A quand des subsides pour l'accompagnement des enfants trisomiques ?
A l’occasion de la journée mondiale sur la trisomie 21, retour sur une lettre adressée à Maggie De Block, mi 2017, afin de lui demander un soutien plus important pour l’accompagnement des enfants. Le test prénatal non invasif permettant de détecter le syndrome de Down sera partiellement gratuit, grÍ¢ce à une enveloppe de 15 millions d’euros. Qu’en est-il des subsides pour la recherche et l’accompagnement des enfants trisomiques ?
Le test de Dépistage Prénatal Non Invasif (DPNI) permet, avec un prélèvement de sang de la mère, de dépister le syndrome de Down chez le fœtus par examen de l’ADN du bébé. Il n’est donc plus nécessaire de réaliser un grand nombre d’amniocentèses, qui peuvent provoquer une fausse couche. Fin mai, Maggie De Block annonçait débloquer une enveloppe exceptionnelle de 15 millions d’euros afin de le rendre partiellement gratuit. Si le geste est louable, beaucoup de parents et de professionnels de la santé s’indignent : qu’en est-il des subventions concernant la prise en charge globale de ces enfants trisomiques, la recherche et l’accompagnement ? Le Docteur Guy Dembour, en partenariat avec d’autres signataires, publient dans La Libre une lettre ouverte à l’attention de la ministre de la Santé
Madame la Ministre De Block,
Chère Consœur,
Depuis plus d’une douzaine d’années, des centaines d’enfants et d’adolescents porteurs de trisomie 21 sont suivis par des équipes de spécialistes qui assurent un suivi médical global et régulier à ces enfants qui souffrent de pathologies variées (cardiaques, hormonales, orthopédiques, sensorielles…) ainsi que d’un retard cognitif. Ce suivi concerne, entre autres, la prévention de complications, le suivi médical des enfants porteurs de cette anomalie génétique, une évaluation du développement en vue de développer l’autonomie et l’insertion maximale de ces enfants.
Neurologues, cardiologues, orthopédistes, ophtalmologues, ORL, kinés, logopèdes dentistes, psychologues du développement… travaillent en multidisciplinarité. Les réunions de concertations entre médecins et paramédicaux sont importantes pour pouvoir donner aux parents les meilleurs conseils concernant la santé et le développement de leur enfant. En outre, régulièrement, d’autres rencontres sont organisées avec des services d’accompagnement, des représentants de CRA (centres de réadaptation ambulatoire), des membres d’établissements scolaires, etc., afin de mieux partager les informations et mieux soutenir les enfants et leurs familles.
Ensemble pour un "meilleur être"
Vous savez que la notion de réseau devient de plus en plus indispensable dans la prise en charge des personnes présentant une maladie chronique. Nous sommes persuadés qu’une telle proposition multidisciplinaire assure à court et moyen terme un "meilleur-être" physique et développemental, favorise l’intégration sociétale et permet à long terme à ces enfants devenus adultes d’accéder à plus d’autonomie.
Moins de dépendance signifie actuellement chez nombre de jeunes adultes porteurs de trisomie 21 la possibilité d’avoir un hébergement en autonomie totale ou partielle. D’évidence, il s’agit d’un mieux-vivre pour les personnes, mais aussi d’une fameuse économie pour l’Etat. Il en va de même pour la prévention des complications.
On a perdu l’enveloppe…
Plusieurs d’entre nous sommes intervenus auprès de l’Inami (et ce, depuis 2004 !) pour l’informer de l’existence de ces consultations multidisciplinaires, expliquer les bénéfices pouvant être attendus de cette prise en charge. Un groupe de travail fut lancé en 2007 au sein de l’Institut ; en juin 2009, une enveloppe de 1 245 000 € par an fut réservée pour une convention permettant l’organisation des consultations multidisciplinaires (en faveur d’enfants présentant une affection génétique avec retard de développement et nécessitant une approche multidisciplinaire).
Cette convention permettait à 8 hôpitaux du pays de bénéficier d’une aide permettant l’organisation de ces consultations. Quelques mois plus tard, quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre que cette enveloppe était finalement allouée à d’autres projets ! Depuis lors, il nous a toujours été déclaré que l’Inami n’avait plus aucune réserve budgétaire et était dans l’impossibilité d’octroyer le moindre subside.
15 millions tombés du ciel
C’est dans ce contexte que nous apprenons par les médias que l’Inami va consacrer 15 millions d’euros par an au dépistage prénatal systématique de la trisomie 21. Que s’est-il passé pour qu’une enveloppe de 1 245 000 € soit considérée en 2009 comme non acceptable par manque de budget et qu’en 2017, alors que le déficit public s’est encore creusé, un budget de 15 millions annuels puisse être libéré ? Le montant demandé en 2009 ne représentait pourtant que moins du dixième du budget alloué actuellement pour le dépistage…
Nous comprenons que des moyens supplémentaires soient dévolus au dépistage prénatal mais, une fois nés, l’état de santé et la qualité de vie des enfants porteurs d’une trisomie 21 nécessitent un suivi spécifique et spécialisé. Ce que nous demandons est la reconnaissance par l’Inami de notre existence et de nos besoins en terme de soutien financier ; cette demande est totalement justifiable.
Les médecins reçoivent des honoraires pour leurs consultations, nous direz-vous… mais on ne tient pas compte des heures passées pour des temps de concertation au sujet des enfants entre les différents médecins et paramédicaux. Le temps consacré par une infirmière à organiser ces consultations ne donne lieu à aucun remboursement. La psychologue spécialisée dans l’évaluation du développement des enfants et qui soutient les familles dans le développement de l’enfant, ses troubles éventuels du comportement, l’orientation scolaire, la guidance éducative est rémunérée uniquement par des fonds privés. Les kinés et logos délivrent du temps pour voir les enfants de ces consultations, mais n’ont pas de rémunération propre pour cette activité.
Actuellement, l’Inami n’intervient en aucune façon dans cette prise en charge globale. Ce sont les hôpitaux eux-mêmes et des fonds privés qui doivent supporter la charge salariale supplémentaire que représente l’organisation de ces consultations multidisciplinaires. En l’absence d’aide publique, jusqu’à quand nos hôpitaux (déjà en difficultés financières pour la plupart) vont-ils continuer à soutenir l’organisation de ces consultations ? Jusqu’ à quand des professionnels vont-ils continuer à donner généreusement de leur temps sans la reconnaissance et le soutien financier indispensable à la poursuite de leur activité ?
Madame la Ministre, chère Consœur, nous serions heureux de pouvoir vous accueillir lors d’une de nos consultations multidisciplinaires ; que vous puissiez en découvrir l’organisation, faire la connaissance des professionnels et de familles.
Voici l’ensemble des signataires : Dr Guy Dembour et Dr Sophie Ghariani (consultation multidisciplinaire Tr21 Cliniques universitaires St-Luc, Bruxelles), Dr Marek Wojciechowski (Downpoli AZ Antwerpen), Dr Anne Monier et Dr Pascale Perlot (consultation multidisciplinaire Tr21, Hôpital universitaire des Enfants-Reine-Fabiola), Dr Jo Lebeer (Professor in handicap studies, universiteit Antwerpen), Dr Isabelle Loeckx et Dr Françoise Mascart (consultation multidisciplinaire Tr21, Clinique de l’Espérance, Montegnée), Dr Evelyne Heylen (consultation multidisciplinaire Tr21, Clinique St-Pierre, Ottignies).
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