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Le décret inclusion : entre utopie et réalité sur le terrain

09/06/14
Le décret inclusion: entre utopie et réalité sur le terrain

Le décret relatif à l’inclusion de la personne handicapée, déposée par la ministre Évelyne Huytebroeck, a été adopté par le parlement bruxellois francophone lors de la législature précédente. Dans son essence, le décret vise une amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. Pour certains cependant, il détient une belle part d’utopie.

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En un peu plus d’un siècle, la perception du handicap a changé et les politiques sociales qui en ont découlé ont lentement évolué, passant de l’exclusion à l’intégration et, aujourd’hui, à l’inclusion.

Des Nations Unies à la Cocof

C’est le 17 janvier 2014 que le parlement francophone bruxellois adopte, à l’unanimité, le projet de décret inclusion qui réorganise la politique d’aide aux personnes handicapées à Bruxelles, en application des grands principes prônés dans la Convention des Nations Unies aux droits des personnes handicapées (CDPH). Ce décret remplace le décret du 4 mars 1999 relatif à l’intégration sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap.

Comme l’énonçait madame Huytebroeck, membre du collège de la COCOF - la COmmission COmmunautaire Française - ayant en charge la politique d’aide aux personnes handicapées dans la Région de Bruxelles-Capitale : « La philosophie d’un tel décret repose sur la volonté d’inclure les personnes handicapées dans tous les domaines de la vie sociale sans nier, ni gommer, les différences et en refusant toutes formes d’exclusion et de ségrégation. » Cela signifie que les personnes handicapées ont le droit de vivre dans la société comme tout un chacun, en recevant les aides et les soutiens nécessaires. Ce principe concerne autant les questions d’accès au logement qu’aux activités de loisirs et à l’enseignement ainsi qu’aux soins de santé.

Évolution sémantique : de l’intégration vers l’inclusion...

Selon une étude réalisée par Benard De Backer, spécialiste du handicap à Bruxelles, pour le CBCS, le Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique, il est difficile de repérer ce qui distingue l’inclusion de l’intégration « sinon qu’il se fonde sur un ’’droit’’ et concerne ’’tous les domaines de la vie sociale’’. Il semble dès lors plus participer d’une extension de l’intégration de tous à l’ensemble de la société que d’un changement du mode d’intégration, ce qui entraîne notamment le fait qu’il ne parait plus opportun de distinguer l’intégration sociale de l’intégration professionnelle tel qu’il était de mise dans le décret de 1999. À moins que la différence soit indiquée par le ’’comme tout un chacun’’, alors que l’intégration signifierait ’’comme une personne handicapée’’ ? »

Difficultés dans la mise en œuvre concrète

Dans son application concrète, cette nouvelle orientation de la politique des personnes handicapées risque d’être confrontée à plusieurs obstacles. D’abord par rapport aux moyens alloués à l’accueil des personnes handicapées. Il va de soi que des investissements devront être faits dans les milieux « ordinaires » pour assurer des adaptations notamment techniques mais également pour la formation des professionnels. Le secteur spécialisé ne sera cependant pas disposé à voir diminuer ses moyens au bénéfice des autres. De plus, le décret n’a pas compétences et juridiction sur divers secteurs tels que celui ambulatoire et celui de l’enseignement. Le risque est que les personnes handicapées se retrouvent ballottées entre le secteur spécialisé qui les pousserait à l’inclusion et les autres secteurs qui ne seraient pas disposés ou en capacité de les accueillir.

Les craintes du secteur spécialisé

Les institutions actuelles (centres de jour, centres d’hébergement, écoles d’enseignement spécialisés,...) boudent d’ailleurs ce décret car ils y voient une menace pour leur avenir. Bernard De Backer souligne ce risque dans son étude : «  Si l’hébergement et les centres de jours spécialisés ne sont pas appelés à disparaître, ils devront certainement (nombre d’entre eux le font déjà) se mettre à l’heure du paradigme inclusif en ouvrant davantage leurs institutions sur le monde extérieur, dans la mesure de la possibilité et des souhaits de leurs résidents. »

À coté des craintes du secteur spécialisé, des critiques à l’inclusion font également leur apparition. Aussi pour certains, être placé dans un même lieu ne signifie pas nécessairement la fin des mesures d’exclusion à l’égard des personnes. Celles-ci peuvent alors devenir des « exclus de l’intérieur », selon la formule du sociologue Pierre Bourdieu reprise par Bernard De Backer.

L’inclusion, une approche à intérioriser

Si l’essence du décret inclusion est d’augmenter la qualité de vie des personnes handicapées en allouant notamment des moyens pour réussir cette transition, le projet demande également un effort d’intériorisation de l’inclusion de la part du public concerné. Car une bonne partie de la population en situation de handicap vit depuis de longues années relativement en marge de la société, souvent socialisée avec d’autres personnes également handicapées. Ces personnes devront donc tendre la main, dans leurs aspirations, à l’inclusion...

Delphine Hotua

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Commentaires - 4 messages
  • de la part d'une soi-disante ministre évoluée et malheureusement "écolo" c'est du n'importe quoi!

    michel ravert mardi 10 juin 2014 16:37
  • Bonjour,rnC'est loin d'être du n''importe quoi d''essayer de devenir cohérent dans une démarche de développement et de"globalité"! Le concept de globalité, de projet intergénérationnel, la volonté de créer des liens de solidarités et de coopérations, ainsi que de tenter d'évoluer vers des meilleures conditions d'égalités des chances, ce n'est pas n'importe quoi ! Mettre un stop aux étiquettes de marginalisations et à la classification des personnes différentes, me semblent une bonne chose.C''est un point de départ pour arriver progressivement à une meilleure cohésion sociale et pour faire émerger les 'idées objectives en tant qu'acteurs et citoyens responsables de notre devenir pour une société qui cherche à être plus respectueuse vis à vis de chacun ! Merci Madame Huytebroeck , je pense que pour les travailleurs sociaux et les personnes qui sont confrontées sur le terrain, qui réfléchissent depuis des années sur les différentes problématiques de l'intégration des personnes handicapées est bien un plus très positif ce nouveau décret. J'espère de tout coeur que les actions et les projets "nouveaux" d'inclusions pourront être développés pas seulement sur BXL !

    DaufVéGadoue jeudi 12 juin 2014 16:34
  • En même temps, bien que les idées y soient et je les estime, je suis d'accord que c'est le regard de la société sur le handicap qu'il faut changer... quand j'entends que cap 48 cible encore son image de campagne sur les personnes en chaise roulante... le handicap ce n'est pas QUE la trisomie 21 ou QUE les personnes en chaise roulante... c'est bien plus large que ça et bien plus complexe..il est temps d'élargir nos visions et de sortir des clichés...

    yapaka mardi 1er juillet 2014 11:16
  • Je suis la maman d'une petite fille de 4 ans 1/2 qui est atteinte d'un retard de développement globale, heureusement Morgane est intégrée dans une école ordinaire, dans un village à côté du notre dans le Namurois, car il n'existe pas d'école spécialisée dans le maternelle tout près de chez nous, je m'inquiètes souvent pour le devenir d'enfant comme ma fille, car pas de handicap avéré, un développement qui se fait plus doucement qu'un autre enfant, et dans notre pays, il semble que cela soit le cadet des soucis de nos politiques. Je lance un vrai SOS à tous les parents qui vivent cette situation ma fille est handicapé dans l'être vraiment car on ne le voit pas, alors si vous vivez la même situation que moi n'hésité pas à m'écrire, je voudrais créer une ASBL pour les parents d'enfants dont le handicap ne se voit pas !!! Nous sommes seuls face aux difficultés de nos enfants alors serrons nous les coudes !!!!

    Tchounette mercredi 4 mars 2015 11:08

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