Equivalence du diplôme d'éducateur en France

Les exigences de la France en matière d’équivalence des diplômes des éducateurs spécialisés belges
La France et la Belgique francophone entretiennent depuis longtemps des liens étroits en matière de prise en charge institutionnelle des personnes handicapées. Les disparités constatées de part et d’autre de Quiévrain s’agissant des modes de financement des établissements et des disponibilités de places ainsi que les différences de statut social du personnel génèrent des phénomènes durables d’attractivité croisée des personnes accueillies et des salariés. Dans ce contexte, un arrêt récent du Conseil d’Etat français (CE, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 6 août 2008, Mme Dorothée B…, n° 308898) mérite d’être signalé qui concerne les conditions de reconnaissance, par les autorités françaises, de l’équivalence des diplômes des éducateurs spécialisés belges.
Une éducatrice spécialisée belge avait sollicité la reconnaissance de son titre professionnel avec le diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé français pour se présenter au concours d’entrée dans le corps des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière française. Pour ce faire, elle avait saisi la commission administrative ad hoc instituée auprès du Ministre de la santé. Ayant reçu une réponse négative de cette commission, elle en a poursuivi l’annulation devant le Conseil d’Etat.
Pour trancher ce litige, le Conseil d’Etat français a adopté le raisonnement suivant :
– constitue une profession réglementée au sens de la jurisprudence communautaire (CJCE, 9 septembre 2003, Burbaud, aff. C-285/01) toute activité professionnelle dont les conditions d’accès et/ou d’exercice requièrent impérativement la possession d’un diplôme juridiquement défini ;
– la reconnaissance de l’équivalence dans ce cadre est subordonnée au constat de l’équivalence des volumes horaires de formation mais aussi, en cas d’éventuel déficit de volume horaire, à la justification d’une expérience professionnelle postérieure significative au sens de l’article 6, b de la directive 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles.
En l’espèce, la requérante justifiait bien d’un volume de formation théorique supérieur à l’exigence française ; en revanche, son volume horaire de stages était insuffisant au regard de la norme française. Le Conseil d’Etat s’est alors enquis de la durée de son ancienneté professionnelle postérieure ; constatant qu’elle était insuffisante au regard de l’article 6, b de la directive, il n’a pu que confirmer la légalité de la décision de la commission d’équivalence et rejeter la requête.
Ce faisant, la Haute juridiction a poursuivi son œuvre jurisprudentielle dans la lignée des quelques quatorze arrêts qu’elle avait rendus depuis l’année 2000 en réponse aux demandes des éducateurs spécialisés belges diplômés de la Haute Ecole de Bruxelles, de l’Institut Supérieur Provincial de Namur, de l’Institut d’Enseignement Supérieur Pédagogique et Technique de la Communauté Française de Belgique, de la Haute Ecole Léon Eli Trochet de Liège, de l’Ecole des Arts et Métiers d’Erquelinnes, de l’Ecole Industrielle et Commerciale d’Arlon, de la Haute Ecole Robert Schuman de Virton ou encore de la Haute Ecole Charlemagne de Liège.
Désormais, l’état du droit français est le suivant.
Le volume horaire de la formation théorique et des stages accomplis au titre de la formation sanctionnée par le diplôme belge doit être au moins égal à celui défini dans le programme du diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé français (décret n° 2007-899 du 15 mai 2007 relatif au diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé codifié aux articles D. 451-41 à D. 451-46 du Code de l’action sociale et des familles ; arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé, Journal officiel du 3 juillet 2007 ; annexes pédagogiques, Bulletin officiel du Ministère de la Santé n° 2007-7), à savoir 1 450 heures de formation théorique et 2 100 heures de formation pratique.
Mais en cas d’insuffisance de ces volumes horaires, doit aussi être prise en compte l’expérience professionnelle acquise postérieurement à l’obtention du diplôme belge. C’est l’apport principal de cet arrêt du 6 août 2008 : pour la première fois, le Conseil d’Etat français admet l’augure d’une équivalence prononcée sur la foi d’une expérience professionnelle prouvée de deux années à temps complet ou d’une durée équivalente en cas de travail à temps partiel sur une période de dix ans (article 6, b de la directive). Précédemment, il s’était borné à une position de résistance (depuis CE, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 4 février 2004, Consorts X…, n° 225310) en annulant toutes les décisions de la commission ministérielle d’équivalence, dénonçant ainsi une absence de transposition suffisante de la directive du 18 juin 1992 qui valut d’ailleurs à la France d’être sanctionnée (CJCE, 7 octobre 2004, Commission c/ France, aff. C-402/02).
Cette décision devrait apporter plus de sérénité aux étudiants et aux éducateurs spécialisés belges tentés par un exercice professionnel en France. Nul doute que la jurisprudence à venir précise dans quelles limites l’expérience professionnelle pourra compenser un éventuel déficit des volumes horaires de leur formation initiale.
Olivier POINSOT
Avocat au Barreau de Montpellier – Cabinet GRANDJEAN
Chargé de cours aux Universités de Toulouse et Montpellier
photo : Brunoite
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