises qu'elle ne considère comme valides que les thérapies ''médico-scientifiques, evidence-based''. Koen Lowet a justifié cette position de Maggie De Block lors du colloque de la Commission des Psychologues en disant que de plus en plus de psychothérapies étaient intégratives et que donc ces différenciations de courant n'avaient plus cours.rnVous dites aussi que l'acte de psychothérapie serait dispensé par des psychiatres ou des psychologues cliniciens formés. C'est en partie exact. S'il est vrai que les psychologues cliniciens et les orthopédagogues devront être formés pour le pratiquer, ce n'est pas le cas des médecins (tous les médecins). Maggie De Block justifie cela en disant que de toute façon, à l'heure actuelle, dans la formulation de l'AR 78, seuls les médecins peuvent légalement pratiquer la psychothérapie (mais également la psychologie clinique et l'orthopédagogie).rnElle dit aussi que les formations ne pourront se donner qu'à l'université ou dans des hautes écoles.rnQuant au remboursement Inami, si l'entrée des psychologues dans l'AR 78 ouvre effectivement un droit théorique à ce remboursement, il n'est ni garanti (économies obligent), ni assuré qu'il ne se fera pas sur prescription médicale (Maggie De Block y tient beaucoup) et pour un nombre limité de séances.rnIl ne faut donc pas crier victoire trop vite. Je suis de ceux qui pensent que cette loi peut être déplorable pour les psychologues aussi.rnJe voudrais aussi réagir à l'intervention de Koen Lowet et lui dire que, dans le temps, l'APPPsy a fait partie de la FBP. C'est d'ailleurs sous la présidence de Diane Drory (APPPsy) qu'elle a pris l'essor qu'elle a maintenant, notamment sur le plan international.rnSi l'APPPsy a quitté la FBP, c'est précisément à cause du type de discours que vous tenez ici. On peut ne pas être d'accord et ce n'est un secret pour personne que c'est le cas. Ce n'est pas une raison pour dénigrer, faire des procès d'intention, être dans le mépris de ceux qui pensent autrement que vous. La FBP défend une position corporatiste de la profession, cela a été dit explicitement par Michel Ylieff il y a peu. Mais c'est son droit le plus strict. C'est une position tout à fait valable de défense professionnelle.rnCe n'est pas celle de l'APPPsy ni de l'UPPsy. rn- Il est faux de dire que ces associations refusent le remboursement des consultations des psychologues. Nous sommes psychologues, nous ne voulons pas nous tirer une balle dans le pied ! Ce que nous disons, c'est que nous refusons un remboursement SUR PRESCRIPTION. Nous ne voulons pas que ce soit un médecin qui décide de l'indication ou du nombre de séances remboursées. Nous ne voulons en aucun cas être assimilés à une profession paramédicale, même de fait. Nous disons aussi que le remboursement ne va pas résoudre l'accès au soin pour les patients les plus démunis. Il va permettre au psychologue d'augmenter ses tarifs et il aurait tort de s'en priver. Nous ne sommes pas contre cette perspective, loin de là. Les psychologues ne sont pas bien payés pour un travail pourtant exigeant et difficile. Quand on compare aux autres professions libérales ou indépendantes, on est loin derrière. Nous disons simplement que d'augmenter l'enveloppe et le nombre de service de santé mentale avec plus des psychologues salariés dans ces services et dans les hôpitaux, permettrait un meilleur accès pour les patients en difficulté.rn- Il est aussi totalement faux de dire que nous refusons de collaborer avec les autres partenaires de la santé. Nous le faisons tous dans nos pratiques quotidiennes. Pour ma part, j'ai travaillé toute ma carrière avec des médecins et dans des hôpitaux, mais dans un rapport de collaboration et non de subordination, et c'est cela que je défends pour mes futurs collègues. Nous aussi nous voulons garantir une qualité de pratique, c'est la raison pour laquelle nous nous battons depuis des années pour avoir une législation qui mette au centre la formation et la déontologie. Nous voulons simplement que le contrôle soit fait par des professionnels qui ont une compétence suffisante du domaine qu'ils sont supposés contrôler. rn- Vous dites que tous les acteurs concernés ont été rencontrés par le cabinet. C'est encore faux. La plate-forme que vous citez n'a pas été consultée. Côté francophone, à part la FBP, aucune des Fédérations Professionnelles officiellement reconnues par le Ministère des Classes Moyennes n'a été consultée, que ce soit de psychologues ou de psychothérapeutes. Il me semble que c'était pourtant une demande légitime de leur part. Et ce n'est pas faute d'avoir demandé un rendez-vous...rn- Vous dites que la FBP était partout et pas l'APPPsy et vous avez raison. La FBP vous a payé pour faire du lobbying partout, tant dans les instances politiques qu'auprès de la presse, et elle avait raison de le faire. Cela lui a donné une visibilité et du poids dans les décisions. Donc oui vous étiez partout. Mais vous étiez payé pour faire ce travail et ce temps-là vous ne l'avez pas consacré aux patients. Nous sommes tous bénévoles pour nos engagements vis-à-vis de la profession et nous privilégions le travail avec nos patients. C'est là que nous avons mis notre sens de la responsabilité, tout en essayant, en plus et parfois jusqu'au burn-out, d'assurer la défense de nos collègues. C'est la seule raison du fait que nous n'étions pas omniprésents comme vous.rn- Les membres de l'APPPsy (dont certains, peu nombreux, vivent en Flandre et sont bilingues) sont tous psychologues cliniciens. Cependant un certain nombre d'entre eux travaillent également dans les autres secteurs de la psychologie. C'est ce qui fait que la Commission Belge des Psychologues a été obligée (par la Ministre Laruelle) de les accepter en son sein, après des années de refus. Faut-il préciser qu'avant la Commission Belge des Psychologues n'étaient composée que de membres de la FBP (plus les magistrats nommés par le Ministre) ? Il ne faut donc pas s'étonner de la confusion fréquente entre la Commission des Psychologues et la FBP, confusion renforcée par le fait que ces 2 institutions avaient en outre la même adresse ! Est-ce que pour vous, Monsieur Lowet, émettre un avis différent du vôtre, c'est faire de la lutte syndicale ?rnSi la diversité de pensées pouvait exister, si le respect de la différence était une réalité, si un dialogue pouvait se tenir en acceptant ces différences et en acceptant de faire des compromis dans lesquels chacun puisse se retrouver, alors je pense qu'un vrai dialogue serait possible et très certainement fructueux.rnBrigitte Dohmen, psychologue, membre UPPsy

    Brido jeudi 10 mars 2016 00:26
  • Quelques remarques, précisions et mises au point semblent nécessaires pour poursuivre un débat d'idées dont la tournure souhaitée serait la disputatio et non l'invective. Travailler ensemble dans un souci de collaboration et donc de concertation nécessite que chacun puisse énoncer son point de vue. N'est-ce pas un des paris de la démocratie ?

    Nous poursuivrons donc ce débat par une première remarque concernant le dénommé " refus" de remboursement pour les psychologues. Pour le dire très clairement, pour nous, il ne s'agit en rien d'un refus.
    Les remboursements tels qu'ils sont actuellement octroyés par les mutuelles pour des consultations psychologiques s'avèrent de notre point de vue une bonne chose pour les patients tant au niveau du remboursement proprement dit, quoi que limité à quelques séances seulement, mais aussi pour la liberté qui leur est laissée (quant au motif de consultation par exemple).

    Le problème n'est donc pas là.
    Il ne s'agit pour nous en rien non plus d'un refus provoqué par une quelconque ''volonté de ne pas vouloir négocier'' (négociations auxquelles, soit dit en passant, nous n'avons pas ou tellement peu accès) avec d'autres partenaires, ou pour quelques autres raisons obscures.

    Nous souhaitons simplement amener une réflexion issue, d'une part, de nos expériences professionnelles, nos pratiques cliniques, -puisque beaucoup d'entre nous exerçons dans des institutions du large champ médico-psycho-social dans lesquelles nous rencontrons des publics en grande souffrance.

    D'autre part, cette réflexion s'étaye aussi sur le contexte socio-économique actuel pour lequel des restrictions budgétaires touchant les soins de santé et l'aide sociale sont à l'agenda politique. Les acteurs de terrain font toujours un même constat, celui d'une augmentation des souffrances psychiques associées à une précarité sociale croissante.
    Ces situations complexes, et parfois chroniques, dans lesquelles se trouvent ces personnes psychiquement et socialement impactées nécessitent, pour une grande part, des dispositifs de soin institutionnels multidisciplinaires (médecin, assistant social, psychologue, etc.) souvent de première ligne, permettant un accompagnement de plus ou moins longue durée dans un contexte d'accessibilité notamment financière. C'est pourquoi nous pensons qu'il est plus opportun d'abord (et pas uniquement) de renforcer le réseau associatif, tel que les maisons médicales, les plannings familiaux, les services de santé mentale, les centres spécialisés et les hôpitaux... et d'y engager, autant que faire se peut, des psychologues. Il ne s'agit donc en rien, d'un ''refus'' tel qu'il nous l'est assigné.
    Il est vrai que pour les patients, l'idéal serait de bénéficier à la fois d'un réseau d'institutions médico-psycho-sociales consistant et d'une plus grande accessibilité des consultations psychologiques et psychothérapeutiques en libéral. Mais, dans le contexte économique actuel serait-il possible de soutenir les deux? Tant mieux, si tel pouvait être le cas !

    En outre, à ce jour, les consultations psychologiques remboursées par les mutuelles ne nécessitent pas de diagnostic médical préalable, sauf dans certains cas précis et ce, pour pouvoir bénéficier de quelques séances supplémentaires.

    Ce constat nous amène à notre deuxième remarque concernant le remboursement des séances. Nous ne voulons pas que ces dernières soient d'emblée médicalisées à travers un diagnostic.
    En effet, tout diagnostic est, d'une certaine façon, prédictif des actes cliniques à venir et rend de facto le patient ''objet'' d'une maladie et donc d'un système de soin.
    Or, ce qui relève du champ de la santé mentale ne relève pas automatiquement du domaine des troubles mentaux et donc de la psychiatrie. Il y a une marge entre ''psychopathologie de la vie quotidienne'' et psychopathologie psychiatrique. Et toute douleur d'exister ne relève pas forcément de dysfonctionnements neurocognitifs liés à des facteurs de vulnérabilités génétiques, elle relève régulièrement d'une perte de sens existentiel ; à le croire, nous tomberions dans une psychiatrisation de masse, comme peut par exemple en parler Roland Gori dans son ouvrage ''La dignité de penser''.
    Nous savons bien que le psychisme se construit aussi dans un rapport à autrui articulé au social. Le soin psychique trouve aussi son site dans cette dimension anthropologique majeure qu'est le traitement de la parole. Ainsi par exemple, les travaux de Jean Furtos mettent en évidence l'existence d'une souffrance psychique d'origine sociale, une précarité (qui ne se réduit pas à la pauvreté matérielle), dont les effets subjectifs délétères ne relèvent pas ''d'une perspective étiologique ou causaliste de nature médicale'' (Mental'idées n°11 - 09/2007 L.B.F.S.M.).
    C'est pour ces raisons qu'il nous semble important de pouvoir dans l'avenir maintenir une possibilité de remboursements pour des prestations de psychologie clinique ou de psychothérapie qui ne soient pas forcément associées à un diagnostic médical.

    Pour le dire encore autrement, la psychologie clinique, tout comme la psychothérapie, relèvent d'un autre paradigme que celui de la médecine.
    Nous pensons que les paradigmes de la santé psychique, de la santé somatique et bien sûr aussi de la santé sociale sont complémentaires puisque ces champs sont imbriqués. Ils sont dès lors à penser dans leurs articulations, souvent indissociables dans nos pratiques mais ne peuvent selon nous être réduits ou confondus l'un à l'autre.
    Ainsi, nous souhaitons pouvoir exercer la psychologie clinique et la psychothérapie de façon autonome, et en complémentarité avec nos collègues médecins notamment. Nous collaborons quotidiennement avec eux et avec d'autres professions en respectant nos champs spécifiques et ce, pour l'intérêt de nos patients, mais il ne nous semblerait cliniquement pas pertinent d'être paramédicalisés de la sorte.
    Pour conclure ces quelques lignes, si ''menace'' il y avait, elle serait à craindre bien évidemment pas du côté des médecins eux-mêmes, mais du côté d'un système qui imposerait, remboursement de soins à l'appui, l'apanage du paradigme médical auquel les autres paradigmes seraient inféodés et qui, de ce fait, ne pourrait qu'être réducteur et bannir la dimension d'altérité nécessaire dans le traitement de l'humain qui tienne compte de toute sa complexité.

    Alain Rozenberg

    Alain Rozenberg dimanche 13 mars 2016 20:04
  • Etrange tout de même...
    1/ Rembourser les soins psychologiques alors qu'on diminue tous les budgets des soins de santé? Par un coup de baguette magique?
    2/ Est-ce qu'un psychologue reçoit une formation lui permettant de soigner!? Í?tant moi-même psychologue, je peux témoigner que ces 5 années d'études ne me le permettent pas. Soyons honnêtes, s'il vous plait.
    3/ Ce colloque de la Commission... ne laissait aucune place à un débat tant il était réglé au pas de charge. Réglé d'avance dirais-je. D'ailleurs, en tant que licencié en psychologie, je trouve indigne de devoir "louer" mon titre de psychologue à une institution qui prend des positions sociétales aussi peu neutres.

    HenriTournaile mercredi 20 avril 2016 17:39

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